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Dans un sale État
par GROUPES CORSES DE LA FÉDÉRATION ANARCHISTE le 18 décembre 2023

EN CORSE COMME AILLEURS...

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LA PRISE DE POUVOIR SERA CONTRAIRE A L’ÉMANCIPATION





« Pour un peu de pouvoir, on perd la lutte »


Nous arrivons à la disparition silencieuse du peuple corse sur sa terre, l’extinction d’une grande culture paysanne et pastorale, la fin d’une belle langue. Si vous faîtes comme nous le constat des limites de la lutte du peuple corse. Si l’on reconnaît la nécessité d’un engagement qui ne sacrifie plus au profit d’une minorité l’émancipation
collective.
Il faut œuvrer pour que ce long parcours de lutte ne se conclue pas avec autant d’efforts perdus. Ne pas rééditer les mêmes errements.
Il est impératif d’établir un projet de socialisme libre et original en s’appuyant sur la tradition de l’entraide, l’aiutu. Il faut redonner de l’espoir. N’hésitez pas à faire circuler ce texte.


En 1984, les partisans de la lutte de libération nationale s’invitent à l’assemblée de Corse en passant la barre des 5%, l’euphorie était grandiose. En appui, tout juste en retrait le FLNC est présent dans la lutte armée.

En 2014, les clandestins déposent les armes, les nationalistes, autonomistes et indépendantistes progressent dans l’assemblée de Corse et les mairies. Aujourd’hui nous en sommes au troisième mandat avec un énorme score de 68%, la majorité absolue pour les autonomistes.

Plus le résultat s’amplifie dans les urnes plus les objectifs diminuent de force. Les manettes du pouvoir local, même s’il est limité, sont aux mains du nationalisme autonomiste qui se voit enclin à des attitudes parfois clientélaires. A l’adresse du pouvoir central le verbe devient quelque peu menaçant incidemment mais sans aucune intention de le malmener sérieusement. Si cela n’était pas vrai l’autonomisme s’appuierait de temps à autre sur la rue. Cela aurait pu être le cas pour la libération des prisonniers politiques, surtout de ceux encore incarcérés alors qu’ils avaient terminé leur peine ou pour la défense des droits de succession alors que l’État s’apprête à spolier comme partout les particuliers. C’est la rue spontanément qui n’a pas supporté l’assassinat d’Yvan Colonna en prison. Le pouvoir autonomiste a emboîté le pas aux émeutiers et c’est ainsi que la macronie a proposé pour calmer les enragés un processus pour une vraie autonomie.

Et c’est ainsi qu’une nouvelle fois on a endormi le peuple avec un processus qui peine à avancer, que les places sont certainement déjà bonnes à prendre dans l’appareil de gouvernance et que bien assis, la rage ne vient plus.




« A peuple nié, l’autonomie reste un conte »
Il en résulte que le socle identitaire s’effrite à la vitesse grand V, la langue corse qui paraissait bien vivante est agonisante. La terre corse est vendue sans frein, pas pour faire de l’agriculture, pas pour élever des arbres mais élever des résidences secondaires et des logements de tout type. Les zones commerciales se multiplient parce que leurs promoteurs sont assurés de la poursuite prévue de la colonisation de peuplement sans précédent. La Corse est la région qui reçoit chaque année le plus de nouveaux habitants.

Toutes les clés de l’économie corse sont dans les mains du Consortium, douze familles corses réunies pour dominer encore plus l’économie corse avec l’aide de la collectivité territoriale et de l’État. La Corse pour n’avoir aucun espoir de s’échapper est condamnée avec détermination par le capitalisme local et européen à demeurer avec sa bourgeoisie compradore une zone de consommation et de tourisme où l’on vient pour se dépayser consommer les produits que l’on a déjà toute l’année ailleurs.

L’emprise de l’économie capitaliste sur le politique est si forte partout et bien sûr nouvellement en Corse que les élus se résignent en silence à une impuissance de fond. Il faut d’abord saisir les mécanismes avant de juger untel ou untel, parce que demain qui se chargera de les remplacer fera dire à son tour, en cœur comme toujours, tous des vendus, tous des incapables.

L’effort véritable c’est de changer le système, pas de chercher sans succès de meilleurs représentants qui ne pourront qu’agir dans les limites ficelées.
La relance de la lutte de libération nationale doit enfin être lucide sur les intérêts de classe divergents que le meilleur des patriotismes ne pourra résoudre.

