On connaît la chanson

mis en ligne le 14 janvier 2010
Nous avons souvent déjà décortiqué et analysé dans ces colonnes les manœuvres des appareils syndicaux pour empêcher les luttes sociales de se développer et de se fédérer.
Une fois n’est pas coutume, citons le très libéral Alain Minc, conseiller « social » de Sarkozy, interviewé dans Le Parisien le 27 décembre dernier : « Je constate qu’au printemps dernier, leur sens de l’intérêt général a été impressionnant pour canaliser le mécontentement. L’automne a été d’un calme absolu. Je dis chapeau bas aux syndicats. » Et d’ajouter : « S’il y avait un dixième du talent de l’état-major de la CGT au MEDEF, les choses iraient mieux. » On ne saurait être plus clair.
De ce point de vue, le congrès confédéral de la « vieille maison » en décembre dernier à Nantes a été éclairant sur les différentes facettes de la situation.
Si l’on ne retient que le résultat des différents votes, Thibault, avec une commission exécutive et un bureau confédéral totalement à sa main, semble ne pas avoir connu de difficultés majeures. Le rapport d’activité a été approuvé par 77,3 % des mandats et Thibault a été réélu avec 88 % des voix.
Mais il faut regarder au-delà de ce bilan quantitatif. Tout d’abord un symbole : Thibault obligé de décommander à la dernière minute la venue de son compère de la CFDT, Chérèque, par peur d’une bronca de son congrès, contre-productive médiatiquement parlant…
Mais ce qui est plus important, c’est l’âpreté des débats et la bataille d’amendements. Les projets de résolutions concoctés par la direction ont été profondément remaniés. Du jamais vu, que Thibault a voulu faire passer pour un exercice de « démocratie ». Tu parles !
Il y a notamment eu de vifs débats sur la loi « scélérate » d’août 2008 sur la représentativité, issue d’un accord CGT, CFDT et MEDEF, avec la bénédiction de Sarko. Et plus encore sur la question des retraites.
Certes, la revendication de retour à 37,5 annuités de cotisations, souhaitée par de nombreux délégués, ne figure pas dans le document final. Cela dit, celui-ci est tout de même moins mou et un peu plus clair sur les mandats donnés à la direction confédérale : « La CGT entend arrêter la spirale de l’allongement de la durée de cotisation […]. Elle réclame un socle commun de haut niveau de droits et de garantie reconnaissant la pénibilité des métiers et garantissant l’ouverture des droits à 60 ans. »
Ce débat était d’autant plus important que tout le monde sait que Sarkozy entend au second semestre (après les élections régionales et le congrès de la CFDT de juin…) soumettre une nouvelle réforme des retraites « douloureuse mais nécessaire ».
Sarko peut compter comme d’habitude sur la CFDT. Jacques Voisin, le président de la CFTC, peu suspect de gauchisme exacerbé, l’explique fort bien dans un éditorial en date du 29 décembre : « Les dirigeants de la CFDT sont toujours prêts à faire des concessions, à se compromettre avec le gouvernement et le patronat, à accompagner le système […]. Le monde du travail n’a rien à attendre de cette organisation. » En effet, sans se faire d’illusion non plus sur ce que fait et fera la CFTC…
Mais l’aide, même active, de la CFDT ne peut suffire. C’est pour cette raison que la place de la CGT est fondamentale dans la politique sarkosyste.
On connaît à l’avance la chanson, la mauvaise rengaine : journée d’action, pseudo « temps fort » de mois en mois, procession du samedi ou du dimanche, le calendrier « social » est déjà prêt : ce n’est pas la grève jusqu’à satisfaction qu’ils veulent construire bien sûr, mais « l’action » bidon jusqu’à épuisement des salariés… Le dispositif est d’ailleurs déjà en place dans l’éducation nationale à l’initiative de la FSU, avec des semaines d’action voire des « mois d’action » et une manif nationale le samedi 30 janvier…
Ce n’est pas nouveau, cette machine à perdre est brevetée. Mais tout ce petit monde – qui va nous expliquer de plus qu’il faut faire une trêve au moment des élections régionales pour ne pas gêner le « processus démocratique » (!) – ne maîtrise pas tout. À nous, dans les syndicats de base, dans les unions locales, les unions départementales, de bousculer les appareils et de redonner à l’outil syndical son véritable visage de lutte de classe.
Dans ces conditions, la triste ritournelle qu’on nous prépare pourrait se transformer en chant révolutionnaire.
Comme le disait en substance Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on n’ose pas mais parce que l’on n’ose pas qu’elles sont difficiles. »