93, la belle révoltée : un film de Jean-Pierre Thorn

mis en ligne le 24 mars 2011
Dès lors qu’on habite cette géographie de la banlieue, on apprécie sans limites cette mosaïque de cultures et d’imagination, on se lasse d’entendre les attaques continuelles qui lui sont portées, désobligeantes et assassines, toujours exprimées par des élites, alors que des années de politique de la ville ont tissé sciemment un monde de précarité tout en contribuant à ruiner les derniers espoirs d’habitants exténués, enfin, parce que si la culture populaire disparait l’avenir est carbonisé, le flm de Jean-Pierre Thorn, 93, la belle rebelle, fait du bien 1.
Des Bérurier Noirs à Casey, de Marc Perrone à NTM, de Dee Nasty à D de Kabal, de Serge Teyssot Gay à Grand Corps Malade, des blousons noirs aux rappeurs, en passant par les si idéalistes punks, la Seine Saint-Denis se révèle sur grand écran telle qu’en elle-même. Il y est effectivement question de résistance, de création, de solidarité, d’espérance et, insistons, d’imagination.
Jean-Pierre Thorn filme et relate des aventures, des rencontres et des imaginaires qui naissent dans la culture populaire et qui transforment la vision des mondes pour les rendre universels. Son regard est celui d’un amoureux complice et militant qui après avoir fixé sur pellicule les luttes du monde ouvrier 2, s’attache à filmer les expressions des cultures urbaines 3. Ce cinéaste filme comme il respire, il lui faut de l’air, de la vie, alors il s’attache à toutes les émotions, toutes les vibrations quand elles s’engagent à défendre les libertés, la liberté.
Le 93, c’est chez moi, c’est la capitale des banlieues, on vous y invite, c’est aussi la représentation d’un monde qui garde profondément chevillées au corps des valeurs prolétariennes de solidarité, d’enthousiasme, de transformation sociale. Ses acteurs, ses habitants ne cèdent jamais au monde qui les entoure, c’est une tradition, il leur faut le transformer sans cesse pour exister.
Ce film est un témoignage existentiel qui résiste à la globalisation. Il dépend de nous que tous les quartiers, ces quartiers périphériques que l’on dissimule, s’emparent de leur histoire pour imposer leurs valeurs positives.
93, la belle rebelle porte la parole du monde des périphéries.

Thierry de Lavau
Émission Traffic sur Radio libertaire



1. Sortie en salle le 26 janvier 2011.
2. 1968 : Oser lutter, oser vaincre, Flins 68 ; 1973 : La grève des ouvriers de Margoline ; 1990 : Je t’ai dans la peau (fiction) ; 2006 : Allez yallah !
3. 1995 : Génération hip hop ou Le mouv’des Z.U.P. ; 1996 : Faire kifer les anges ; 2003 : On n’est pas des marques de vélo.