L’État gonfle intentionnellement la démarche capitalistique pour mieux écraser le peuple corse, réduit à néant sur sa terre, avec des lambeaux d’agriculture, une langue sans interlocuteurs, des constructions partout, le plan colonial le plus abouti. L’État aide sans effet d’annonce la bourgeoisie locale à réaliser un plan de développement global excluant le peuple corse.

L’opposition n’est plus seulement entre le peuple corse et l’État, mais va se cristalliser au sein même de la société corse à travers l’ensemble des choix d’infrastructure et les orientations politico-économiques dont le consortium est la pointe avancée. L’État n’est plus seul à la manœuvre, avec son soutien logistique la grande bourgeoisie corse accélère tous les

processus de minorisation et de liquidation du peuple corse afin d’optimiser au maximum, dans une Corse ne sachant plus comment faire pour rester elle-même les conditions de rémunération de ses investissements capitalistiques.
Le désenchantement dans le monde nationaliste corse qui a soutenu cette démarche de prise du pouvoir est sans précédent. Plus le temps avance, plus la Corse recule et plus l’état de grâce faiblit. Un bon nombre de déçus se sont déjà rassemblés autour du groupe Core in Fronte indépendantiste, qui siège à l’assemblée de Corse depuis les dernières élections régionales. Le 15 octobre dernier à Corté plus de 400 personnes motivées se sont réunies pour lancer un nouveau parti nationaliste dans le giron du FLNC.

A première vue, rien ne permet de penser que des enseignements ont été tirés des épisodes écoulés, en particulier en
rapport avec l’impasse autonomiste égarant l’autodétermination dans les allées sans issue d’un pouvoir régional soumis à la volonté jacobine de l’État français.

Le préambule des statuts du Syndicat des Travailleurs Corses adoptés à son deuxième congrès de 1988 déclarait : « Le STC s’est affirmé comme une force capable d’organiser les travailleurs dans la perspective d’une nouvelle organisation économique et sociale ».

Trente-cinq ans plus tard, le STC premier syndicat en Corse a fait un long parcours de défense des intérêts de la classe ouvrière. Il doit s’évertuer dans le cadre de la lutte de libération nationale au milieu duquel il s’est construit de définir LA LIBÉRATION SOCIALE qu’il propose depuis sa création le Ier Mai 1984. Ainsi le peuple corse au travers de toutes ses organisations de lutte progressera dans la définition d’un socialisme original, de coopération et de mutuellisme avancé dès le début du syndicat.

PROPOSER UNE ORIENTATION ANARCHISTE

Il reste aux anarchistes corses et aux individus de sensibilité libertaire qui ont alimenté sans concertation mais avec leur cœur et leur ressenti la lutte de libération nationale depuis des décennies d’apporter une lecture anarchiste de la situation et de proposer des objectifs pour cette lutte qui même si elle est mal en point est loin d’être morte. Il se déroule en Corse un processus révolutionnaire, démarré peu après 68 et qui n’est pas terminé. N’en déplaise à l’État qui a misé sur la carte de la colonisation de peuplement pour noyer démographiquement le peuple corse et sur la carte des affaires si bien qu’il se refuse à prendre sérieusement – comme toujours – le dossier de la voyoucratie aisée pour mieux régner au moment voulu.

Sous sa forme monarchiste il a envahi la Corse en 1768, baignant son indépendance dans le sang de milliers et milliers de résistants, détruisant par la violence la première constitution républicaine des temps modernes avec ses délégués des pièves se réunissant dans des cunsultes délibératives. Les hommes naissaient déjà libres et égaux en droits en Corse, les veuves y avaient le droit de vote comme nulle part ailleurs mais le vol de la Corse s’est complété en plus par l’effacement républicain français de son Histoire. La République a continué le travail de la monarchie en continuant de combattre la résistance à ses troupes et la guérilla durera un demi-siècle. Alors que Pascal Paoli n’est pas ignoré dans l’Histoire de l’Angleterre ni dans celle des États-Unis d’Amérique qui s’est inspiré de son œuvre pour rédiger sa constitution, il n’y a toujours nul mot sur lui et l’indépendance corse dans l’Histoire officielle de la France !

