Nantes renoue avec ses traditions

mis en ligne le 21 mars 2002
L'esclavage n'est pas qu'un souvenir, aujourd'hui il est encore d'actualité : on ne peut que constater une visibilité accrue de la prostitution. De plus en plus de prostitué(e)s sont présent(e)s dans différents quartiers nantais. Les « bars à hôtesses », les sex-shops, les sites Internet, etc., se multiplient.

La prostitution, une logique patriarcale...

La prostitution est un miroir grossissant de notre société. Nous sommes tou(te)s concerné(e)s. Sous couvert d'une pseudo libération sexuelle, on assiste plutôt à une mise à disposition du corps des femmes pour les hommes. La marchandisation des corps résulte de la domination masculine. Elle se retrouve aussi bien dans la prostitution, que dans le harcèlement au travail, les violences domestiques, les publicités sexistes, etc.

... et libérale

Dans un contexte de globalisation économique où les marchandises circulent librement d'un bout à l'autre de la planète, des gouvernements et des mafias se servent des femmes et en font de vulgaires objets de transaction. Profitant de la misère économique et sociale, de l'exploitation des classes les plus défavorisées (femmes sans papiers notamment) les hommes disposent des femmes, mais aussi maintenant d'enfants et d'autres hommes en toute légitimité.

Les prostitué(e)s sont des objets de transaction aux mains de différents acteurs. Sans client, il n'y aurait pas de prostitution. Du fait de l'éducation sexiste et de la construction masculine de la sexualité, tout homme est un client potentiel. Les clients sont de tout âge et de toute condition sociale. Moyennant argent, et l'anonymat qui va avec, les hommes assouvissent leur soif de domination et de pouvoir. Quant aux gouvernements, mafias, proxénètes, ils en tirent un bénéfice financier immense en relayant la demande des clients, en rançonnant les prostitué(e)s, en prélevant des impôts, etc.

Se vendre : un non-choix

On n'arrive pas à la prostitution par hasard. Qu'elles soient vendues par leur famille, soumises au diktat d'un proxénète (à qui elles doivent une fortune et qui garde leurs papiers), ou bien qu'elles se prostituent pour survivre, les femmes sont des victimes. Réagissons. La prostitution est un des vecteurs de la domination physique, économique, psychologique, des hommes sur les femmes. Ni le puritanisme ni les maisons closes ne contribueront à l'émancipation des êtres humains. Seule l'autonomie et l'indépendance des femmes, une remise en cause du pouvoir des hommes et de toutes les violences qu'ils exercent contre les femmes, une véritable éducation sexuelle et de manière générale une éducation non sexiste, peuvent faire disparaître la prostitution.

Quelques idées reçues

Le plus vieux métier du monde Faux. L'apparition de la prostitution est liée à l'urbanisation massive et à la société marchande. Parler de plus vieux métier du monde revient à dire que c'est comme ça, qu'on n'y peut rien changer. Cela permet de ne pas se remettre en cause, de ne pas questionner la sexualité masculine. En outre en stigmatisant les prostitué(e)s, on oublie que sans client, sans proxénète et sans État (les principaux bénéficiaires) la prostitution n'existerait pas.

Prostitution = moins de viols

Faux. Des études récentes sur les violences contre les femmes, en France, contredisent complètement cette idée reçue en annonçant des chiffres terrifiants : plus de 2 millions de femmes victimes d'agression ; chaque année, 70 % des viols ont lieu dans le cadre familial. Pourquoi les hommes payeraient-ils, alors qu'on leur apprend, dès le plus jeune âge, que les femmes sont là pour satisfaire toutes leurs volontés, pour subir leur domination.

Sexualité irrépressible des hommes

Faux. Avant cet argument légitimait aussi les viols. La sexualité masculine est empreinte d'une construction culturelle et sociale qui assimile désir-plaisir à pouvoir et domination. Arrêtons l'hypocrisie : clients = prostituants. Pourquoi nombre de personnes bien respectables (et parmi elles des personnalités politiques ou intellectuelles) se croient-elles autorisées à demander la réouverture des maisons closes et/ou la création d'un statut « professionnel » à accorder aux prostitué(e)s (le tout bien sûr au nom de l'hygiène publique voire de l'égalité économique) ?

Parce qu'ils s'identifient aux clients en toute sérénité, parce que le jeu médiatique qui prévaut est celui du silence et du faire-semblant : on fait comme si le libre arbitre existait, et que tout naturellement des personnes faisaient le choix de se vendre. On fait comme si certaines personnes pouvaient à la demande vendre leurs corps sans que leur indépendance, leur intégrité soient atteintes (alors qu'on reconnaît que les harcèlements, moral et/ou sexuel sont extrêmement destructeurs). On fait comme si une situation d'égalité était possible entre prostitué(e)s, victimes de toutes les violences, et acheteurs.

Souteneurs et clients

On admet qu'acheter une personne est un acte sans conséquence pour la personne prostituée, qui n'aurait éventuellement à souffrir que d'affreux souteneurs. Ceux-ci sont bien visualisés dans l'imaginaire collectif (à juste titre) comme des crapules membres du petit ou grand banditisme, et on les distingue sans souci des braves clients occasionnels :
ils pratiquent une activité criminelle quand les clients se distraient juste un moment, après une journée stressante ;
ils se cachent un minimum des autorités quand les clients garent tranquillement leurs voitures entre passant(e)s et policiers, avant de demander combien coûte une personne ;
ils frappent, droguent, menacent les proches, volent les papiers ; quand les clients savent dire bonjour et bonsoir, et ne doivent rien à personne car ils paient.

Les souteneurs violent... les clients aussi ! La prostitution en soi est viol


Collectif anti-prostitution, Nantes