Carlos, les Tagada et la chemise de l’homme heureux

mis en ligne le 17 mars 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Retour du Sarko va-t-en-guerre, du Stallone de l’Élysée, se déclarant ainsi, sans autre forme de procès, prêt à bombarder la Lybie. Bigre, diantre, pasambleu ! c’est-y pas de la fanfaronnade, de la belle parade de paon, ça ? Il s’agirait, bien entendu, d’un bombardement de trois fois rien, juste comme en passant quelques « frappes ciblées » évitant, autant que faire se peut, de rayer de la carte les villages habités de paisibles civils. Enfin, ça c’est la théorie : on sait trop qu’une fois dans les airs règnent la bourde, la gaffe, le largage à l’aveugle, le dommage collatéral. Aussi qu’est-ce qui lui prend, à not’président, de vouloir comme ça et tout seul jouer les Zorro des sables ? Chercherait-il à faire oublier quelques retards à l’allumage et autres traînages de pieds lors des révolutions tunisienne, égyptienne ? L’excité a, en tous les cas, pris tout le monde par surprise : même Juppé, jeudi dernier, semblait tout à fait atterré par les rodomontades guerrières du Patron. Cependant, qu’on ne s’y trompe pas : ce genre de poussées soudaines autant que militaires ne sauraient pisser loin, étant bien entendu qu’au final les Américains, et eux seuls, décideront. Comme d’hab’. Mais la provocation française aura tout de même réussi à fâcher rouge le père Kadhaf’, au point que ce dernier menace de révéler « un grave secret qui va entraîner la chute de Sarkozy, voire son jugement en lien avec le financement de sa campagne électorale ». Bof, si c’est pour nous ressortir le dossier Woerth/Bettencourt, ça ira bien, on a donné. Cependant, à supposer que cet ex-ami de la famille en sache long et bien davantage, ce serait alors assez cocasse de le voir dézinguer Sarko sans qu’on ait, nous, simples spectateurs, à applaudir l’un ou l’autre, en aucune façon.
Las ! En admettant que Kadhafi soit détenteur d’un tel secret, il n’est même pas certain qu’il tienne sa promesse et nous le révèle un de ces jours : à écouter Philippe Subra – et là je vous demande de bien vouloir vous accrocher solidement au bastingage, car ce que nous apprend ce distingué professeur en géopolitique est proprement ébouriffant, « c’est vrai que les hommes politiques ne tiennent pas toujours leurs promesses ». Puis d’ajouter, sourire canin : « mais qui, dans la vie, tient toujours ses promesses ? » Pas faux. Moi par exemple, le 1er janvier je m’étais promis d’arrêter les fraises Tagada. J’ai pas pu, j’aime trop ça. Je ne sais si cette fâcheuse absence de volonté eut, sur la diplomatie française, un effet similaire à celui produit, par exemple, par les fastueux voyages d’un personnel politique habitué à serrer la pogne des engeances dictatoriales, mais une promesse est une promesse, et selon Subra toutes se valent. Je promets donc de ne plus en faire. Pascal Boniface, autre géopolitologue, semble moins habitué aux fadaises que son collègue. Invité à se prononcer sur les révolutions actuelles, Boniface livra ceci : « Il y a une onde de choc, et elle est mondiale. Elle a commencé dans le monde arabe, certes, mais elle va s’étendre. » Que Bakounine t’entende, Boni !
S’étendre, d’accord, mais jusqu’où ? Jusqu’à, pour commencer, rendre une visite à Arnault, première fortune de France, lequel Arnault vit, en un an, ses revenus augmenter de 45 %, et atteindre la bagatelle de 41 milliards de dollars. Une petite visite, oui, sur le mode « patron, t’es viré ». Et laisse le chéquier sur la table. On rappellera au passage que 10 milliards d’euros, soit moins d’un quart de cette fortune, suffirait à combler le déficit actuel du régime général des retraites. On rappellera également, et pour ne pas finir sur une note trop acide, que l’intelligence ne s’achète pas, la preuve : Carlos Slim, première fortune mondiale, passerait son temps à répéter cette phrase devenue fétiche : « Ne restez pas les mains dans les poches en attendant qu’elles se remplissent. » Hum. Okay Carlos, t’énerves pas. Mais si ça se trouve, hein, va savoir : l’homme heureux n’a pas de chemise.