Il ne faut plus tergiverser et, contre l’avis de l’État, il faut imposer pour l’île un statut de résident et un code des investissements pour tenter d’enrayer la spéculation et empêcher notre disparition comme peuple historique. Les anarchistes choisissent devant les errements inévitables du présent de s’organiser en tant que tels. Le fait qu’une minorité fasse de l’exercice de quelque pouvoir son privilège détermine le fait que le pouvoir devient toujours abus et qu’en conséquence nous sommes anarchistes.

Les anarchistes restent partie prenante de cette lutte d’émancipation sociale et politique mais veulent faire reconnaître le fait historique toujours répété que toutes les prises de pouvoir, en tout temps et en tout lieu ont été destructrices de toute émancipation collective. L’État protège la classe aisée ou la recrée et confisque la capacité de décision aux organismes de base comme le fit le parti communiste dès le début de la révolution russe pour anéantir « TOUT LE POUVOIR AUX SOVIETS » au profit de tout le pouvoir au parti communiste. Chacun connait la suite stalinienne bourreau de la révolution.

Les anarchistes eux-mêmes sont bien placés pour savoir comment on peut contribuer à perdre une révolution anarchiste préparée pendant un siècle. C’est en Espagne avec le syndicat CNT fort de deux millions d’adhérents que va avoir lieu en 1936 la révolution sociale la plus importante. Orwell raconte la force donnée par le peuple en armes organisé dans des milices formées de volontaires et l’organisation de colonnes pour le front impulsant le socialisme libertaire en Aragon. C’était aller au front pas pour défendre la république mais défendre et élargir la révolution. Les anarchistes ont été conciliants, ils ont pris cinq postes de ministres. Contre l’avis de leurs miliciens ils les ont laissé être militarisés, les colonnes ne dépendaient plus de l’auto-organisation révolutionnaire mais du ministère. La révolution continuera jusqu’à la défaite militaire de 1939 mais la composition avec l’État ne lui sera pas profitable, la bureaucratie s’installait à l’arrière.

L’enseignement tiré à postériori par les anarchistes sera de dire, s’il y a une vacance du pouvoir ou que l’État vacille il ne faut surtout pas l’aider à se relever mais le remplacer aussitôt par une organisation sociale et sociétale fédéraliste.

Pour aller vers la réussite de toute lutte de libération sociale et nationale il faut mettre en avant le principe incontournable de la redistribution du pouvoir à tous les échelons de la territorialité et du monde du travail, une redéfinition s’impose pour les forces révolutionnaires, il faut partager le pouvoir pour que sa déconcentration en finisse avec sa nocivité.

La prise de pouvoir et, pire, sa concentration sont la mort de toutes les révolutions populaires qui vont profiter à leurs récupérateurs marxistes autoritaires ou bourgeois nationalistes. On prépare dès aujourd’hui cette division du peuple en attribuant des payes mirobolantes que rien ne justifie, par exemple pour les membres de la hiérarchie d’organismes s’occupant de l’aide à domicile alors que le personnel de base avoisine la précarité. Oui ici comme ailleurs le pouvoir pour s’exercer graisse la patte d’une coterie de serviteurs qui vont participer à l’émergence d’une classe dominante et de son appareil protecteur.

Le clanisme chassé par la porte revient par la fenêtre, comment peut-il en aller autrement d’une petite population prise dans des réseaux familiaux et de solidarité ? Pour parer à cette source de l’inégalité génératrice de conflits et de divisions il faut être intransigeant sur la transparence qui préside à l’attribution des marchés publics en toute équité, administrer dès aujourd’hui pour bloquer les dérives spéculatives, aider prioritairement à l’émergence d’une économie autogérée s’appuyant sur les principes de l’entraide, en Corse l’aiutu, et de la coopération mutuelle.


LE FÉDÉRALISME SANS L’ÉTAT

La base d’une société libre c’est l’individu reconnu dans ses droits et responsable individuellement de ses actes. L’individualisme engendré par le monde présent ne peut satisfaire le socialisme libertaire. L’individu dans ses activités partagées socialement doit échapper, et au plus vite, au seul rapport d’argent. Le recours à l’aiutu doit être cultivé.

