Pas avec n’importe qui

mis en ligne le 3 octobre 2010
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Ça eut défilé, ça défile et ça défilera encore, nous pouvons en être certains, contre la réforme coup de cutter en pleine aorte du salariat et au-delà, bien au-delà, contre la traite et re-traite des bêtes que nous sommes aux yeux des maquignons du sarkoland et du Medef réunis, inséparables de long temps. Est-ce s’avancer d’affirmer que cela sent le souffre, mieux encore, la fumée échappée des jolis feux de joie, ceux éclairant les barricades ? C’est possible. Mais tout est possible, aussi sûr que pour Woerth et consorts, cela commence à puer le roussi. « Il y a moins de monde dans les rues », se félicitait le ministre au soir du 23 septembre, tentant ainsi de faire accroire que, dans les rues, il y avait pointé ne serait-ce qu’un bout de museau. Et Fillon de s’époumoner dans son sifflet à la manière d’un pion vulgaire, cheveux gras et aux mains moites, tentant de nous faire mettre en rang : « Gouverner la France, c’est parfois savoir dire non, et non, nous ne retirerons pas ce projet de réforme. » Lui, pour se sentir droit dedans, il ne lui manque plus que les bottes, celles par exemple portées par Juppé en 95. Cependant, et comme pour ne pas lui donner tort, sitôt les calicots remisés les syndicats de tradition ont enfilé leurs bleus de non-chauffe, hurlant certes au « mépris du gouvernement » mais oubliant, comme au passage, celui dans lequel ils tiennent, c’est le mot juste, la base. Des centaines de milliers de manifestants, prêts à poursuivre le mouvement et pas dans cent ans mais tout de suite, furent contraints de plier les gaules sous l’effet de l’apathie des Thibault, Chérèque et Mailly. C’est rien de dire, pourtant, qu’on en serait bien pas restés là, plantés tels des cons sur le parterre, piétinant direction les bus ramenant le troupeau à domicile, devant la machine à concasser du temps de cerveau disponible. Chouette manif ? Affaire de point de vue. À Paris, par exemple, on s’est subitement retrouvé avec le PS aux fesses, ce qui, entre nous soit dit, rime. Rime pauvre je vous le concède, pauvre comme le cortège de ces strauss-khanniens apparu on ne sait pour qui pourquoi ni d’où (ils n’étaient pas au départ de la manifestation, et ils disparurent bien avant l’arrivée), piteuse mise en scène de drapeaux et sono beuglant du Téléphone et autres paléorocks, comme si nous évoluions encore sous le règne de Mitterrand – pas Frédéric : François. Les quolibets fusèrent un brin : il suffit de lui demander des nouvelles de DSK pour voir l’adhérent du PS se fermer plus sûrement qu’une huître gangrenée. Le pauvre prend ça pour une agression. En fait, il a raison. Si vous voulez, le pauvre, l’achever, présentez-vous à lui comme un crypto-mélanchonniste partageant néanmoins certaines idées avec, je sais pas, au hasard : Benoît Hamon. Ainsi, pendant que le bougre ne pourra s’empêcher d’entamer la récitation, ô combien dormitive, de son catéchisme fabiusien, et vous en profiterez pour lui tirer son larfeuille, son blouson et son mégaphone : au même titre que rire de tout, la révolution, oui d’accord, mais pas avec n’importe qui.