Chérèque : la reconversion d'un syndicaliste !

mis en ligne le 17 mai 1984
La surprise aura été générale, lorsqu'à l'issue du Conseil des ministres du 2 mai 1984, on apprenait la nomination de Jacques Chérèque, n°2 de la C.F.D.T., comme préfet chargé du redéploiement industriel en Lorraine !
Ce passage du « camp des gouvernés au camp des gouvernants » a suscité bien des émotions au sein même de la confédération. En effet si, pour Edmond Maire, il s'agit « d'une décision personnelle qui n'engage nullement la C.F.D.T. », certains responsables locaux y voient « une remise en cause de l'indépendance syndicale », d'autant plus dure à avaler que cette mesure n'intervient que quelques jours après les déclarations du bureau national, qui a réaffirmé son « désir d'indépendance à l'égard du pouvoir ».
Quant aux réactions des autres confédérations, ce n'est certes pas la déclaration de Matignon (« nous avons choisi l'homme pour son dynamisme, il aurait pu appartenir à n'importe quelle organisation syndicale ») qui aura réussi à apaiser les esprits, d'autant plus, qu'après Jeannette Laot, Hubert Lesire et Michel Roland, Jacques Chérèque est maintenant le 4e dirigeant cédétiste à avoir accepté des responsabilités gouvernementales.
Entre comme O.S. à l'usine de Pompey, Jacques Chérèque n'a abordé le syndicalisme que lorsqu'il a accédé aux fonctions d'agent de maîtrise, en adhérant à la… C.G.C. ! En 1959, à la suite d'une grève, il quitte la C.G.C. pour fonder la C.F.D.T. et grimpe ensuite rapidement les échelons de la C.F.D.T. Entré au bureau national en 1970, il est vite pressenti comme successeur d'Eugène Descamps, alors secrétaire général (poste qui revient en fait à Edmond Maire). Secrétaire général de la fédération de la métallurgie en 1971, il devient de justesse secrétaire général adjoint de la C.F.D.T. lors du congrès de Brest en 1979 (celui du « recentrage »).
Quoiqu'il en soit, s'il est vrai que Jacques Chérèque doit sa dernière « promotion » à ses analyses sur la restructuration de la sidérurgie, tout laisse supposer que les travailleurs lorrains ont encore bien du souci à se faire pour leur avenir ; cela ne fait aucun doute pour qui se rappelle les propositions faites en 1979 par le même Chérèque sur la réduction du temps de travail non compensée intégralement et sur son « langage de vérité » en matière de restructurations industrielles : « Il faut tenir aux sidérurgistes le langage de la vérité et ne pas essayer de faire croire qu'il est désormais possible d'employer dix mille ouvriers à Usinor-Denain ».

Liliane (groupe Pierre-Besnard)