Criminalisez, criminalisez, il en restera toujours quelque chose

mis en ligne le 19 novembre 2009
Un an après l’affaire de Tarnac, la contre-enquête de la défense a su montrer le montage grossier orchestré par la police et par Alliot-Marie afin d’avoir des coupables comme ils le souhaitaient. Une pseudo nébuleuse terroriste anarcho-autonome 1 pour faire peur aux bourgeois et qui pourra servir à expliquer toutes les possibles rébellions futures de la jeunesse. En cas de mouvement étudiant ou lycéen, type CPE, l’État pourra ressortir l’épouvantail anarcho-autonome, la presse se jettera dessus sans état d’âme (quitte à faire son mea culpa, quelques mois plus tard). 1573Coq
N’empêche que l’arme répressive est en marche. Les inculpés de Tarnac, dans l’attente d’un hypothétique procès, sont assignés à résidence et pour que Julien Coupat soit libre, il a fallu que ses proches paient une caution de 16000 euros… Des jeunes qui avaient lancé un blog de soutien aux inculpés viennent d’être appréhendés sur Rouen.
Idem, pour les événements de Poitiers, les quelques fumigènes et vitrines brisées ont été montés en une affaire capitale, alors que ce n’était pas grand-chose. Cela a surtout servi à réprimer le mouvement social dans la région et à faire taire les voix discordantes. Les exactions policières ont été bien plus violentes que celles des manifestants. Sur les trois premiers inculpés, deux ont été relâchés suite aux soutiens mais un troisième, Patrick, reste en prison, parce que SDF. La « Justice » n’étant pas certaine qu’il se présentera au procès.
Le pouvoir agite sa muleta du terrorisme pour faire passer tous ses sales coups. Hortefeux a profité des désordres de Poitiers pour relancer par décret le fichier Edvige en l’élargissant aux enfants de 13 ans 2.
Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Parce que question répression, judiciaire ou policière, on est servi. Les rafles de sans-papiers se multiplient partout en France, et des lieux d’hébergement ou de soutien (Restau du coeur, Emmaüs, assos…) qui avaient reçu un accord tacite de non-intervention deviennent des cibles de la police qui attaque en nombre et armée comme pour choper des criminels. Ce sont les flics qui interviennent dans les écoles et les enfants qui deviennent suspects. Ce sont les abris d’immigrants détruits au bulldozer et des charters vers la mort pour les expulser.
Côté répression syndicale on est servi aussi. Outre les six de Continental fortement condamnés, il y a les quatre marins du Syndicat des Travailleurs Corses qui passent devant le TGI pour séquestration lors du conflit de 2005 et qui risquent jusqu’à 10 ans de prison. Il y a les 240 salariés d’ERDF et de GRDF, militants CGT pour la plupart, qui font l’objet de procédures disciplinaires au niveau national (blâmes, mises à pied, rétrogradations et onze licenciements, dont quatre effectifs à ce jour) à la demande de Fillon qui voulait des sanctions contre les grévistes en avril dernier. Ce sont des militants syndicaux de Sud et de la CGT licenciés chez TCL à Lyon. C’est la répression à tout va chez les enseignants, attaqués pour « désobéissance collective » ou pour n’avoir pas voulu appliquer « base élève ». Les exemples pourraient remplir cette page.
L’arsenal juridico-policier est en route pour casser les capacités de résistance de l’ensemble des salariés. Le pouvoir s’attaque à ceux qui se battent. Aux autres il reste l’acceptation de l'aliénation et la fermeture de boîtes.
On peut s’étonner que devant tant de bêtises, de brutalité et de répression, les réactions soient pour le moins timorées. On peut accuser les syndicats et leurs journées d’actions sans lendemain des premiers trimestres de l’année mais il n’y a pas que ça.
En ces temps de crise, l’État et les médias nous maintiennent dans un état de replis sur soi et de désespérance. À la liste quasi quotidienne des boîtes qui ferment ou licencient et, donc, des chômeurs qui se multiplient, s’ajoutent les stars médiatiques qui, à coup de belles images, nous annoncent la catastrophe à venir. Quoi de plus engageant à se barricader chez soi (en fermant le robinet quand on se lave les dents) ? De même, on peut se poser des questions sur le traitement médiatique des suicides au travail qui sont certes en augmentation brutale et qui sont liés aux formes de travail, à sa pénibilité et à son individualisation. Mais comme forme extrême proposée pour se libérer du poids de l’exploitation, il ne peut pas y avoir pire.
On a l’habitude de le dire mais laissons le pessimisme pour des jours meilleurs. Des formes de luttes dans certaines boîtes prouvent que tout n’est pas perdu, le combat des travailleurs sans-papiers qui s’intensifie est plutôt porteur d’espoir. Reste à retrouver le déclic pour repartir au combat, tous ensemble, comme on dit.

1. On a les terroristes qu’on peut, nous, ce sont les anarcho-autonomes, Ben Laden doit rigoler.
2. Lire à ce sujet La Terrorisation démocratique de Claude Guillon chez Libertalia.