Éducation nationale : une grève le 24 novembre et après ?

mis en ligne le 19 novembre 2009
Le 24 novembre prochain, la FSU, Sud-Éducation et la CGT éducation appellent à une grève dans l’Éducation nationale.
Le même jour, La Poste annonce un appel à la grève reconductible contre la privatisation. Les banques aussi devraient s’y mettre, peut-être rejoints par…
La colère est là mais l’éparpillement des luttes de salarié-e-s est un véritable obstacle à la mobilisation nécessaire. Tous se battent pourtant pour la même chose: emplois, justice sociale, maintien des services publics. La frilosité des syndicats et le recours aux sempiternelles « journées d’action » sans lendemain sont pour beaucoup dans le découragement et le repli sur soi.
Dans l’Éducation nationale, il y a encore quelques années, le quart des attaques subies ces derniers temps aurait déclenché un mouvement de grande ampleur et plusieurs jours de grève. Depuis deux ans, au contraire, les syndicats et le personnel dans son ensemble croulent sous le poids des « contre-réformes », sans parvenir à relever la tête.

Encore une journée d’action ?
Le syndicats utilisent les journées d’action comme soupape, la colère s’exprime un jour, des assemblées générales se tiennent, appelant la plupart du temps à continuer le mouvement. Elles ne sont pas reçues comme légitimes. Les petits arrangements, les tricheries et la résignation ont raison de ce qui était une vraie colère et une vraie volonté de dépasser les luttes catégorielles. Pourtant, les deux journées nationales de grève de novembre et janvier de l’an dernier ont été largement suivies. La forte mobilisation des chercheurs et des étudiants, sans parvenir à le faire reculer totalement, a tout de même fait peur au gouvernement.
Dans le premier degré, 3000 désobéisseurs déclarés contre les mesures Darcos ont su trouver un nouveau mode d’action, apparenté à la désobéissance civile. (voir ML N° 1568). 50 d’entre eux environ ont été lourdement sanctionnés *, et la mise au pas des enseignant-e-s est de plus en plus forte. Malgré la solidarité mise en place, qu’en sera- il cette année ?

Les raisons de la colère
– 16000 suppressions de postes en 2010, 35000 sur trois ans, le gouvernement est le plus grand « débaucheur » de France. Extension de la précarité, développement des heures supplémentaires, embauche de vacataires, annonce de l’ouverture d’une agence privée de remplacement. Tout cela dans une quasi indifférence générale. On oublie vite que les personnels d’emploi vie scolaire (EVS, AVS) se sont retrouvés au chômage en juin, sans la formation promise. Et on recommence, on fait tourner le système, avec la complicité des directeur-trices qui les embauchent et de tous ceux qui disent: « C’est mieux que rien… ».
– Suppression des IUFM (Instituts universitaires de formation) avec masterisation obligatoire pour le concours, lui aussi voué à disparaître.
– Moins d’école, mais plus de contrôle des élèves, des familles, avec la mise en place du fichier informatisé « Base-élèves ».
– Rétablissement de programmes rétrogrades (retour de la morale, de la rédaction…) niant totalement les recherches pédagogiques de ces vingt dernières années.
– Poudre aux yeux pour les parents, avec l’aide personnalisée, sensée soutenir les élèves en difficulté, alors qu’on a supprimé deux heures d’enseignement pour tous et divisé par deux le nombre d’enseignant-e-s spécialisé- e-s (RASED).
– Mise en place d’évaluations nationales dont le but avoué est la généralisation d’une culture de l’évaluation, du pilotage par le résultat. Pilotage des moyens donnés aux écoles, mais également aux enseignant-e-s, bientôt payés au mérite.
– Démantèlement annoncé de l’école maternelle avec la création des « jardins d’éveil », chère à Nadine Morano. Présenté comme mode d’accueil innovant, il se place de fait en concurrence avec l’école maternelle publique, souvent critiquée pour son manque de locaux et des effectifs trop nombreux. Au lieu d’améliorer le service public, on crée un service payant, qui aura pour effet de renvoyer à la maison les femmes qui n’auront pas les moyens d’y faire accueillir leurs enfants.
– Suppression de la carte scolaire, renforçant encore plus les ghettos, – Réforme des lycées avec diminution des postes et des heures d’option malgré « l’habillage pédagogique » annoncé.
– Instauration de l’obligation pour les communes de financer l’école privée de la commune voisine, pour les parents qui le souhaitent (loi Carle). La privatisation se fait marchandisation quand, lors du débat à l’assemblée, des députés UMP annoncent qu’ils défendent l’idée du « chèque éducation », présente dans le rapport Attali (2008).

Les attaques s’accumulent… en toute cohérence vers la privatisation !
On va se battre ou résister contre telle ou telle mesure sans voir la cohérence de l’ensemble : l’affaiblissement de l’école publique au profit d’une école privée, celle du marché ou la non moins intéressée confessionnelle. Les syndicats majoritaires portent une lourde responsabilité dans leur manque de clairvoyance et d’analyse globale. Ils refusent une opposition frontale qui remettrait en cause leurs postes de cogestionnaires.
Un certain nombre d’enseignant-e-s ne voient même pas le danger qu’il y a à accepter les primes, les heures sup, les stages pendant les congés, l’aide aux devoirs et autres cadeaux empoisonnés. Les derniers râleurs sont considérés comme des dinosaures, qui refusent tout et ne veulent pas s’adapter à la « modernité ».
Quand tous ces braves auront compris que l’école, c’est avant tout de l’humain, de la création, de la liberté, de la formation de futurs adultes capables de comprendre le monde pour mieux le transformer. Quand les dégâts de la libéralisation auront été prouvés et éprouvés, peut-être alors cesseront-ils de larmoyer et de se laisser berner de journée d’action en journée d’inaction. Peut-être feront-ils le lien entre désobéissance civile et combat social ? Souhaitons que le 24 novembre soit une première étape, à nous tous et toutes d’y œuvrer.

Virginie Benito, groupe de Rouen


* www.resistancepedagogique.org