Des escrocs et des voleurs

mis en ligne le 17 mai 2010
« Escrocs, voleurs » c’est ce que scandaient notamment les manifestants grecs massés devant le Parlement à Athènes, mardi 5 mai, jour de grève générale. La colère était immense, palpable bien au-delà d’ailleurs des affrontements ponctuels avec la police.
Effectivement, en Grèce, en Espagne, au Portugal, comme ailleurs, les escrocs au pouvoir tentent de faire payer aux salariés, aux jeunes, aux chômeurs, aux retraités l’addition de la crise de leur système économique.
En France, l’offensive du patronat et du gouvernement va porter sur la question des retraites, sachant que si la couleuvre passe, cela ouvrira un boulevard pour tous les autres mauvais coups annoncés par Fillon pour 2011. C’est dire si l’enjeu est majeur et rien, par conséquent, ne nous sera épargné : propagande intense, manœuvres politico-syndicales, déchaînement médiatique, etc.
Il faut dire que l’arnaque est énorme, nous l’avons déjà maintes fois démontré dans ces colonnes * : les patrons sont exonérés depuis 1992 de 250 milliards d’euros de cotisations sociales (notre salaire différé qui aurait dû être versé à la Sécu et que l’État pille au profit des patrons et des actionnaires) et l’on nous explique que peut être, selon certains calculs, d’ici 2050 (!), il manquerait 150 milliards dans les caisses (mais au rythme actuel ce sont 1 250 milliards d’exonérations qui auront été accordés à cette date !), que c’est horrible et qu’une réforme s’impose donc. Ils nous prennent vraiment pour des cons !
Mais toute arnaque, surtout quand la ficelle est grosse, nécessite des complices. Dans ce domaine reconnaissons à François Chérèque, leader de la CFDT, celui-là même qui a déjà trahi les salariés en 2003, le mérite de la constance. Il a déclaré le 30 avril sur LCI : « Je regrette que le gouvernement n’aille pas assez loin sur le fond. Il manque de courage. Ce que souhaite la CFDT, c’est une vraie réforme de fond, un système plus moderne, plus adapté à la réalité des gens. »
Bref, ce sale con se propose ni plus ni moins que de flinguer le système solidaire de retraite par répartition au profit d’un système individuel par capitalisation !
Et il faudrait, au prétexte d’unité syndicale, s’aligner peu ou prou sur ses positions ! Que cela soit la stratégie de Thibault (mais certainement pas de nombreux militants CGT), on le sait. L’axe CFDT-CGT, depuis leur accord de 2008 avec le Medef et Sarkozy sur la représentativité, blinde toute l’activité syndicale. Mais que Solidaires, qui bénéficie d’une image de « radicalité », continue d’expliquer qu’ils sont pour la grève générale, quasiment insurrectionnelle, si tout le monde est d’accord dans l’intersyndicale, on croit rêver ou plutôt cauchemarder. Car, de fait, c’est se soumettre au droit de veto de la CFDT. Bas les masques !
Quand on sait que le même Chérèque a craché littéralement sur les grévistes cheminots de la CGT et de Sud, leur donnant même des leçons « d’honneur » sur Europe 1 le 25 avril dernier : « Quand on est dans un cas de force majeure avec les avions, l’honneur des cheminots qui étaient en grève aurait été de reprendre le travail. Certains cheminots ont fait des heures supplémentaires pour aider les usagers mais je regrette que les autres ne l’aient pas fait. Pour l’image du syndicalisme, c’est pas bon. »
Faut-il en rajouter encore sur la nature de l’intersyndicale nationale et sur l’obstacle qu’elle constitue pour une véritable bagarre. La énième « journée d’action », le 27 mai, en réponse à l’initiative de FO, s’inscrit dans ce cadre pourri : la déclaration unitaire (CFDT, CGT, FSU, UNSA, solidaires) dit notamment que « la concertation en cours, le calendrier extrêmement serré n’offrent pas une qualité de dialogue social acceptable ». En clair, c’est juste un problème de « timing ». Faut nous laisser le temps de faire avaler la couleuvre aux salariés. On voit d’ailleurs sur quelle base : on proclame qu’il ne faut pas toucher à la retraite à 60 ans (Besancenot dit pareil), mais sans rien dire sur le reste et notamment le nombre d’annuités nécessaires pour une retraite complète, le mode de calcul de la pension des fonctionnaires, etc. Bref, Sarko et Fillon peuvent laisser officiellement l’âge de départ à 60 ans tout en sachant que dans les faits personne ne pourra partir à cet âge. Mais on nous présentera cela comme une grande victoire syndicale.
Redisons-le, l’important n’est pas d’amener tous les salariés dans l’« unité » certes, mais dans le mur, c’est de faire la clarté sur les revendications et les moyens de les faire aboutir.
Dans mon précédent article, j’évoquais la position originale de FO « Il n’y a rien à négocier » (non à l’allongement de la durée de cotisation, maintien du code des pensions) qui l’a amenée en toute logique, malgré les critiques acerbes des uns et des autres, à sortir de l’intersyndicale.
Je constatais aussi dans le même article que cette position assez claire ne se traduisait pas par contre en initiative d’ampleur. Il faut croire que la direction de FO lit Le Monde libertaire car la commission exécutive, réunie en urgence le 4 mai, a décidé d’une journée de grève interprofessionnelle le mardi 15 juin (période où le préprojet de loi sur les retraites devrait être publié) assortie d’une manif nationale à Paris – ce qui n’est pas rien. Dans la déclaration adoptée, il est dit notamment : « Pour FO, il n’est pas question que les travailleurs fassent les frais de la crise provoquée par les intervenants sur les marchés financiers, intervenants qui dictent encore aujourd’hui le comportement des gouvernements dont le gouvernement français. » Cette décision, fruit d’une pression considérable de la « base » qui s’est manifesté lors du dernier comité confédéral national, fin mars, correspond à un objectif simple : même si l’histoire ne repasse jamais exactement deux fois les mêmes plats, il s’agit de tenter de refaire le coup de 1995. À l’époque, le Premier ministre Juppé voulait déjà s’attaquer aux retraites, avec le soutien affirmé de Nicole Notat, la « tsarine » comme on l’appelait de la CFDT.
FO avait alors décidé seule de l’organisation d’une grève et d’une manif nationale, entraînant finalement des pans entiers de la CGT. Cela avait été le déclic tant attendu et la grève s’était répandue comme une traînée de poudre, échappant même en partie aux appareils et Juppé-Notat avaient dû remballer leur « réforme ».
Personne ne prétend que la grève du 15 juin et la manifestation nationale suffiront pour gagner, mais cela pose au moins nettement la question essentielle de la clarification des revendications.
Au-delà des questions de « boutique » syndicale, il revient de mon point de vue aux militants anarchistes de contribuer à cette clarification et par là même de renforcer la capacité de construire la résistance sociale, notamment par la grève générale. Il est clair qu’au passage, nous aurons à bousculer tous les appareils politiques et syndicaux et à faire face aux escrocs et voleurs de tous poils. Le congrès de la Fédération anarchiste qui se tiendra les 22,23 et 24 mai devra se pencher sérieusement sur la question car l’enjeu, sans se raconter d’histoire sur ce que nous pesons, sera tout de même de mettre une organisation efficace au service des luttes.


* Voir notamment l’article de Jacques Langlois dans le présent numéro.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Lololeplusbo

le 23 juin 2014
Je suis syndiqué CGT et c'est des escrocs des branleuts des menteurs des voleurs...
Les syndicats d'aujourd'hui sont corrompus.