Grève totale

mis en ligne le 27 mars 2010
Outre le fait que défendre le maintien d’activité d’une raffinerie ces temps-ci ne soit pas des plus sexy, car pollution et tout le toutim, il y a aussi le fait que ce sont des emplois et que c’est bien là la contradiction du salariat.
Total a décidé de fermer sa raffinerie des Flandres à Dunkerque. Cela fait partie de la stratégie actuelle de la multinationale qui vient de démarrer des raffineries de très grosse capacité en Arabie Saoudite, au Qatar et en Indonésie. Là-bas, c’est plus facile, les contraintes salariales et environnementales ne sont pas au niveau des contraintes européennes, le matériel est neuf et fabrique deux à trois fois ce qui est produit en Europe.
Total se désengage donc, vend des filiales par morceaux ou en entier (Hutchinson, GP, etc.), ferme ses dépôts et projette, après celle des Flandres, de se débarrasser de deux autres raffineries. En Italie, après un scandale de corruption, Total a trouvé acquéreur de ses raffineries. Pour la France, elle ne semble pas vouloir faire pareil (comme la Shell qui a vendu à une entreprise suisse) mais veut passer par des restructurations, gardant les installations quand même car la dépollution d’une raffinerie coûte extrêmement chère. Bref…
Dès l’annonce de la fermeture de la raffinerie des Flandres, les salariés se sont mis en grève avec la menace d’occupation des locaux et de la direction, ainsi que redémarrage des ateliers. Si l’occupation a eu lieu, le redémarrage ne s’est pas fait par souci de sécurité, et un mouvement combatif s’est mis en place. A priori, Total ne licencie pas le personnel à statut, mais les salariés doivent accepter des mutations. Par contre, il n’en va pas de même pour les sous-traitants et les intérimaires qui seront bel et bien sur le carreau. Après une manifestation comptant plus d’un millier de personnes, à Paris-La Défense, c’est l’ensemble des six raffineries Total qui s’est mis en grève. Pour sauver la raffinerie des Flandres mais aussi au sujet de l’avenir incertain des autres sites.
C’est là que tout bascule. Les médias parlent beaucoup des grèves dans les raffineries. Début de panique chez les automobilistes. On parle de pénurie. Il y a parfois des queues monstres de voitures devant les stations-service, dont près de 200 doivent fermer faute de carburant. Il est plus facile de bloquer l’économie lorsqu’on travaille dans un secteur encore stratégique.
C’est la CGT qui mène le combat, même si c’est SUD qui est majoritaire à Dunkerque. La fédération chimie-CGT, pour être précis, car la confédération se fait bien muette vis-à-vis de cette fédé-chimie plutôt combattive et surtout oppositionnelle à Thibault.
Pendant ce temps-là, le gouvernement convoque le PDG de Total et le ministre du Travail s’agite dans le vent.
Pour prêter main-forte dans cette épreuve de force, les syndicats d’autres raffineries (EXxon, Inéos, Pétroplus) appellent à la grève le 24 février en solidarité et pour l’avenir de leur secteur d’activité.
Le 23 février, après sept jours de grève, la délégation syndicale sort des bureaux de Total. Les délégués disent avoir obtenu des avancées notables. Pourtant c’est loin d’être terrible, outre le fait qu’il y a promesse de la direction de ne pas fermer d’autres raffineries dans les cinq ans à venir (mais il est toujours possible de dégraisser), le reste est sans intérêt. Convoquer deux tables rondes sur l’avenir du raffinage en France, ainsi que sur l’emploi dans le bassin dunkerquois, ça ne sert qu’à occuper des syndicalistes qui se feront plus ou moins embobiner par des ministres, des préfets et des patrons. Genre de réunions qui éloignent les syndicalistes de la base. Reste que pour l’avenir de la raffinerie des Flandres, il n’en est question qu’en termes d’un hypothétique centre de formation. Pas de redémarrage en vue.
Le fait que la délégation syndicale soit conduite par la CGT (même si c’est une grande gueule sympathique) doit jouer dans cette décision vis-à-vis des Flandres passée à SUD. Il est possible aussi qu’il y ait un tassement de la mobilisation du côté des grévistes des autres sites. Toujours est-il que ce 23 février, qui pouvait être le début d’un mouvement plus fort, avec les autres raffineries en mouvement, devient une triste journée pour un grand nombre de salariés. Pour ceux de Dunkerque qui se sentent trahis mais qui continuent l’occupation, au moins jusqu’au 8 mars, jour du CCE. Pour d’autres, c’est un goût d’inachevé, comme si on calait devant l’obstacle. Il était possible de se lancer dans un mouvement d’envergure (jusqu’où ?) et ça tombe à l’eau.
On sent que ça pose des questions au sein même de la fédération chimie-CGT où les nombreux communiqués envoyés depuis le 23 alternent les « On a obtenu des avancées » avec ceux qui critiquent la démagogie du PDG de Total et appellent au redémarrage de la raffinerie de Dunkerque.
Une manifestation « massive » est appelée devant les tours Total de la Défense, le 8 mars à midi. A suivre, donc.