Nouvelles des fronts

mis en ligne le 23 juin 2010
Sabotage ! Nous y revoilà… Retour à une vielle notion apparue dans le mouvement syndical en France en 1897, si l’on en croit le syndicaliste anarchiste Émile Pouget qui rédigea une jolie brochure au titre éponyme *. Selon lui, la pratique est ancienne, canuts lyonnais, luddites britanniques… Elle renverrait à un principe simple, le « Go Canny », qui n’implique pas nécessairement un bris de machine mais une tactique plus fine. Ce « Go Canny » viendrait du patois écossais et signifierait « Ne vous foulez pas » et, dit autrement, « À mauvaise paye mauvais travail ». Et voilà où je voulais en venir avec une application concrète et immédiate face à la réforme des retraites que la triade de la régression Thibaut-Chérèque-Sarkozy nous prépare. En France, les travailleurs ont l’un des taux de productivité les meilleurs du monde… donc si la retraite est repoussée à 62 ans en 2018, 63, 65 ans un peu plus tard, une seule solution : baisser la productivité ou, en d’autres termes, saboter ! Fillon, aux ordres du Medef, augmente la durée du travail de 5 % (exemple) sur une vie, je réduis ma productivité de 5 %. Idem pour les salaires des fonctionnaires roumains (- 25 %), il leur faut abaisser leur productivité d’autant, idem pour la hausse de la TVA, l’impôt sur les plus pauvres (+3 % au Portugal), aux Portugais de baisser de 3 % leur productivité, etc. En bref, SABOTAGE ! Ils veulent la guerre économique, ils l’auront…, à condition toutefois que nous nous y mettions.
Retraite toujours, on nous la rejoue comme la dernière fois. Ils jurent de ne pas toucher aux régimes spéciaux, histoire de désamorcer la bombe sociale de ceux et celles qui peuvent encore bloquer le pays. Qui peut encore y croire ? Une fois la poudre mouillée, les salariés du privé domestiqués, y’aura plus qu’à se faire dans un deuxième temps ces « privilégiés » de fonctionnaires et dans un troisième ces « nantis » de cheminots, d’électriciens, etc. Comme en 14, on divise pour mieux régner et la triade se tape sur la bedaine. L’unité est plus que jamais de rigueur et le mythique « Tous ensemble, ouais ! » devient une obligation absolue, une condition de survie. Sinon, comme en 1910, quand la CGT s’opposait aux retraites ouvrières, il nous faudra parler de retraite des morts…
En 2008, on a payé la crise des banques, en 2010, on paye la crise des États, résultat de la spéculation bancaire. En 2011, on paye quoi ? Probablement notre passivité… Mais restons optimistes, l’entreprise Heuliez qui, avant les élections régionales, devait être reprise, est mise en cessation de paiement, résultat, nouvelle angoisse pour plusieurs centaines d’électeurs crédules. La compagnie Corsair ne répond plus ou plutôt répond par 350 licenciements, le low cost avec des contrats de travail « corrects », ça paie plus ; à Sea France, ce sont 725 emplois qui sont coulés, question de rentabilité. Quant à Strasbourg, ce sont les Delphi (équipement automobile) qui vont morfler avec 324 emplois supprimés en novembre prochain… Bonnes vacances.
La répression, elle, va bon train. L’État réclame 12 000 euros à six salariés Conti de l’Oise et consacre 63,9 milliards de dollars au budget de l’armement, milliards qui pourraient d’ailleurs largement renflouer toutes les caisses de retraite et boucher tous les trous de la Sécu. Les 160 sans-papiers qui occupaient l’escalier de l’Opéra-Bastille depuis le 27 mai en fin de manif ont été évacués manu militari et plusieurs d’entre eux ont été interpellés, tout comme ceux qui occupaient le siège de l’Organisation internationale de la francophonie, à Paris. D’autres résistent pourtant… Grève à l’Associated Press contre le licenciement des CDD ; grève à la centrale EDF de Flamanville (50) pour réclamer des embauches, grève des postiers de Marseille contre la nouvelle organisation de La Poste, grève victorieuse à la Caisse d’épargne de Paris et grève générale en Polynésie « française ». Action directe des infirmiers anesthésistes, les Ibade, qui après avoir bloqué les voies SNCF de Montparnasse en mai, ont investi et occupé le quai d’Orsay. Dommage qu’ils aient relâché Kouchner. Grève et occupation aussi chez People and Baby. Campement depuis trois semaines devant le siège de Valéo par des travailleurs coréens venus tout exprès pour protester contre la fermeture brutale de leur usine. Une belle queue de comète avant les vacances. On attend avec impatience son prochain passage unitaire et radical, encore plus près de la planète Medef.
Dans les alentours, ça cogne dur aussi. Hormis 60 mineurs assassinés en Sibérie faute de sécurité (détail de l’histoire), Royal Bank of Scotland annonce 2 600 emplois en moins après en avoir déjà liquidé 20 000 ; Helwett-Packard va en supprimer 9 000 dans les trois ans ; Pfizer (pharmacie) 6 000 d’ici à 2015… Des lendemains qui déchantent pour les travailleurs ? Sait-on jamais : grève générale chez Carrefour Belgique contre les restructurations du groupe, grève de cinq jours (par mois) chez British Airways contre les suppressions de postes. Grève des stadiers payés une misère en Afrique du Sud et surtout grève chez Honda en Chine avec à la clé 24 % d’augmentation des salaires, 70 % d’augmentation chez Foxconn, après il est vrai onze suicides sur le lieu de travail, 20 % dans la région de Pékin, etc. Tout est à eux… Ça va péter !
Et ici, c’est pour quand « le printemps des peuples » ou plutôt l’automne ? On ne va pas se laisser tondre comme des agneaux de prés salés. 600 000 emplois industriels perdus du fait de « la crise » depuis 2008 dans l’Hexagone. 10 000 à 15 000 postes de fonctionnaires seront supprimés en Allemagne, des milliers en France et en Grèce, 725 000 envisagés en Grande Bretagne d’ici à 2015… Comme en 1848, partout, debout et tous ensemble ! Roumanie, grève générale illimitée, annoncée, itou en Italie, en Espagne et ailleurs. L’automne, peut-être sera chaud mais ici probablement sans nos lamentables organisations syndicales avec leurs pitoyables appels à la résistance (Thibault le 27 mai) ou à leurs journées d’action bidon (FO le 15 juin) ou celle des « unitaires » le 24 juin… Deuxième round en septembre. Reste qu’il va falloir changer de braquet, ça tombe bien, le Tour de France, c’est pour bientôt.