Sur la série télévisée en cours : plus belle la vie des riches, poubelle celle des pauvres

mis en ligne le 21 janvier 2010
L’épisode en cours de la série télévisée Plus belle la vie des riches, poubelle celle des pauvres, qui est sous-titré : La moralisation du capitalisme, fait l’objet d’une intense campagne de promotion. Christine Lagarde, attachée de presse de l’Élysée, claironne sur tous les plateaux qu’au vu des profits réalisés par les banques en 2009, les bonus des traders supérieurs à 27 500 euros seront taxés à hauteur de 360 millions d’euros. Sur cette somme, 270 millions serviront à alimenter le fonds de garantie des dépôts pour renforcer la sécurité des déposants. Les 90 millions restants iront dans les caisses de l’État. Dixit la Madone des riches, cette mesure a pour but d’inciter les banques à réduire les montants distribués en les forçant à conserver leurs profits pour augmenter leurs fonds propres et solidifier leur bilan. Notons que ce dispositif sera « one-off » (c’est-à-dire temporaire), normal puisque tout le monde sait que les banquiers sont des petites bêtes fragiles qu’il faut protéger. Chose confirmée le 12 janvier par un vigoureux communiqué de la Fédération bancaire française (FBF) : « L’accumulation des mesures de taxation risque de peser sur leur capacité à financer l’économie, ainsi que sur leur compétitivité et celle de la place de Paris. » Si, une irrépressible envie de sortir votre mouchoir vous saisit, abstenez-vous. Un membre d’un cabinet de chasseurs de têtes (il s’agit de Humblot-Grant Alexander), spécialisé dans la finance, vous en fournit la raison : « Les banques françaises ne vont pas distribuer moins de bonus mais elles vont les distribuer différemment », par exemple (c’est nous qui rajoutons) en relevant le niveau des rémunérations fixes.
Le même feuilleton est projeté sur les écrans anglais dans une version retouchée. Les banques de la City préfèrent payer la nouvelle « super taxe » sur les bonus plutôt que de réduire ou différer les primes de fin d’année, telle est la conclusion d’une enquête publiée par le Financial Times. Pour quel motif les crapules qui dirigent la City sont-ils aux petits soins pour leurs traders ? Ces messieurs arguent que tout mauvais traitement infligé à leurs petits génies de la finance (sic) risquerait de les conduire à s’exiler vers des cieux fiscalement plus cléments.
La bande-annonce de la série qui nous est imposée en boucle insiste sur un point. Quelques courageux justiciers pourchassent les vilains traders trop vite gavés de gains faramineux. Le scénario écrit par les fondés de pouvoir du capital repose sur le postulat suivant : jeter en pâture au grand public quelques boucs émissaires détournera son attention des principaux fauteurs… et bénéficiaires de la crise que nous traversons, à savoir les cadors de l’oligarchie de l’industrie financière et bancaire.
Une majorité des pays est plongée dans la récession ? Cela n’a pas empêché les banques d’investissement – après s’être refait la cerise grâce à une injection massive de fonds publics – de terminer l’année 2009 en affichant des profits colossaux, par exemple 10 milliards de dollars chez Goldman-Sachs, 8 milliards chez JP Morgan, 4,5 milliards d’euros chez Deutsche Bank, 3 milliards d’euros chez BNP Paribas, etc.
Certes, les traders ne sont pas des saintes-nitouches, mais les vrais responsables de la crise financière sont les gros actionnaires des banques qui leur ont fixé des objectifs de rentabilité ahurissants autant qu’insoutenables. La crise porcine la plus ravageuse n’est pas due aux suidés, mais aux gros porcs que sont tous ces joueurs de casino, car force est de convenir que ces pourceaux n’ont jamais cessé d’inoculer leurs germes pathogènes dans l’économie réelle grâce à la spéculation qui les nourrit grassement.
En sus de fabriquer ou d’accélérer le gonflement de nouvelles bulles – comme autant de bombes à retardement –, en spéculant sur les obligations d’État, les crédits carbone, les matières premières, etc., les banques se livrent à des acrobaties comptables pour offrir un visage plus séducteur. Ainsi des actifs toxiques (créances au recouvrement hautement improbable) figurent dans leurs bilans dans la colonne « actifs » ! Dominique Strauss-Kahn, le pape libidineux du FMI, a craché le morceau puisqu’il estime que les coffres des banques contiennent plus de 50 % de ces matières en voie de décomposition avancée.
Quant à penser que les grands gesticulateurs de ce monde que sont Barak Obama, Nicolas Sarkozy, Gordon Brown, etc., feront un sort aux paradis fiscaux, interdiront les marchés de gré à gré et les hedge funds, puis qu’ils établiront dans le même élan des règles drastiques pour encadrer la titrisation et les produits dérivés, c’est comme croire à ce qu’affirmait N.S. le 8 janvier 2008 à propos de son auguste personne : « L’authenticité se lit sur mon visage, je ne triche pas, je ne truque pas. »
Ici, puisqu’il est question de Fanfaron Ier, soyons sûrs qu’il mettra tout en œuvre pour moraliser le système financier et bancaire à sa manière, c’est-à-dire… en cognant comme un sourd sur la Sécurité sociale et les retraites. Forcément, ne s’agit-il pas d’institutions qui engraissent indûment des millions de capitalistes autrement appelés ouvriers, employés, chômeurs, retraités… ?
Quelle est la conclusion que nous serions bien avisés de retenir à propos de ce mauvais film dont nous sommes les acteurs faussement impuissants ? Plus belle sera la vie des exploités dès lors qu’ils se décideront à… jeter les riches dans les poubelles.