La « votation » ou l’illusion démocratique

mis en ligne le 22 octobre 2009
Pourtant tout y est, la juste cause (défense du service public), la mobilisation du ban et de l’arrière-ban de la « gauche » (autrement dit la fameuse Union) – même celle qui, une fois au pouvoir, privatise sans états d’âme –, les urnes, la propagande, une participation, pas ridicule dans le contexte actuel et avec les moyens à disposition. Pourtant, malgré tout cela, ce sera, à n’en pas douter, un « coup d’épée dans l’eau ».

Conflit de « légitimités »
Organiser un vote, une consultation, un référendum, en dehors du cadre de la loi, en marge des institutions officielles est incontestablement un défi lancé au pouvoir en place.
Alors, de deux choses l’une : ou bien le pouvoir est illégitime, et dans ce cas cette « votation » prend tout son sens et peut se draper d’une légitimité qui manque à celui-ci ; ou bien, ce pouvoir est légitime et dans ce cas c’est cette votation qui est marquée du sceau de l’illégitimité.
Or, à ce que l’on sache, toutes les forces politiques et syndicales à l’initiative de cette votation ne tiennent pas pour illégitime le pouvoir en place. Sans partager ses conceptions, ses méthodes, sa philosophie, elles le reconnaissent comme légitime, représentant la « volonté du peuple ».
Le pouvoir a donc beau jeu de tourner en dérision cette action et de la qualifier d’illégitime, d’illégale et même d’antidémocratique… Et il a formellement raison.
Doit-il tenir compte de cette consultation ? Rien ne l’y oblige… Il peut la considérer – ce qui est d’ailleurs le cas – comme nulle et non avenue, et ce d’autant plus que, perfidement, il nie, contre toute évidence, que son objet n’a pas de sens : « Loin de lui l’idée de privatiser. »
Il ment bien sûr, comme il a menti pour les autres services publics, mais il a les moyens du mensonge, il a le pouvoir légitime.
Notons au passage l’attitude non moins faux-cul du Parti socialiste qui s’est « opportunistement » associé à cette opération. Quelle aurait été son attitude si, quand il était au pouvoir et qu’il privatisait (sans le dire comme le gouvernement actuel), une telle action avait été entreprise ? Y aurait-il participé ?

Le « référendum boomerang »
Le référendum, souhaité par les organisateurs de la votation, est en apparence une consultation tout ce qu’il y a de simple et de démocratique. C’est d’ailleurs au nom de ces qualités qu’ils ont agi. Et pourtant !
Imaginons un instant que les partisans du « rétablissement de la peine de mort » organisent une votation pour que la guillotine reprenne du service.
Formellement, les tenants de la votation pour La Poste n’ont rien à dire contre cette procédure… et pour cause !
Imaginons alors que la consultation donne une majorité « pour le rétablissement », ce qui, reconnaissons-le, est loin d’être irréaliste…, surtout si un fait divers sordide précède la consultation.
Question : ceux-là même qui organisent la votation sur La Poste auront-ils le même enthousiasme pour qu’un vrai référendum sur le « rétablissement de la peine de mort » soit officiellement organisé ? La réponse ne fait évidemment aucun doute.
Alors ? Le procédé de la votation serait correct ou non correct en fonction du contenu de la question posée ? Si oui, curieuse conception de ce que l’on entend par « volonté populaire » !
On voit là qu’il y a quelque chose de gênant qui relativise largement le recours à une telle pratique.

Pour conclure
Même fondée sur les meilleures intentions du monde, dans le cadre d’un système qui se dit démocratique – et qui est reconnu comme tel par la majorité –, la votation est un acte de désespérance militante (un de plus !) qui donne l’illusion de la force et de l’unité… Stratégiquement et tactiquement nulle, elle traîne des contradictions difficilement surpassables. Elle est une démonstration militante d’organisations qui ne savent plus quoi inventer pour exister et montrer qu’elles ont encore pris sur la réalité. Que restera-t-il finalement de cette opération dans quelques semaines ? Rien, ou plutôt si, une nouvelle vague d’amertume et de déception.
Quant au référendum espéré, il est en fait une arme à double tranchant dans le cadre d’un système politique pervers, pseudo-démocratique et fondé sur le mensonge et la manipulation de masse. Il peut aboutir au meilleur comme au pire.
Ce n’est pas avec de tels moyens, stratégiquement et même tactiquement dérisoires, que l’on va mettre à mal le système marchand. De plus, mobiliser sur de telles actions, c’est faire preuve d’impuissance au regard du pouvoir et entretenir, une fois encore, l’illusion de l’efficacité politique… C’est du même acabit que les « grandes manifestations » qui battent vainement le pavé.
Devait-on finalement procéder à cette votation ? Oui, pourquoi pas ! Si c’est un moyen de doper le moral des militants. Mais là n’est pas la vraie question.
La vraie question est : quelle est la valeur stratégique d’une telle opération ?
Et la réponse est claire et nous sera fournie par la suite : elle est nulle.
S’il s’agit de faire du marketing politique pour certaines organisations politiques et syndicales, alors, c’est certainement réussi.
Si c’est une opération à vocation de déstabilisation du gouvernement, voire du système, alors c’est raté. En effet, qui peut croire sérieusement que ce gouvernement va obtempérer et organiser la consultation demandée ? Le croire c’est de la naïveté, le faire croire, de la manipulation.

Patrick Mignard



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


le jaques

le 4 décembre 2010
alors on fait quoi?
la dictature du prolétariat?
sort de corps Trotsky