Vivement le grand soir qu’on se couche

mis en ligne le 21 octobre 2010
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? À l’heure où nous mettons sous presse, comme on dit chez France-Dimanche, nous ne sommes pas en mesure de savoir quelle sera, demain samedi 16 et mardi, le niveau des mobilisations, ni si elles iront s’amplifiant où au contraire retombant tel un pitoyable soufflé à la cancoillotte éventée. On ne sait non plus si la troupe aura fini de libérer les dépôts de carburants et raffineries bloquées, ni si routiers et étudiants se seront enfin décidés à entrer dans la danse, ni combien de lycéens seront tombés sous les balles de la mobile gendarmerie et qui, bien que caoutchoutées, sont à même de blesser gravement, comme à Montreuil, les enfants. On ne plaisante plus : depuis plusieurs jours la police campe devant les lycées, multipliant les provocations, à croire que les consignes sont d’alimenter les violences, à seule fin de disqualifier, pour cette fois et pour longtemps, toute mobilisation émanant de la jeunesse. Or, Luc Châtel a beau, allant, ânonner à l’adresse des jeunes qu’il « est dangereux de manifester sur la voie publique », l’opération « rentre chez toi ou on te casse les doigts » semble devoir faire un flop auprès des lycéens. Fonctionnera-t-elle davantage auprès de leurs parents ? On peut se poser la question, notamment quand on voit la CFDTraîtres, comme à son habitude, entamer une de ces danse-du-recul dont elle a le secret. Dès aujourd’hui et sans nul doute, pour Chérèque c’est plié, l’essentiel étant désormais de trouver, comme ils disent, une « porte de sortie honorable. » Honorable, mes fesses, l’honneur n’a rien à voir là-dedans et comme disait maître Zou-Bi, une porte doit être fermée, ou ouverte. Sarko tente, pour sa part, de la verrouiller à double tour : « Dans une économie mondiale qui bouge, nous ne pouvons pas rester immobiles. » De là à reculer, il y a un, deux, trois quatre pas que l’azimuté de l’Élysée ne rechigne pas à exécuter. Plus loin, le prophète au karcher prévient : « Nous ne pouvons pas mettre la poussière sous le tapis. » Ménagère métaphore, dont on se demandera longtemps ce qu’elle vient faire dans un discours concernant les retraites. Mais, en fin connaisseur de l’enfilage de perles, Sarkoléon poursuit, sans se préoccuper le moins du monde du ridicule : « La réforme des retraites est un objectif de justice sociale : songez au sort des petites retraites, et des petits retraités. » à coup sûr et sur le coup, Timide, Atchoum, Grincheux ont reconnu en lui un frère. N’empêche, et puisque nous parlons de nains : le numéro des Thibault-Chérèque, les Grosso et Modo de l’embrouille à la mode « on arrête tout », lasse. Si, une fois de plus, une fois de trop, et alors même que les conditions d’un mouvement social de grande ampleur semblent enfin réunies, si, une fois encore, ces comiques s’arrangent pour le faire avorter, il est clair que c’en est fini, pour un sacré bout de temps, de leur crédibilité, voir de leur légitimité. Alors, cul dans le rocking-chair et pieds dans la bassine d’eau tiède (met du sel, camarade, ça soulage les oignons), le brave populo attendra tranquillou le printemps 2012 et le saint-sacrement des urnes. « Le rapport du FMI dit qu’il faut augmenter la durée de cotisation : c’est exactement ce que nous, socialistes, nous disons », avouait l’autre soir Martine Aubry. C’est assez dire quel petit soir nous attend, en ce printemps maudit.