Chantal Dupuy-Dunier, libertaire et iconoclaste

mis en ligne le 25 février 2010
Des ailes à Saorge, en passant par Creusement de cronce 1, et même à travers les souvenirs d’enfance de quelques Éphémérides 2, la poésie de Chantal ne procède en rien de l’esthétique paysagère et de l’émotion de surface. Imprégnée d’un lieu, il lui parle plus qu’elle en parle ; elle est son intermédiaire, son médium dans l’expression du paysage ou de la maison, de l’arbre ou de la pierre. Dans le « mimétisme de l’écriture avec la terre où elle a jeté l’ancre ».
Le couvent de Saorge en est de nouveau l’illustration. Reconverti en résidence d’écriture, elle le fréquente par deux fois (en février et en octobre 2006) avec son compagnon dans « la cellule du poème ». Résidence d’écriture ? J’avoue personnellement que le concept me déplaît, et c’est un euphémisme. J’y vois comme un élevage en batterie du meilleur poème monastique. Libertaire et iconoclaste, Chantal en déjoue le piège – et sans doute n’était-elle là que pour ça – dès le premier poème : « On nous donne la chambre du Père Prieur,/la plus belle,/ornée de fresques murales./Nous n’y prierons jamais,/pas plus qu’en d’autres lieux./Nous y aurons des ébats/que le Prieur ne devait pas avoir. » Et jusqu’au dernier : « Saigneur…/Le boucher suprême/qui étripe, au dernier jour,/tous les hommes/pour les suspendre à l’étal/de leur désir d’éternité. »
Le retour en automne inaugure le vrai visage de Saorge, son jardin et ses fruits : « Les citrouilles bleues succèdent aux fleurs soufrées./Dans les treilles, les raisins bourdonnent,/blancs ou framboisés. »
La grâce de l’immanence ne fera jamais tomber Chantal Dupuy-Dunier dans le prosaïsme désenchanté des vaincus. Saorge, dans la cellule du poème ne renonce ni à ses racines, ni à ses fleurs, ni à ses fruits. Ni au pouvoir des mots. Sa poésie le tient pour dit.

1 Trois recueils édités par Voix d’encre. Saorge, dans la cellule du poème, 18 euros. www.voix-dencre.net
2 Editions Flammarion.