Fraîcheur désinvolte

mis en ligne le 25 mars 2010
Petit film aux grandes ambitions, La Reine des pommes est un film frais comme la première gorgée d’eau après une traversée du désert, comme une chanson inconnue qui ferait vibrer parce qu’elle n’invoque que des choses déjà ressenties. Un duo d’actrices remarquable, Béatrice de Staël et Valérie Donzelli : on s’affronte, s’amuse et on interroge un certain Jérémie Elkaïm qui joue les rôles de Pierre, Paul, Jacques, etc., de tous les hommes en fait qu’Adèle investit et sur lesquels elle projette son idole qui l’a larguée. Excellente idée, pas seulement pour éviter de payer plusieurs cachets et un casting hors de portée pour ce film à l’allure improvisée, fait de bouts de ficelles. De plus, il a été entièrement écrit à plusieurs mains : Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm et Dorothée Sebbag. Il y a des scènes d’une candeur qui feraient frémir s’il fallait les vivre, mais Adèle, jouée par la réalisatrice, n’a peur de rien. On pouvait lire sur des pancartes à une certaine époque : « Accepte n’importe quel travail ! » Adèle accepte n’importe quelle demande, quitte à se mettre dans de drôles de situations dont elle va vite se tirer avant de sombrer dans le ridicule. Et c’est vraiment très amusant. Quand Adèle mime une scène érotique torride face à un voyeur pervers qui lui a bandé les yeux mais qui en fait n’est plus là pour la regarder, elle se prend au jeu, elle est réellement accrochée à ce genre d’aventures et fait absolument tout ce qu’on lui demande… Adèle compose avec tout, elle doit se détacher de son ami qui s’est tiré, elle doit coucher avec d’autres hommes, sur un conseil de son amie… et elle fait de son mieux. Elle invente le roman d’amour des autres, doit s’en aller pour réaliser que tout le monde vit des histoires qui se débinent, des amours qui ne durent pas, des séparations et des retrouvailles. La scène avec Laure Marsac, tournée à New York, était, à l’origine, à la fin du film. C’est ensuite qu’elle écrit l’histoire : Adèle doit se mettre à exister en dehors de cette projection et prendre sa vie en main. C’est une banalité qui sert ici de fil conducteur à une histoire amusante et légère, chantée avec talent, musique et paroles de Valérie Donzelli, arrangement de Benjamin Biolay. Révélé par Locarno, le film a passé la barrière de la deuxième semaine. Allez le voir pour le faire tenir encore un peu. Le plaisir au cinéma est devenu tellement rare !