Quand la prison de Fresnes se moque des lois

mis en ligne le 10 novembre 2011
À l’attention du Monde libertaire.
Par la présente lettre nous voudrions vous informer de la situation que nous vivons à la maison d’arrêt de Fresnes au sujet des fouilles intégrales en violation de nos droits. En fait, cette modalité de fouille consiste à nous déshabiller de tous nos habits face à un surveillant qui fouillera nos vêtements et qui nous demandera de lui montrer nos fesses, les plantes du pieds, les aisselles, la bouche… On passera par cette humiliation presque tous les jours lors de plusieurs situations tout au long de notre détention, concrètement après chaque parloir, dans les fouilles de cellule, à chaque retour du palais de justice ou de l’hôpital et chaque fois qu’un surveillant le considère nécessaire.
Cette pratique qui, par son caractère humiliant, va à l’encontre des droits de l’homme, a été pendant des années mise en question par plusieurs organisations et institution. Et, finalement, le 24 novembre 2009 l’Assemblée nationale les limitera en approuvant la loi n° 2009-1436 qui, dans son article dit 57, dit : « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintient du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n’exerçant pas au sein de l’établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l’autorité judiciaire. »
On pourrait supposer qu’après la mise en place de cette loi, les fouilles se dérouleraient par palpation ou en utilisant des moyens de détection électroniques qui, bien sûr, existent à Fresnes, ou que les fouilles intégrales systématiques seraient annulées et qu’à partir de ce moment-là chaque fouille intégrale serait justifiée par un des préceptes indiqués par la loi, mais non. Malgré le fait que le 22 juin 2011 la direction de la maison d’arrêt ait fait distribuer dans toutes les cellules une « note d’information pour la population pénale » dans laquelle elle nous informait de la mise en place de cette loi, ici rien a changé.
À ce jour, malgré la nouvelle loi en vigueur, les fouilles intégrales, continuent à être systématiques pour tous les détenus et sans exception. Plusieurs détenus ont signalé la situation, nous avons discuté avec les surveillants, gradés et chefs de divisions qui au début étaient confus et qui constataient les contradictions des responsables. D’après ce qu’ils en disent, c’est le chef de la maison d’arrêt qui a ordonné d’ignorer la nouvelle loi et de poursuivre ces pratiques dénigrantes.
Dans plusieurs discutions déclenchées depuis le 22 juin, un des arguments les plus utilisés par les responsables de l’administration pénitentiaire est que lors des parloirs avec nos familles, nous avons un contact avec l’extérieur, donc nous sommes suspects de commettre une infraction. ça veut dire que le fait de profiter de notre droit à communiquer avec nos familles fait directement de nous des suspects.
Pour justifier les fouilles intégrales, pendant les fouilles de cellule par exemple, il n’y a pas d’argumentations et alors ils recourent directement à « la triche », en disant que même le contact avec les surveillants sont des contacts avec l’extérieur. Par contre, on a constaté qu’en application de cette loi, la gendarmerie a supprimé les fouilles à corps lors des extractions au palais de justice.
Nous avons parlé directement avec le chef et la directrice, qui prennent argument d’une contradiction de la loi avec leur devoir de maintien de la sécurité de la prison, ainsi comme des ordres directes des responsables de la direction régionale de l’administration pénitentiaire. Alors, l’administration pénitentiaire devient législateur et décide si la loi est applicable ou non. Et, ils confirment que malgré la loi, ils maintiendront ces pratiques.
Nous constatons une fois de plus que la prison de Fresnes ne respecte pas les droits des détenus et que l’AP ignore même les lois françaises si elles sont contre ses intérêts. Nous constatons que tout cela est commis en totale impunité, encadré dans ce trou noir qu’est la prison.
C’est pour cette raison que nous nous adressons à vous, en tant que collectif proche de la réalité des prisons, pour dénoncer ces faits et pour vous demander de faire ce qui est dans votre pouvoir pour nous aider à changer cette situation qui nous oblige à nous humilier jour après jour.
Avec l’espérance que vous ferez de votre mieux, je vous remercie et vous prie d’agréer mes salutations les plus distingués.

Zorion Salsamendi Abad
MA de Fresnes – Allée des Thuyas
94 261 Fresnes Cedex