Regarder la mort en face

mis en ligne le 4 février 2010
Depuis quelques décennies et après quelques faits divers retentissants, la mort, en France, a commencé à s’affranchir du tabou d’origine religieuse selon lequel c’est Dieu qui décide de la vie et de la mort, interdisant toute intrusion humaine en la matière. Parallèlement, il y a peu, la prise en charge de la douleur et le problème de « l’acharnement thérapeutique » ont commencé à échapper à l’emprise religieuse.
Merci à l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) qui est largement responsable de ces avancées.
Dans ce Manifeste pour une mort douce, libre et volontaire, Christian Dupont pousse cette logique émancipatrice à sa limite extrême puisqu’il demande purement et simplement « la reconnaissance publique, légale et officielle du droit à mourir, pour ceux qui le désirent, d’une mort douce, libre et volontaire ». Bref, ce livre revendique clairement le droit au suicide. Ce n’est pas rien !
Pour autant, ce livre va bien au-delà de cette revendication copernicienne.
Pour Christian Dupont, en effet, la reconnaissance du droit à mourir s’inscrit dans une philosophie générale consistant à « regarder la mort en face » et « à aller à la rencontre de la mort ».
« Regarder la mort en face » et « aller à la rencontre de la mort », cela peut susciter quelques questionnements. On sait, en effet, ce qu’il en est de ceux qui appellent de pauvres hères à aller à la mort en chantant, la fleur au fusil ou un croissant ou une croix autour du cou.
Soyons précis. Notre camarade Christian Dupont n’est ni un fanatique religieux, ni un mystique. C’est quelqu’un qui aime passionnément la vie. Mais qui sait la mort inéluctable. Qui essaye de ne pas s’en effrayer. Et qui entend simplement que l’on puisse rejoindre l’inéluctable dans les meilleures conditions possibles, via une socialisation (prise en charge publique) du droit à mourir doucement, librement et volontairement.
Son livre se termine ainsi : « Pour moi-même, c’est ainsi que je préférerais partir. Quand le signal m’en sera donné, si le corps social, ayant révisé ses tabous, me le permet. Et s’il ne le permet pas, il est fort probable que ce manifeste s’actualise en manifestation. »
Les choses sont claires. Christian est un homme libre qui a décidé de choisir sa mort quoi qu’il en soit.
De par cela, son combat en faveur d’un droit à mourir doucement, librement et volontairement, dans le cadre d’un service public, est fondamentalement politique.
C’est en ce sens qu’il est le nôtre, car une société libertaire, fondamentalement ouverte à la vie, doit l’être tout aussi fondamentalement au droit de mourir doucement, librement et volontairement.
Un dernier détail. Celui qui « tue ». Ce livre grave n’est pas triste pour deux sous. Et il est magnifiquement écrit.