En finir avec cette fausse approche de notre devenir, parce que nous serions, nous les corses, comme des frères et sœurs nous échapperions aux problèmes engendrés par la division de la société en classes ! Ce sentiment diffus dans le mouvement national corse depuis toujours a contribué par notre aveuglement de confiance béate à nous conduire tous de manière irresponsable devant le développement de la bourgeoisie. Il y a eu les plus nombreux qui ont cru à cette fratellanza originelle ou voulu y croire et les autres conscients des risques d’une impossible émancipation collective en présence inévitable d’appétits financiers disproportionnés mais qui sont demeurés silencieux le plus souvent pour ne pas entamer la belle illusion de cette fraternité.

Les corses, comme pratiquement tous les individus de cette planète, nous sommes enclins au profit et au pouvoir. Il faut donc pour protéger le projet révolutionnaire que devra engendrer l’autodétermination, adopter des principes égalitaires permis par une organisation fédéraliste. Les mandats seront sans délégation de pouvoir, pas comme dans les démocraties libérales où l’on établit depuis qu’elles existent des chèques en blanc. Leur système est autoritaire même s’il reste préférable aux dictatures. Les délégués d’un système fédéraliste doivent avoir un mandat défini avec le droit pour ceux qui les ont choisi de les révoquer et de les remplacer, ou pas, sans attendre la fin de leur mandat.

DE LA FORMATION

Le projet corse de transformation sociale doit pour donner de l’espoir, redynamiser cette fibre de la révolte paysanne qui recule actuellement, aller vers une société paisana ugualitaria, le peuple uni ne peut l’être réellement que sans classe. Le mouvement anarchiste a été présent dans toutes les révolutions, partout et des fois de façon déterminante politiquement mais vaincu militairement. Les historiens objectifs se l’accordent, ce mouvement a toujours eu les mains propres dans l’Histoire et quand il a eu recours à la violence cela ne s’est pas fait de façon aveugle. Une cause juste se doit d’employer des moyens justes.

Le légendaire Makhno avec ses milliers de partisans anarchistes en Ukraine ont sauvé la révolution russe des attaques des armées blanches et qui après ce service inestimable ont été remercié par les bolchéviks par leur liquidation et l’assassinat d’une partie de l’état-major makhnoviste anarchiste invité à ce qui n’était qu’un guet-apens. Lui-même Makhno déguisé en femme alors qu’il s’apprêtait à lancer une bombe sur un état-major ennemi réuni s’aperçoit de la présence de femmes et d’enfants et s’abstient de la lancer.

L’acte pour être révolutionnaire, honnêtement révolutionnaire se doit d’être conforme aux codes non écrits du droit naturel de protection des innocents et des civils, de la vie en général. Les lois reconnues d’instinct ont plus de force morale que les lois écrites qui l’ont été souvent pour satisfaire aux intérêts des puissants.


Cela pour dire que la lutte doit nécessairement avancer de pair avec la formation intellectuelle des militants. Un combat ne peut réussir avec des zucche (des courges). Ce point n’est pas secondaire, il est fondamental. Il faut par l’expérience et les connaissances engrangées par des militants chevronnés transmettre les connaissances aux nouveaux dans la lutte. Lire pour mieux connaître l’Histoire, la nôtre, et en particulier celle des mouvements porteurs dans les révolutions, des travaux théoriques qui ont permis de construire des programmes d’action qui font défaut dans tous les mouvements de ces dernières années, partout. La seule spontanéité porte le plus souvent à de simples jacqueries sans lendemain, le plus décevant a été le grand mouvement des gilets jaunes que le confinement a enterré quelque peu.

En Corse comme ailleurs la formation passe par la transmission mais aussi beaucoup par la lecture individuelle et l’échange dans des groupes de réflexion. Des militants doivent être en mesure d’expliquer leur combat. C’est en répandant les idées que l’on avance et l’action doit concrétiser les idées traduites dans un programme. Google ne présente pas cette vieille recette mais à notre connaissance il n’en existe pas d’autre pour tenter une transformation sociale et politique.

Donner le réflexe de lire, présenter l’intérêt de la connaissance au travers de la lecture est loin d’être superflu car au train où va l’évolution technique le temps de réflexion sur un texte disparaîtra. Les utilisations numériques sont bientôt sans partage, et ainsi l’univers du contrôle total dévorera nos libertés jusqu’à notre humanité. Le livre doit être en Corse comme ailleurs un rempart et une arme contre l’oppression qui se met en place insidieusement avec force gadgets. Mais où donc s’est confiné la Commission Nationale Informatique et Libertés ?


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Adresse mail : federazioneanarchistacorsica@gmail.com
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