Anarchiste et féministe, toujours !

mis en ligne le 19 juin 2014
1745FeminismeDepuis les années 1990, la Fédération anarchiste intervient de façon assez régulière dans le champ des luttes féministes. Plusieurs brochures ont été publiées sur le sujet.
En 1992, lors de la Rencontre internationale anarcha-féministe à Paris, les féministes anarchistes réaffirmèrent leur combat, y compris dans le mouvement libertaire, et la nécessité de repenser le rapport au politique, de féminiser le mouvement libertaire et d’anarchiser les pratiques féministes.
En 2012, lors des Rencontres internationales de l’anarchisme de Saint-Imier (Suisse), des espaces de réflexions anarcha-féministes ont été systématiquement proposés et organisés. Des services de sérénité et des « safer space » ont également été expérimentés en vue de gérer les possibles situations de violence.
Si nous devons noter une progression positive de la prise en compte de ces thématiques par le mouvement anarchiste en général, ces expérimentations sont à poursuivre et à améliorer pour devenir une évidence, dans nos pratiques et nos mentalités. Par exemple, des attitudes virilistes lors des manifestations libertaires doivent être interrogées en vue de leur disparition. Le mouvement féministe, fort de sa capacité d’innovation face à l’adversité, a su développer une grande diversité de pratiques ; dérision, mise en scène, détournement, provocation, autodéfense, qui ne peuvent qu’enrichir notre militantisme.
Notre investissement politique se manifeste aussi au sein des organisations syndicales et associatives et nous y portons des analyses et des pratiques libertaires. Nous pouvons agir au sein de collectifs féministes larges, pour la défense de l’avortement par exemple ou contre le publisexisme. Nous dénonçons également le rôle et l’influence de toutes les religions, qui maintiennent et justifient l’oppression patriarcale et les violences sexistes.
Dans tous les cas, nous dénonçons aussi la croyance que l’État serait un instrument neutre. Si nous saluons les lois « progressistes » en termes d’égalité des droits, nous ne nous satisfaisons pas de cet état de fait.
L’exploitation et la violence au travail, dans la rue, au domicile sont le résultat d’une pression sociale, de fonctionnements patriarcaux, de discriminations sexistes, homophobes et transphobes. Il s’agit donc bien « d’anarchiser les pratiques féministes » tout en luttant au sein et/ou aux côtés des collectifs.
Nous affirmons notre engagement anarchiste, antipatriarcal et féministe dans les luttes :
– Contre les violences, dont la culture du viol. L’écoute de la parole des victimes est fondamentale.
– Contre le masculinisme.
– Pour le droit à l’avortement et l’accès à la contraception, libres et gratuits.
– Pour une société sans prostitution, sans prohibition ni répression, sans esclavage ni trafic d’êtres humains.
– Contre l’ordre moral et le puritanisme.
– Contre toutes les inégalités et les discriminations (origines ethniques, handicap…).
– Pour l’intersectionnalité des luttes.
Sur cette base et en lien avec notre fédéralisme libertaire et la diversité de nos tactiques, nous sommes en capacité d’évoluer sur les questions portées par les luttes féministes.
Un monde sans dominations est possible. À nous de le faire vivre.


Motion adoptée lors du 72e congrès réuni à Saint-Imier les 7, 8 et 9 juin 2014.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Degmi

le 30 juin 2014
"Pour une société sans prostitution" dites-vous!
Vous voulez donc un monde sans domination mais en même temps, vous voulez que l’État utilise son insupportable "monopole de la violence" pour interdire aux femmes d'utiliser leur corps librement. L'anarchisme en vérité ne peut s’accommoder de cette forme puritaine du féminisme puisqu'elle suppose le contrôle des corps par l’État.
A minima, prenez en compte l'existence d'un autre féminisme. Un féminisme qui demande l'égalité entre homme et femme et la liberté pour tous de disposer de son corps. Envisagez qu'un libertaire véritable puisse refuser l'idée que les femmes sont des êtres faibles, des mineures qui ne demandent qu'à être protégés contre les hommes, contre le monde, protégés par l’État, ses juges et sa police.