Nouvelles des fronts

mis en ligne le 13 janvier 2011
Fin 2010, le Code du travail a eu cent ans, bon anniversaire à tous les maltraités du chagrin. Cent ans et plus aucune dent. Il était le reflet d’un rapport de force entre le travail et le capital, plus exactement, le reflet de la subordination du travail au capital. Malgré cela, ce Code marquait un mieux-être du salariat honni. Mais depuis trente ans, le droit du travail est en recul constant, faute de combativité de ceux et de celles qu’il est censé protéger. Cent ans et les patrons s’en donnent à cœur joie. Salariés licenciés pour avoir critiqué leur petit chef sur Facebook, d’autres, convoqués à un entretien de licenciement par texto, autant d’irrégularités à l’œuvre, autant de ballons d’essai pour renforcer la soumission du travail. Et ce n’est qu’un début, le patronat continue le combat avec le retour des « règlements d’usine » digne du XIXe siècle.
La banque suisse UBS impose un style vestimentaire strict à ses salariés et leur interdit de bouffer de l’ail et de l’oignon ! Bouffe comme ton patron et tais-toi, et surtout lui souffle pas dans les bronches, tu pues de la gueule. Benetton, united color of flicage, passe à la pointeuse biométrique pour mieux gérer la paye. Demain on pointe à l’œil et Big Brother se déguise en petit chaperon rouge. Cent ans de code et tout le monde s’asseoit dessus. Après le Bureau international du travail (BIT) où des « violations très fréquentes du statut du personnel […], le travail précaire […] et la censure syndicale » sont dénoncés par les travailleurs qui en sont membres, voilà que le personnel CGT salarié du siège de la CGT à Montreuil menace sa direction de « délits d’entrave » et s’insurge contre la « souffrance » au travail, le « climat de défiance » mis en place par une « administration agressive ». Le droit de se taire a cent ans et pourtant après vingt-deux ans de CDD, un facteur de Corrèze obtient une condamnation de La Poste par les prud’hommes de Tulle à 36 755 euros pour ignorance « de nombreux éléments du droit social » et Alcatel-Lucent écope de 730 000 euros pour discrimination syndicale… Comme quoi, quand on se bat, rien n’est jamais perdu d’avance.
Scories 2010. Fin, après accord, de la grève à Presstalis 1 tout comme à l’hôpital Tenon à Paris où les grévistes, après avoir exercé leur droit de retrait, ont obtenu le recrutement de 59 infirmières et de 33 aides-soignants. Arrêt de la grève à la Tour Eiffel. Grève de 85 jours des facteurs du IIe arrondissement de Marseille sans vraie négociation et réveillon du 31 décembre sans transports en commun à Bordeaux. Pour 2011, que du bonheur, 18 000 postes supprimés à Pôle emploi, soit 450 000 chômeurs sans conseillers, 80 jours de chômage technique à Sandouville et 3 000 départs anticipés, donc avant 60 ans, histoire d’augmenter la rentabilité du groupe Renault. Vogica tiendra ses promesses et virera 1 000 de ses collaborateurs, Sanofi en liquidera 575, Thales supprimera 1 500 emplois de fabricants de mort, etc.
2011, que du bonheur ! Plus de quatre millions de chômeurs en France, 23 % des moins de 25 ans sans turbin, un salarié sur cinq proche du SMIC, 53 000 ménages avec un revenu de moins de 1 350 euros par mois et une inégalité salariale qui se creuse entre les plus pauvres et les autres au moment où l’État accorde une prime de 22 000 euros à ses recteurs les plus zélés en matière de suppressions de postes. Et cerise sur la galette, Nicole Notat, ex-secrétaire générale de la CFDT et collabo notoire, a pris la présidence de l’association Le Siècle. Un club très sélect où elle retrouve Denis Kessler, PDG de Scor, ancien maoïste et ancien numéro deux du Medef, connu pour ses positions ultralibérales. Et un redressement fiscal en vue pour l’ex-président du Medef, le baron Sellières qui, comme il se doit, spécule et boursicote, traficote, hors impôt. Et cerise sur le gâteau de la subversion, le refus de la CGT d’assister aux vœux de Sarko. Autant dire que la lutte de classe en est toute requinquée.
Ailleurs, 2011 s’annonce aussi plutôt bien. Wall-Mart poursuivi par 1,5 million de femmes pour discrimination envers ses employées moins payées que les hommes. Une grève dans le métro de Londres est annoncée et le STO (service du travail obligatoire) décrété pour les demandeurs d’emploi en guise de contrepartie aux indemnités perçues, avec menace de radiation en cas de résistance. Irlande, baisse du salaire des fonctionnaires, baisse de 12 % du SMIC local, 24 500 emplois publics supprimés et une TVA qui passe à 22 %. Espagne, 20 % de chômeurs et 300 000 appartements saisis depuis le début de la « crise ». Quatorze mille femmes tuées en Russie chaque année suite à des violences conjugales. Tunisie : émeutes contre le chômage, répression féroce et torture dans les commissariats… Que du bonheur !
Enfin, grèves à répétition en 2011 comme en 2010, en France, au Portugal, en Grèce, en Espagne… et ailleurs, histoire d’occuper le populo. Grand-messe probablement sans grand succès faute d’une détermination suffisante et de la pusillanimité des organisations que d’aucuns s’obstinent encore et contre toute raison à qualifier de syndicales.



1. Voir l’article de Patricio dans le présent numéro. (Ndlr.)