Arrêt du dispositif : « Admission post-bac »

mis en ligne le 17 mars 2011
Alors que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) vient de donner raison à la Ligue des droits de l’homme (LDH), au sujet du caractère clairement discriminatoire d’un outil informatique de l’Éducation nationale, le collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE) dénonce la légèreté de la solution proposée par la Halde.
Rappel des faits… Depuis le 20 janvier 2011 et jusqu’au 20 mars 2011, tous les élèves de terminale qui souhaitent poursuivre leurs études après le bac doivent utiliser le système « Admission postbac » (APB) pour s’inscrire dans une formation de l’enseignement supérieur (www.admission-postbac.fr).
Plusieurs associations (Ligue des droits de l’homme, Unef, FCPE, notamment) ont alors relevé l’impossibilité pour certains élèves de classe de terminale de s’inscrire dans une formation en apprentissage via le site APB, en raison de leur nationalité. Le 27 janvier 2011, la LDH dénonçait 1 « une décision clairement discriminatoire », justifiée par le ministère au motif de lutter contre le travail des sans-papiers.
Pour chacune de ces personnes, la formule suivante apparaissait, en effet, lors de la tentative d’inscription : « Seuls les candidats de nationalité française peuvent s’inscrire dans une formation en apprentissage sur le site APB. »
Le 7 février 2011, la Halde donne raison à la LDH dans un avis motivé : « Le Collège recommande d’ouvrir l’accès au site internet et aux préinscriptions aux formations en apprentissage à tout élève qui en fait la demande, quelle que soit sa nationalité et son lieu de résidence. Il recommande également de donner une information précise aux usagers du site, destinée à leur permettre de prendre connaissance des titres de séjour dont ils doivent être en possession pour conclure un contrat d’apprentissage, afin que les intéressés soient alertés sur les risques de refus auxquels ils s’exposent à l’occasion des inscriptions définitives dans les formations sollicitées. »
Mercredi 9 février, le ministère annonce 2 avoir modifié le site internet Admission postbac sur deux points, afin qu’il « n’induise aucune discrimination » à l’égard des étudiants étrangers.
Le CNRBE ne peut se satisfaire d’une simple modification de ce dispositif en vue de son « amélioration », mais demande sa suppression complète, pour les raisons suivantes :
Sous prétexte de « simplifier les démarches des élèves souhaitant s’inscrire aux formations accessibles après l’obtention du baccalauréat », l’Éducation nationale met en place sans aucun cadre législatif une nouvelle application numérique de traitement de données personnelles qui provoque les questionnements habituels. Questionnements qui, comme d’habitude, restent aussi sans réponse : qu’en est-il du respect des droits des personnes (droit à l’information, droit d’opposition, droit d’accès et droit de rectification) ? Où les données seront-elles stockées ? qui y aura accès ? Quelles spécifications ont été communiquées à la Cnil ?
APB est un dispositif automatique, avec tous les dangers que cela comporte : par son caractère automatique, ce dispositif écarte toute possibilité de transparence, de débat, de contrôle et de contestation de la part des enseignants du secondaire, des conseillers d’orientation et des équipes des établissements d’accueil qui étudient les dossiers.
APB laisse les élèves livrés à eux-mêmes dans leurs démarches d’orientation : avoir accès à la connaissance des différentes possibilités d’orientation sur un site, pouvoir imprimer les dossiers d’inscription est intéressant. Mais des conseils par internet ou par téléphone sont loin d’être suffisants : les jeunes ont besoin d’être guidés par des personnes compétentes et dans un vrai dialogue : c’est le rôle des conseillers d’orientation… qui, dorénavant remplacés par le dispositif APB, sont en passe d’être supprimés alors qu’ils devraient être multipliés !
Le CNRBE a déjà dénoncé le possible repérage des parents d’élèves sans-papiers grâce à Base élèves.
APB est un dispositif socialement discriminatoire : comme le constate la Halde dans sa délibération du 7 février 2011, « les différences de traitement ne sont pas sans incidence sur la scolarité des intéressés ». Or, tous les élèves de terminale n’ont pas les mêmes facilités d’accès au système APB : de nombreux élèves ne disposent ni du matériel informatique adéquat ni d’une connexion internet, ne serait-ce que pour de simples raisons financières. Les élèves socialement défavorisés seront donc évidemment plus pénalisés que les autres. Ce système induit ainsi nécessairement des différences de traitement dans l’accès au service public, selon l’origine sociale des élèves : est-ce là l’égalité des chances prônée par l’Éducation nationale ?
Enfin, la mise en œuvre du site APB mériterait des explications sur son cadre légal. Dans son avis, la Halde indique en effet que « le simple fait que l’administration mette en œuvre un service de manière facultative, c’est-à-dire sans en être contraint par une prescription légale, ne l’exonère pas de l’obligation de rendre l’accès à ce service non discriminatoire ».

Collectif national de résistance à Base élèves


1. http://retraitbaseeleves.wordpress.com
2. www.vousnousils.fr/