On nous cache tout, on nous dit rien

mis en ligne le 17 octobre 2012
1685GastonOu du moins pas grand-chose. La presse dite « grande » a une fâcheuse tendance, depuis cet été, à minimiser les mouvements de protestation contre les mesures antisociales qui ont lieu dans l’Europe du Sud, sauf quand il y a des reportages d’émeutes bien saignantes à nous montrer. C’est évidemment plus vendeur que d’expliquer pourquoi ces mouvements ont lieu et quelles en sont les causes. On nous dit que cette Europe du Sud va mal ; nous nous en doutions un peu (la France en fait-elle, ou va-t-elle en faire partie ?), mais ce sur quoi nos médias évitent d’insister, c’est sur le nombre de grèves et de manifestations qui ont lieu pour s’opposer jour après jour aux diktats de la classe dirigeante. Grèce : nous avons eu surtout droit aux reportages TV montrant le saccage de vitrines de commerces ou de banques. Portugal : rien ou presque, malgré un million de manifestants dans les rues qui ont obtenu le retrait des mesures prévoyant d’alléger les charges patronales et d’augmenter les cotisations sociales des salariés.
Entourée du même silence assourdissant, l’Italie a vu elle aussi se développer les luttes depuis cet été : entre autres, à l’occasion de la fermeture annoncée, en juillet, de l’usine sidérurgique Ilva, qui avait été privatisée dans les années 1990 sur décision (pardon, sur recommandation) de l’Union Européenne. Aussitôt dit, aussitôt occupée, avec grève et manifestations de soutien de la population avoisinante. En Sardaigne, c’est l’annonce de la fermeture des mines de charbon Sulcis qui a mis le feu aux poudres ; mêmes causes, mêmes effets : grève/occupation/manifestations de soutien de la population locale. Toujours en Sardaigne, la fermeture d’Alcoa (fabrique d’aluminium) déclenche manifs et marche sur Rome.
Le signore Fassina, un des dirigeants du Parti démocratique (gauche) soutenant la politique gouvernementale, est proprement « éjecté ». Mesure provisoire : la fermeture est reportée.
Le 19 septembre, ce sont les transports en commun municipaux qui se sont mis en grève : autocars, autobus, métro, vaporetti pour Venise. Tout y est passé, et cela malgré la loi antigrève concernant ce secteur (services publics), loi qui interdit la grève dans les créneaux horaires dits « protégés », correspondant aux déplacements pour le travail : jusqu’à 8 h 30 pour s’y rendre et de 17 h 30 à 20 heures pour en revenir. Si la grève a été largement suivie, aucun accord n’a été signé, par conséquence de quoi les syndicats envisagent une grève nationale pour bloquer tous les services publics, y compris pendant les « horaires protégés ». La Sicile n’est pas mieux lotie, avec le risque de faillite pour cette région dont le président (Raffaele Lombardo) est le mieux payé d’Italie, et où les 90 conseillers régionaux touchent la même indemnité que les députés de l’Assemblée nationale italienne (soyons rassurés, ce type d’égalité ne s’étend pas aux ouvriers !). Bref, autant de luttes en cours ou à venir pour nos camarades anarcho-syndicalistes de l’USI 1, qui fête cette année le centenaire de sa création.
Et en Espagne ? La routine : grèves, rassemblements, manifestations se poursuivent à un rythme quasi quotidien face à la politique ultralibérale du gouvernement Rajoy.
Toujours plus de coupes budgétaires dans le domaine de la santé, de l’éducation, des retraites, toujours plus d’efforts demandés au peuple pour rembourser « la dette ». La seule croissance notable est celle du chômage : 25 % de la population active (soit six millions de sans-emploi), 54 % chez les moins de 25 ans. Les syndicats institutionnels semblent opter pour une stratégie encore plus attentiste que celle de leurs homologues français durant la grève contre la réforme des retraites en 2010.
Le 26 septembre, les travailleurs d’Euzkadi et de Navarre ont répondu à l’appel à la grève général lancé, par les syndicats basques ELA 2 et LAB 3 plus une dizaines d’organisations dont la CNT, la CGT espagnole, Solidaridad Obrera, mais avec l’absence remarquée de l’UGT et des CCOO). Le mouvement a été suivi à 70 % et réprimé assez violemment parfois comme à Ordiña et Vitoria où la police basque (Ertzaintza) s’est défoulée à coups de matraques régionales qui ne sont pas moins douloureuses que celles de l’État central. Devant une situation qui se dégrade de la même façon à travers toute l’Espagne, les adhérents des syndicats d’obédience révolutionnaire (CNT-CGT-SO) n’attendent rien des CCOO et de l’UGT, et appellent d’ores et déjà à des actions dans la rue et sur les lieux de travail. Pour eux, il n’y a rien à négocier avec le gouvernement, mais par contre il y a beaucoup à faire en matière d’organisation avec les forces populaires, véritablement offensives, union, action, autogestion, riposte, autodéfense, horizontalité… Objectif : grève générale le 31 octobre.
En Italie, en Espagne, comme en France, comme partout, il s’agit de rejeter les politiques et les lois qui ne font qu’aggraver le chômage, la précarité et qui interdisent tout partage juste du travail et des richesses. Le choix est donc clair : être acteur ou spectateur, agir ou subir, être libre ou esclave.











1. USI : Unione Sindicale Italiana, créée en 1912 et adhérente à l’AIT.
2. ELA : Eusko Langillen Alkartasuna (Solidarité des travailleurs basques).
3. LAB : Langile Albertzaleen Batzoerdeak (Commission des ouvriers abertzales).



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


julien bézy

le 21 octobre 2012
Je ne vois pas en France la force de revendication comme en Grèce ou l'Espagne.