Homophobie : le dernier survivant Triangle rose victime des nazis enfin reconnu

mis en ligne le 12 mai 2011
1635BashBackRudolf Brazda, Mulhousien de 97 ans, est le dernier survivant connu au monde des Triangles roses (en allemand : « Rosa Winkel »), ces homosexuels qui ont été déportés par les nazis pour leurs tendances sexuelles. C’est avec beaucoup d’étonnement (!) qu’il s’est vu remettre le titre de chevalier de la Légion d’honneur. Pour rappel, la mémoire de la déportation homosexuelle est assez récente. En France, les Flamands roses ou le Mémorial de la déportation homosexuelle sont des associations qui ont entamé cette dynamique de mémoire. Actuellement c’est principalement l’association Les Oublié(e)s de la mémoire qui œuvre pour la connaissance et la reconnaissance de cette mémoire. Cette association a notamment obtenu en février 2008 qu’une rue de Toulouse porte le nom de Pierre Seel. Il était le seul Français à avoir obtenu le titre de déporté à la suite de la répression de l’homosexualité par le régime nazi en Alsace annexée. À l’heure actuelle, le seul survivant connu de cette déportation est donc Rudolf Brazda. Ce dernier a longtemps pensé que son histoire n’intéresserait personne ! À tel point que Rudolf n’a révélé son expérience qu’il y a trois ans à peine. Jusqu’en 2003, ce couvreur vivait avec son compagnon, Edi, mort cette année-là, dans le plus parfait anonymat. Une vie paisible qu’il revendique aujourd’hui comme un symbole de résistance au nazisme : « Vivre heureux comme je l’ai fait est pour moi un pied de nez à Hitler et sa bande de chiens », a-t-il confié au président de l’association des Oubliés de la Mémoire. Rudolf Brazda est né en 1913 à Brossen, en Allemagne. Huitième enfant d’une famille de mineurs venus de Bohème (Tchéquie), il a vécu tranquillement son homosexualité dans la région de Leipzig, jusqu’à l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933. Mais son orientation sexuelle viole le paragraphe 175 du code pénal allemand, ce qui lui vaut d’être condamné à six mois de prison en 1937 puis d’être expulsé en Tchécoslovaquie. Le IIIe Reich le rattrape dès l’année suivante avec l’annexion de la région germanophone des Sudètes. En 1942, après un long périple carcéral, il est déporté. Il survit, rencontre Fernand, un communiste français avec lequel il se lie et qu’il suivra à la Libération en Alsace. Une région qu’il ne quittera plus et où il rencontre Edi, originaire de l’actuelle Serbie. En 1960, Rudolf, apatride, est naturalisé français mais continue de ne s’exprimer qu’en allemand, sa langue maternelle avec le tchèque : « Si l’on devait revenir aux nazis, il ne faudrait plus que les gens se laissent faire comme cela a été le cas à l’époque. Il faudra se révolter avant qu’il ne soit trop tard », tout à fait conscient de son optimisme quand il prétend qu’avec les avancées de l’Union européenne, « on est aujourd’hui davantage à l’abri ». Un avis que nous ne partageons malheureusement pas : il suffit de lire les brèves et articles consacrés à l’homophobie qui courent malheureusement trop souvent dans nos colonnes pour nous en convaincre !