Après ses illusions perdues de législatives… où va le mouvement écologiste ?

mis en ligne le 18 mai 1978
Près d'un an après la manifestation de Creys-Malville, et quelques mois après la foire électorale du printemps, le mouvement écologiste semble être à court de souffle. Aucune perspective réelle de mobilisation ne semble voir le jour. EDF continue à construire ses centrales, Shell à mazouter les côtes bretonnes et papa Barre parle toujours de relance de la croissance. Les écologistes là-dedans ne paraissent désormais opposer que quelques réactions bien timides…
Elle paraît loin la période pré-Malville, il paraît loin l'été 77 avec la révolution verte à l'horizon du mois de septembre. La réalité est plus amère. La vieille réaction bourgeoise tient toujours les rênes de l'État et poursuit sa politique de destruction massive de l'environnement. L'Amoco-Cadiz n'est pas un fait exceptionnel, ce n'est qu'un maillon de la chaîne des catastrophes qui commencent désormais à se succéder. Les Minamata, les Seveso, les boues rouges, les naufrages de Ouessant et demain Super-Phenix, vont devenir monnaie courante de notre société de destruction. Quotidiennement, la nature subit et subira le terrorisme d'État et du capitalisme. Oui, le processus est désormais enclenché et avec lui commence à s'envoler notre espoir de société libertaire qui ne pourra être, à aucun prix, nucléaire, pas plus qu'elle ne pourra faire revivre ce que le capitalisme aura détruit, pollué, réduit à néant par sa soif de profit.
Nous, anarchiste, ne pouvons donc être que partie prenante de ce vaste mouvement qui a pris naissance il y a quelques années mais dont les principaux thèmes ne sont finalement que des reprises, excepté le nucléaire, de ce que clament les anarchiste depuis des dizaines d'années. Oui, le problème écologique est pressant, les pollutions de tous ordres, la surpopulation, les génocides d'espèces animales et de plantes deviennent des questions essentielles qu'il nous faut résoudre dès maintenant. Et avec lui le problème du nucléaire.
Dans ce journal, nous avons à maintes reprises exprimé notre refus de l'atome pacifique ou militaire. Mais le problème réside désormais dans les moyens que nous devons mettre en œuvre pour empêcher la réalisation du programme nucléaire. Le mouvement écologiste semble désemparé après la foire du printemps de Malville, puis le 19 mars, ça fait mal !
Les élections ne changeront rien. Si ! Elles ont changé quelque chose ! Elles ont donné une claque magistrale au mouvement écologiste et cela était bien prévisible. Le mouvement écologiste n'a pas les structures d'un parti électoral, il est d'essence libertaire. Sa vie, ses structures, elles sont puisées dans toutes les actions effectuées sur le terrain avec les populations locales.
Le mouvement écologiste ne semble pas se remettre de cette claque, alors que tous, avant la fiesta, s'accordaient à dire que de toute façon le principal était de se présenter, non de gagner des sièges de députés. Cela ne paraît plus évident aujourd'hui. L'ambition de certains petits politicards en a pris un coup.
Le mouvement écologiste, s'il veut réellement réussir dans la tâche qu'il s'est assigné, doit clairement définir ses positions vis-à-vis non seulement des problèmes écologiques, mais également des problèmes de société, sur ce qu'est la société et sur ce qu'ils envisagent de construire. Le mouvement écologiste doit se débarrasser aussi bien de l'esprit « ramasseur de papiers gras » que de l'esprit politicard de certains de ses membres influents. Il doit se donner une optique nettement révolutionnaire, antiautoritaire, parce que cela seul peut lui permettre de sortir du bourbier dans lequel il s'enfonce, mais également de se donner les réels moyens d'un combat contre le système capitaliste, seul responsable des carnages qui s'abattent sur nous.
Il ne s'agit pas de baisser la tête parce que la vermine réactionnaire a rempilé pour les années à venir, la gauche n'était pas plus écologiste. Le nucléaire nous pend au nez, et avec lui le système flicard, entre autres, qui l'accompagnera.
L'heure n'est pas au renoncement, laissons cela aux centrales syndicales. Le mouvement écologiste doit tirer les leçons de l'échec qu'il vient de subir. Désormais, seule l'action directe paiera contre le nucléaire. Nous devons à tout prix nous remobiliser comme il y a quelques mois et ne pas céder un seul pouce de terrain à EDF. Aux campagnes d'intoxication pro-nucléaires du gouvernement doit répondre de notre part une contre-propagande à la mesure de celles entreprises il y a peu de temps. Aux hordes de CRS que l'État ne manquera pas d'envoyer contre les populations locales réticentes, nous devrons répondre par l'action directe et ne reculer devant aucun moyen.
Il est grand temps que les forces antinucléaires et écologistes se ressaisissent. Il est temps de balancer à la poubelle toutes les illusions électorales qui ont pu berner et décourager certains. Comme sur les lieux de travail, ne comptons que sur nous-mêmes pour défendre nos intérêts et notre avenir.


Louis, groupe P. Mauget (Angers)