Le système prostitutionnel

mis en ligne le 4 avril 2013
Voici une aide bienvenue à la réflexion sur la « liberté », argument souvent invoqué : je suis libre de me prostituer, je suis libre de porter le voile, etc. Un choix, la prostitution ? Un choix, rester à la maison pour faire le ménage, la cuisine ? S’occuper des enfants, c’est noble, non ? Est-ce vraiment de liberté qu’il s’agit, et non pas plutôt d’aliénation, de violence contrainte ? N’oublions jamais que le « choix » de se prostituer ne concerne qu’une toute petite frange des personnes prostituées.
Il ne s’agit pas de stigmatiser les personnes prostituées, mais au contraire d’être solidaires de leurs luttes, ce qui n’est pas en contradiction avec le refus de la prostitution, qui est un système aux enjeux économiques énormes. C’est un débouché pour le système capitaliste mafieux, qui rapporte des sommes considérables, avec beaucoup moins de risques que la drogue par exemple.

Le patriarcat
Quelles que soient les contrées, la femme n’est jamais l’égal de l’homme. Une valeur différente est attribuée à chacun des deux sexes. La femme a souvent servi de monnaie d’échange.
« Le patriarcat régit notre sexualité avec l’exploitation marchande du sexe et du corps dans un continuum de violences sociales pour le maintenir. Tout est imbriqué : viol, harcèlement sexuel, mariage, objectification dans la pornographie, usage rémunéré du corps, esclavage sexuel, prostitution, inégalité économique… »
Qui se prostitue ? La majeure partie des personnes prostituées y sont contraintes : nécessité économique ou violences physiques. À noter que, dans 50 à 80 % des cas, elles ont subi des violences sexuelles dans leur enfance. Et que les proxénètes, organisés en réseau en général, en sont les plus grands bénéficiaires.
Des camps de dressage existent qui mettent au pas les récalcitrantes (j’emploie le féminin, car les femmes sont en première ligne). L’Asie, l’Afrique, l’Europe de l’Est sont aujourd’hui les grandes pourvoyeuses des réseaux : on ne peut donc ignorer le lien direct entre pauvreté et prostitution.
« Le développement industriel du commerce du sexe a débuté il y a quarante ans dans les pays du Sud-Est asiatique, avec la guerre du Vietnam, pour l’armée américaine. Il a atteint, depuis une dizaine d’années, les pays de l’Est avec la guerre en Bosnie-Herzégovine, pour l’armée de l’Otan. Les infrastructures prostitutionnelles ont servi ensuite pour le tourisme sexuel encouragé par le Pentagone qui a alloué des fonds, le FMI et la Banque mondiale favorisant ces industries de “divertissement”. Et, en 1990, on considérait que 33 millions de personnes (enfants et adultes) étaient prostituées en Asie du Sud-Est. »
La prostitution venant d’Afrique est assez différente, plutôt familiale qu’en réseaux mafieux, « sans culpabilité ni remords, pour le bien des enfants » : ce qui donne à réfléchir sur l’état actuel de la misère africaine.

Nous voulons être libres, mais de quoi ?
Les arguments défendant le système prostitutionnel sont repris par des femmes (et des hommes) : libre choix, travail comme un autre, etc. Cette fiction conforte les profiteurs du système.
« Se prostituer est-il un travail comme les autres ? Le client est-il un amant comme les autres ? La relation sexuelle peut-elle vraiment être comparée à une transaction commerciale comme une autre ? Peut-on imaginer faire une formation, obtenir un diplôme Bac + 2 dans la prostitution ? […] Pensons-nous proposer ce choix professionnel à nos enfants ? »
Séduction, pornographie, prostitution : triangle d’enfer de la libération des femmes !
Les auteurs passent en revue différentes politiques législatives européennes. Au final, on voit clairement que la reconnaissance de la prostitution entraîne son accroissement ; à l’inverse, son interdiction (avec une longue politique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, et une répression des clients considérés comme des délinquants passibles de peine de prison) amène une très forte diminution des prostitueurs (-80 %) et des prostituées (-50 %).
Le commerce d’êtres humains n’est pas un échange marchand comme un autre ; il banalise l’idée du corps féminin à disposition des désirs masculins et entraîne un niveau de violence élevé pour les personnes prostituées, mais pas seulement : ce sont toutes les femmes qui, au final, sont concernées.
Écoutons Geneviève Fraisse : « Je refuse le débat qui occupe certaines féministes de savoir si c’est un bon ou un mauvais consentement de se prostituer, de porter le foulard, etc. Mais le consentement est-il un argument politique ? Est-ce que je peux faire le monde de demain avec l’argument du consentement individuel ? En ce sens, je pose la question du politique, et pas seulement celle de l’addition des libres choix. […] Le consentement des dominés est-il un argument politique ? »
Les auteurs le confirment : « Loin de nous l’idée de ne pas “disposer librement de notre corps”, mais la vraie liberté ne peut se vivre que dans l’égalité, et la vraie égalité, c’est la gratuité ! […] Le système prostitutionnel est fondé sur des principes d’inégalités sociales et de domination patriarcale. Il trouve ses racines dans une inégalité à plusieurs facettes, notamment celle de classe, mais aussi celle liée aux origines et celle de sexe. »

Solange