Un coup de balai et vite !

mis en ligne le 10 décembre 2009
On a parfois l’impression de toucher le fond. C’est valable aussi pour le mouvement social.
Nous en sommes maintenant à attendre des décisions de justice pour redonner un minimum de sens au syndicalisme !
Prenons en effet la décision du tribunal d’instance de Brest du 27 octobre. Ce dernier était saisi par la CFDT et le patron, réunis comme il se doit, contre l’union départementale Force Ouvrière du Finistère. La question portait sur le maintien comme délégué syndical d’un salarié désigné par FO qui n’a pas obtenu 10 %. Le tribunal a considéré que « l’obligation de choisir le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix est contraire au principe de la liberté syndicale et constitue une ingérence dans le fonctionnement syndical ». On ne saurait mieux dire.
Et d’ajouter que la loi d’août 2008 « a pour effet de donner prépondérance aux représentants élus au détriment de la représentation désignée, contrairement aux dispositions antérieures destinées à contrebalancer les pressions susceptibles d’être exercées sur l’électorat au sein des entreprises ».
En clair, cette loi court-circuite les syndicats, met en première ligne les élus, souvent plus influençables que toute une section syndicale, et au final favorise même les syndicats maison. Et c’est la justice bourgeoise comme on dit qui est obligé d’expliquer la nocivité d’une loi scélérate issue d’un accord Thibault-Chérèque-Parisot-Sarkozy, datant d’avril.
Parallèlement, lors du congrès de l’UNSA, le secrétaire général, Alain Olive, a déclaré le 24 novembre, sous les applaudissements du secrétaire général de la CFDT, invité d’honneur : « Une grève générale, pour quoi faire ? »
Effectivement, on ne voit pas pourquoi les salariés se fâcheraient pour quelques centaines de milliers de licenciements, des services publics massacrés, une sécurité sociale disloquée, des dizaines de milliards d’euros octroyées aux banques et aux entreprises et une moyenne de rémunération, pour 2008, de 7,8 millions d’euros pour les patrons des grandes entreprises, soit 651 fois le Smic…
On a fait du chemin depuis les déclarations d’Henri Ford qui expliquait que le bon rapport entre le salaire d’un ouvrier et le revenu d’un patron était de 1 à 20. Un gauchiste en quelque sorte !
Dans ce contexte, le 49e congrès confédéral de la CGT, qui se déroule à Nantes du 7 au 11 décembre, est d’une importance considérable, compte tenu du poids de cette centrale syndicale dans le mouvement social et aussi, il faut bien le dire, de notre attachement à cette vieille maison que nous avons largement contribué à construire il y a plus d’un siècle.
Mais, brique par brique, certains s’ingénient depuis déjà longtemps à tout casser et on ne se fait guère d’illusions sur ce qui peut sortir de ce congrès.
L’appareil a blindé les choses à tous les niveaux et il a, en la matière, avec les staliniens, une longue expérience. À peine 1 000 délégués (3 000 pour les congrès de FO, par exemple, qui compte pourtant bien moins d’adhérents) qui ont dû passer tous les filtres des unions départementales et des fédérations. C’est déjà un gage d’écrémage efficace d’une bonne partie des contestataires. L’opposant Jean-Paul Delannoy, responsable de la région Nord, qui voulait présenter sa candidature comme secrétaire général face à Thibault, en a vite fait les frais. Ce dernier a expliqué que « la candidature du camarade n’a pas été présentée selon les règles statutaires et ne sera donc pas prise en compte ».
Mais ce n’est pas pour autant que Thibault et ses acolytes pourront faire taire totalement les militants attachés à la lutte de classe et à la charte d’Amiens. Ces militants de base s’opposent quotidiennement et parfois durement à la ligne d’accompagnement du capitalisme incarnée par Thibault, qualifié, on s’en souvient, de racaille par Xavier Mathieu, leader CGT de l’usine Continental de Clairevoix. Ce qui est incontestablement vrai mais ne suffit pas pour autant à faire avancer les choses.
Plus intéressants sont les nombreux textes discutés dans les syndicats en opposition aux textes préparatoires de l’appareil, comme celui qui fut signé le 13 novembre par les sections CGT des hôpitaux, de l’Action sociale, du Comité de chômeurs et précaires, de l’entreprise SFR, de la ville de Marseille. Il y est écrit ceci notamment : « L’analyse du texte préparatoire au congrès démontre une orientation de cogestion […]. La proposition d’intervenir dans les conseils d’administration est symptomatique. En aucun cas, nous n’avons à négocier les licenciements ou autres plans sociaux […]. De même, la proposition du nouveau statut du travail salarié NSTS marque de fait l’abandon de toutes formes de lutte collective [pire encore :] la notion de développement humain durable [sic] est l’expression caricaturale de la volonté de la direction de la CGT de défendre un capitalisme à visage humain. » On connaît la chanson, la CFDT a déjà inventé depuis longtemps le concept d’entreprise citoyenne et de capitalisme éthique dans la droite ligne du christianisme social.
Pauvre CGT ! De quoi faire retourner dans leur tombe bien des militants et pas seulement des anarcho-syndicalistes.
Face à cette orientation de « renoncement et de recul », à la CGT ou ailleurs, des salariés, des militants cherchent, dans leur syndicat, dans certaines unions locales, voire départementales, à résister.
Les contradictions du système sont telles que même les brutes et les truands des appareils politico-syndicaux n’arriveront pas indéfiniment à empêcher le clash avec l’état et le patronat.
À nous de contribuer, de pousser, d’organiser à la mesure de nos moyens avec détermination et clarté.