Difficultés de l’accès à l’IVG et à la contraception

mis en ligne le 18 février 2010
L’inspection générale des Affaires sociales (Igas) alerte les pouvoirs publics sur le fait que trente-cinq ans après la loi Veil de janvier 1975 légalisant l’avortement, l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception est encore compliqué, tandis qu’on dénombre plus de 200 000 IVG par an en France.

Bilan
Pour l’Igas : « La prise en charge de l’IVG a marqué des progrès réels depuis la loi de 2001 – qui a porté son délai légal de dix à douze semaines –, une mesure qui était censée faciliter l’accès à l’avortement et à la contraception, mais ces avancées demeurent fragiles. »
Le rapport relève également qu’en France la situation est très originale. En effet, d’un côté on constate un taux de natalité très élevé et un taux de diffusion de la contraception « parmi les plus élevés au monde », mais paradoxalement, le taux d’IVG reste à un niveau relativement important. Plusieurs facteurs expliquent cette situation contradictoire.

Plus trop le choix !
Pour commencer par les conditions de pratique de l’IVG en France, le rapport déplore avant toute chose que les interventions tardives ne soient pas prises en charge partout. Quant aux délais, s’ils se sont améliorés dans l’ensemble, pour se rapprocher des cinq jours, il persiste, selon l’Igas, « des goulots d’étranglement dans certaines zones de fortes demandes, notamment les grandes villes ».
Plus grave : le rapport note aussi que le nombre d’établissements pratiquant l’IVG est passé de 729 en 2000 à 639 en 2006, réduisant de fait le choix quant aux méthodes d’IVG (par médicaments ou par voie chirurgicale). En effet, tout s’explique car peu attractive financièrement pour personnels de santé (!), l’IVG chirurgicale est de moins en moins pratiquée, note encore l’Igas, qui regrette un recours trop fréquent à l’IVG médicamenteuse.
Côté prévention, le rapport relève un niveau préoccupant d’échecs des moyens de contraception et rappelle que 72 % des IVG sont réalisées sur des femmes qui étaient sous contraception : « Ces échecs reflètent une inadéquation des méthodes et pratiques contraceptives », selon l’Igas qui juge que la diversification des modes de vie, l’évolution des relations de couple « ne sont pas suffisamment prises en compte » au moment de la prescription.

Contraception trop chère !

Le slogan que nous gueulions dans les manifs du Mouvement de libération des femmes (MLF), soutenues à l’époque par le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) – « Avortement, contraception libres et gratuits ! » – est encore hélas trop d’actualité. En effet, le rapport de l’Igas note que le coût de la contraception est trop élevé dans notre pays et la France, qui se caractérise par un recours particulièrement important à la pilule, pourrait « promouvoir des méthodes moins sujettes aux problèmes d’observance », comme par exemple le stérilet.
Bien que la loi garantisse aux jeunes un accès autonome à la contraception, ceci n’est pas le reflet de la réalité. En effet, la plupart des adolescentes doivent présenter la carte vitale de leurs parents pour se faire rembourser. « Le recours à la “pilule du lendemain” est encore trop faible pour entraîner une diminution du nombre d’avortements », note aussi l’Igas.
Pour conclure le chapitre sur la contraception, le rapport est sans appel : « Le coût de la contraception est souvent trop élevé, pouvant aller jusqu’à 175 € annuels pour un timbre contraceptif hebdomadaire. »

Éducation sexuelle : au point zéro
Et pan sur le bec ! Avant que le rapport de l’Igas ne finisse dans la poubelle d’un ou de plusieurs ministères, espérons que quelques associations soutenant la lutte des femmes pour leur émancipation tombent dessus et le diffusent largement. En effet, ce dernier souligne que l’accessibilité aux centres de planification familiale demeure limitée et que l’Éducation nationale ne joue pas suffisamment son rôle en matière d’éducation sexuelle, malgré son obligation légale depuis 2001. L’Igas regrette également la rareté des campagnes de communication sur la contraception et le fait que celles-ci ne soient pas reconnues comme une priorité, notamment dans les quartiers difficiles mais aussi dans le monde rural.
En bref, lorsque l’on fait le bilan des pratiques de l’IVG, de l’accès à la contraception et aux moyens mis en œuvre pour l’information des jeunes en particulier, on ne peut que regretter la démobilisation des orgas politiques et des associations qui (de guerre lasse ?) ont petit à petit déserté la lutte pour le droit au choix. Il y a encore une dizaine d’années, nous étions nombreux devant les plus en plus rares cliniques pratiquant l’IVG à garantir leur accès aux femmes, malgré la présence régulière de tout ce que les associations anti-IVG (SOS Tout Petit, Laissez les vivre, etc.) attiraient comme fachos. Puis, les flics se sont mis à protéger ces intégristes et tolérer leurs prières à genoux dans les rues, derrière leurs pancartes dégueulasses présentant des fœtus sanguinolents. Enfin, ce furent nous, les militants pro-IVG que les flics arrêtèrent ! Combien d’entre nous avons été également agressés par les nervis identitaires sous l’œil impassible de la police. Enfin, quand on pense que la dernière marche pour la vie organisée par les mêmes associations anti-IVG, et soutenue par les groupuscules d’extrême droite, a réuni 31 000 personnes à Paris sans qu’aucune contre-manif ne soit venue leur barrer la route (voir le ML n° 1581) et les empêcher de crier leurs slogans à la gloire du fœtus et de la privation de tout droit pour les femmes, hors de la prison familiale ! Réveillons-nous : « Debout femmes esclaves et brisez vos entraves. Debout, debout ! »