Visite éclair de Mariano Rajoy à Paris

mis en ligne le 11 décembre 2014
La semaine dernière le chef du gouvernement espagnol rendait visite à François Hollande dans le cadre du 24e sommet franco-espagnol. Il n’était pas venu seul mais accompagné d’une armada (invincible ?) de sept de ses ministres : Économie, Industrie, Développement, Emploi, Justice, Intérieur, Éducation. Plus un Secrétaire d’État pour l’Union européenne. Rien que ça.
C’est que l’heure est grave et c’est une heure qui dure depuis des années en Espagne comme en France. Là-bas comme ici le mot d’ordre est : place à la relance économique. Il était donc question à ce sommet de relancer la croissance et notamment des interconnexions énergétiques des deux pays. Pourquoi maintenant ? C’est que l’Europe a un petit magot à partager : le « plan Junker » (du nom du président de la Commission européenne) prévoit une répartition de 315 milliards d’euros dans le cadre du financement européen.
Les nations « nécessiteuses » jouent des coudes pour obtenir une part du gâteau, et Rajoy comme Hollande ne sont pas les derniers à être intéressés. Ils s’étaient déjà rencontrés en mai 2013 à l’invitation de l’Institut Berggruen, ce Think Tank qui compte parmi ses membres des « bienfaiteurs de l’humanité » comme Tony Blair, Gherard Shroëder, Felipe Gonzalez, Romano Prodi, Jacques Delors et autres ex-dirigeants recyclés dans les conférences hautement rémunérées. On espère qu’ils ont tiré de riches enseignements pour combattre la crise, le but de l’Institut Berggruen étant de « comparer et concevoir des systèmes de gouvernance adaptés aux défis complexes spécifiques du XXIe siècle ». Si avec ça on ne s’en sort pas, c’est à désespérer du capitalisme !
Quant aux relations entre l’Espagne et la France elles sont au beau fixe. Rajoy (politicien de droite) et Hollande (politicien de gauche) parlent la même novlangue : « Il faut mettre en œuvre rapidement le “ plan Junker” pour parvenir à une véritable politique européenne d’investissements productifs. » Et Rajoy d’insister : « Jamais, dans aucun conseil de l’Union européenne, je n’ai eu l’impression que l’Espagne ait eu une attitude différente de la France en matière de flexibilité pour réduire le déficit. »
Peut-être est-il venu donner quelques conseils à son ami François quant à la gouvernance d’un pays, car il s’est dit « très satisfait de son gouvernement ». Pour la première fois depuis son accession au pouvoir le nombre de chômeurs a diminué de près de 15 000 outre-Pyrénées. Soit dit en passant, le chômage atteint quand même plus de 25 % là-bas. C’est ce que sont venus lui rappeler certains jeunes Espagnols faisant partie de la dernière vague d’immigrés économiques résidant à Paris.
Cet exil économique forcé (leur slogan : « Nous ne partons pas, ils nous virent ») se regroupe par le biais du mouvement Marea granate (Marée grenat, couleur de leur passeport). Encerclés et gardés à distance pendant près de deux heures, avant d’être relâchés un par un après contrôle d’identité, ce « comité d’accueil » s’était organisé pour « saluer » Mariano Rajoy au moment de sa sortie : « Voleur ! Corrompu ! Reste ici et ne reviens pas en Espagne, À toi d’émigrer. » On comprend mieux le sourire crispé de Rajoy au moment de monter dans son véhicule officiel et de s’éclipser, quelque peu surpris par ce comportement de ses compatriotes (les ingrats !).