Encore un effort… Vous êtes (presque) des anarchistes

mis en ligne le 11 mars 2010
Alors comme ça, quand on fait l’effort de ne pas se rendre aux urnes malgré le poids des préjugés « citoyennistes », quand on ne se résout pas à participer au renouvellement d’un système inique, quand on ne veut pas perdre sa voix en l’abandonnant à un autre, on serait mis au ban de la société ?
« Anarchistes ! », criez-vous. Certes, merci. Vous l’êtes pourtant presque tout autant…
Prenons n’importe quel scrutin ; par exemple – au hasard –, les élections régionales.
Combien avons-nous de listes en présence ? Mettons une dizaine chez nous 1. Le « votard » que vous êtes (puisque ce texte s’adresse à ceux-là) en rejettera neuf, quand nous autres, anarchistes, rejetterons la totalité, soit les dix. Eh bien, vous voyez, nous partageons déjà tant : 90 % d’options communes, très exactement !
Comparons maintenant votre choix avec celui d’un autre honnête citoyen, qui n’aurait pas abdiqué pour le même camp : vous tombez à seulement 80 % d’intérêts partagés !
Ce qui est intéressant à constater, c’est que, quel que soit le nombre de factions en compétition, ces chiffres tendent invariablement à vous rapprocher de la graine d’anar. Ou bien les listes de candidats sont démultipliées, vous poussant ainsi vers une symbiose quasi parfaite avec nos positions abstentionnistes – ladite « perfection » étant atteinte lorsque le nombre de candidats égale celui des inscrits. Ou bien le choix se réduisant jusqu’au manichéisme, vous vous retrouvez à n’avoir plus rien (c’est-à-dire zéro, nada, que dalle) à partager avec l’honnête citoyen optant pour la position inverse – ce qui est à comparer avec les 50 % d’attraction commune avec les libertaires.
Étonnant, non ? Multiplier les alternatives, l’anarchie est proche ! Au contraire, ne laissez plus de choix, l’anarchie s’impose comme une évidence ! Pour démocratiques qu’ils voudraient être, le consensus est trahi par le processus !
Bref, vous êtes bien plus près, quoi que vous fassiez, de l’homo anarchis que de l’homo avilis : sur la bonne pente de la révolution ! Les quelques gênes que vous intériorisez encore courent à leur extinction, mais cela ne doit pas vous affoler : tout comme d’appendice, on se passe très bien d’une morale bourgeoise ou d’un État !
Oh, bien sûr, ce raisonnement a quelques lacunes… Mais pour peu que l’on regarde autour de soi les résultats éclairants du capitalisme, et que l’on ait en tête l’histoire des communismes et du fascisme, l’envie de renouveler les institutions d’un État, construit historiquement autour de l’idée écœurante d’une identité nationale (l’actualité vous l’aura rappelé), cette envie-là ne devrait pas vous travailler outre mesure.
Aussi ne vous y trompez pas : « contr’un 2 » système, voter ne se résume qu’à choisir une partition, un bout d’une solution qui doit être complète, c’est-à-dire émanant de la volonté de tous, soit encore de chacun.
Reste le plus dur, donc : construire l’anarchisme. Mais puisque vous en êtes déjà…

1. En fait, onze exactement en Aquitaine.
2. Du nom du journal du Drapeau noir Périgord, qui est aussi – et surtout – l’autre nom du  Discours de la servitude volontaire de La Boëtie.