Ah, combien ce pays ?

mis en ligne le 7 avril 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Un appel, que dis-je, un cri, lancé de Tulle, code postal 19000, Corrèze : « François, François, président ! », hurlaient une poignée de Tullistes, transportés de joie car oui, qu’on se le dise, qu’on se le susurre à l’oreille : un homme est là, dressé tout droit qui, il nous l’a promis, va « lever l’espérance ». Entre ici, Culbuto – doucereux surnom dont l’affublent ses camarades du PS –, entre ici, Hollande, François, entre dans la course aux primaires ! Aubry, Royal, Montebourg et autres Gnafron de pacotille commençaient à nous lasser ferme : heureusement, voici Guignol ! « Nous ne sommes pas n’importe quel pays : nous sommes la France », ose-t-il. On voit que d’emblée le Hollande a décidé de cogner fort, quitte à choquer les mièvres. Quant à la gauche, eh bien, selon lui, « elle doit dire la vérité ». Audacieux personnage !
Également audacieux et jusqu’à la bêtise, Jean-François Copé ne lâche rien : à l’heure où s’écrivent ces lignes, le débat sur l’islam, rebaptisé débat sur la laïcité, puis re-rebaptisé convention sur la laïcité, n’est toujours pas annulé, malgré les défections multiples, malgré les cris d’orfraies d’autorités religieuses dont on se demande, au passage, ce qu’elles auraient à craindre de cette rencontre de culs bénis oui-oui. Elle aura donc lieu, la fumeuse convention, entre midi et deux autour d’un Picon-bière, dans l’arrière-salle du Balto. Et c’est là, entre deux tournées – dis donc, y’a pas de cacahuètes ? –, que devrait se dessiner ce que Copé n’hésite pas à nommer « une sorte de règlement intérieur pour la nation ». Règlement intérieur ? On aurait à ce point des gueules de collégiens ? « Ah, combien ce pays se meurt des procès d’intention ! », se lamentait ensuite, shakespearien comme un genou, le même Copé lors de l’émission de téloche le mêlant, plus qu’elle ne l’opposait, à monseigneur Machin, à l’imam Bidule et au rabbin Trucmuche. Tiens, lui, j’ai retenu son nom : Joël Mergui, qu’il s’appelle, ci-devant président du consistoire central – on appelait du même nom, en d’autres temps, certain comité. Si j’ai retenu son nom c’est que le rabbin Mergui s’inquiétait devant les caméras de ce que le débat, pardon : la convention, ne débouche sur, je cite, « une radicalisation des laïquards ». Des quoi ? Il avait bien dit : laïquards. C’était sur une chaîne du service public, mais nul, et surtout pas ce faux toqué toquard de Frédéric Taddéi, n’a cru bon de reprendre le rabbin. J’en ai conclu que « laïquard » faisait désormais partie du vocabulaire convenu, sans nulle connotation relevant du mépris le plus abouti, et n’émouvait pas plus que ça. Dès lors, pas d’étonnement lorsque le même rabbin Mergui demandait « à l’État français d’aider les religions à forger de vrais citoyens ». Copé s’empressait d’acquiescer, mielleux et sirupeux à souhait, mieux, il en rajoutait et précisait, l’œil mi-clos, que lors du débat il n’était « pas question de heurter les fidèles, ce serait vraiment le contraire de ce que nous devons faire ». Que doivent-ils faire, ces contrits ? Ramener dans le giron de la droite pétainosarkozyste les brebis égarées du côté du FN. Ah !, combien ce pays se meurt, etc. En tous les cas on n’aura pas, lors de cette grand-messe cathodique qui n’a jamais, je crois, aussi bien mérité son nom, entendu parler d’athéisme, ou simplement des non-croyants, qui eux aussi peuvent être « heurtés » et pour le moins atterrés par un pouvoir politique ralliant le goupillon, sans plus de vergogne que ça. C’est que nous sommes, nous, athées, aux yeux de Copé comme à ceux de ces ensoutanés, enturbannés et autres empapillotés, autant d’anomalies vouées au silence sur cette Terre, avant que d’aller rôtir, comme il se doit, en enfer. Dès lors, l’essentiel n’est-il pas de mettre à profit le temps qui nous reste pour les chauffer à blanc ?