Rachel ensevelie

mis en ligne le 5 novembre 2009
Les documentaires de Simone Bitton sont indispensables, comme le gaz et l’électricité :
Mur regardait la construction de cette muraille qui devait « protéger Israël » des terroristes arabes/palestiniens. Cette bâtisse infranchissable, elle la regardait avec la curiosité d’un enfant et l’horreur éprouvée par la femme avertie. Simone Bitton joue sur son appartenance (elle a deux passeports) un peu comme le fait Elia Suleiman; on peut aller et venir, mais on ne supporte pas mieux pour autant. Elle a la perspicacité d’un futur ingénieur des ponts et chaussées et les gens interrogés le lui rendaient bien. Rachel, son film sur l’activiste et pacifiste américaine Rachel Corrie est comme une suite de ce film consacré à la construction du mur de séparation. Dans le mouvement de préparation, de terrassement etc., il fallait démolir des maisons palestiniennes, trop proches du mur, donc suspectes sans dédommagement évidemment, ravager des jardins et des plantations d’oliviers, car des ennemis potentiels pouvaient se cacher dans ces endroits. Justement Rachel et ses amis protégeaient ces maisons et leurs habitants palestiniens en manifestant, en se tenant par la main, en approchant ces machines au plus près, en agitant des calicots avec inscriptions pacifistes sans réussir pour autant de faire ralentir ou reculer ces gigantesques pelleteuses, portant blindées comme des chars, venues démolir et ensevelir.
Et Rachel fut ensevelie. Quand l’accident se produisit, les jeunes ont avancé ensemble, mais Rachel les a devancés et puis elle disparut sous un tas de sable et la machine ne s’arrêta pas d’avancer. Le film enquête, essaie de savoir comment tout cela s’est passé. Le conducteur de l’engin a une visibilité très réduite. On pourrait le frapper de pierres et d’autres objets, il est en effet installé comme dans un tank, donc relativement protégé. De toutes petites fenêtres lui donnent une vision limitée, c’est exact. Mais il a parcouru plusieurs mètres, il a dû voir cette jeune fille en anorak orange avec des cheveux blond-roux. Psychologiquement il n’est pas préparé à voir une fille « blanche » dans ces contrées, mais enfin, on ne met pas des aveugles non plus dans ces engins.
La mort de Rachel est due à cet ensevelissement. Elle a étouffé. Quand elle arrive à l’hôpital, il est trop tard.
Simone Bitton fait parler les amis, la famille. Elle montre Rachel, vivante, aimante, se donnant corps et âme à une amélioration des rapports entre palestiniens et israéliens… Les Palestiniens l’ont adoptée. Son portrait se trouve encore sur quelques murs avec des inscriptions : « martyr ». Le film de Simone Bitton réunit des matériaux d’un gigantesque puzzle où des pièces manquantes sont légions. À nous de réunir ce qui manque, à nous de réfléchir, à nous enfin de trouver comment se souvenir de Rachel vivante à sa place et heureuse de son engagement…