Retour sur la Tunisie

mis en ligne le 7 avril 2011
1630TunisieLa situation actuelle en Tunisie n’attire plus l’attention de l’actualité qui, toujours très volatile, s’est déplacée vers d’autres lieux placés en tête de ligne des agences de presse. Les croisés soit-disant humanistes et militarisés de l’Occident accourent au chevet du peuple libyen, drapés dans leurs hypocrites résolutions démocratiques et désintéressées, pendant que les Bahreïnis se font discrètement écraser par les armées saoudiennes et émiraties… L’Égypte a voté (et puis après ?), les syriens s’y mettent et en payent le prix fort, et pendant ce temps les Yéménites résistent comme ils peuvent… Alors que se passe-t-il en Tunisie, prés de trois mois après la fuite de Ben Ali ? Sur la désormais fameuse place de la Kasbah, siège du gouvernement tunisien, les manifestants, venus du centre de la Tunisie, d’où est parti le soulèvement de décembre dernier, campaient depuis le 19 février et réclamaient, entre autres, la dissolution de l’ancien parti au pouvoir et de la police politique. Le 25 février, avait lieu les plus importantes manifestations, à Tunis et dans toutes les villes du pays, plus importantes encore que celles du 14 janvier qui précédèrent la chute du régime. Les manifestants exigeaient le départ du Premier ministre, qui était en place depuis onze ans et avait servi Ben Ali avec zèle et application. À l’issue de violents affrontements avec la police, qui firent cinq morts et plusieurs dizaines de blessés, le Premier ministre a été viré, et remplacé par un ancien ministre de Bourguiba, Béji Caïd Essebssi.
Habilement, il a répondu par l’annonce de l’élection en juillet prochain d’une assemblée constituante, après la réforme du code électoral ; la justice tunisienne a prononcé la dissolution du RCD, le parti de Ben Ali ; la police politique a été officiellement dissoute. Malgré ces annonces, la population reste très méfiante, car si effectivement des avancées politiques ont eu lieu, comme la liberté de la presse et d’organisation politique, les tractations en coulisse, l’ingérence étrangère manifestée par la visite de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et la normalisation en cours font craindre un rapide retour à l’ordre et la non-satisfaction des attentes populaires. Partout, dans tous les secteurs, des grèves ont éclaté : les revendications mettent en avant les salaires, les conditions de travail, l’emploi. Dans le secteur touristique, en plein marasme, qui emploie directement près de 300 000 personnes et représente près de 7 % du PIB, les demandes de titularisation des trop nombreux contrats précaires et de hausse salariale sont très fortes. De nombreuses usines sont occupées ; certains patrons étrangers, en majorité français, vont jusqu’au lock-out, ou menacent de délocaliser vers d’autres cieux plus cléments au capital. Parfois, des hausses de salaire sont accordées localement, sans véritables négociations de branche ou catégorielles. En maints endroits, les sections syndicales sont débordée par la base, qui sait que c’est le moment ou jamais pour tenter de faire aboutir les revendications. Le peuple tunisien reste frustré, ses attentes concrètes en matière d’emploi, de salaire et de niveau de vie sont non satisfaites à ce jour. Des allocations, quelques subsides sont lâchés pour tenter de faire taire la grogne sociale. De plus, les vieilles habitudes policières n’ont pas disparu, les victimes de la répression des manifestations n’ont toujours pas obtenu réparation, aucun responsable des assassinats perpétrés par la police n’a à ce jour été inquiété. Ce qui est à craindre, et qui déjà semble se profiler, c’est la confiscation de cet élan révolutionnaire par une fraction de la bourgeoisie, qui s’est débarrassée de la clique de Ben Ali devenue trop gênante et trop gourmande, et qui souhaite au plus vite reprendre ses affaires. La mise en place de la « Haute instance pour la sauvegarde de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique », machin hétéroclite où siègent une centaine de personnalités plus ou moins cooptées et censées donner une feuille de route pour la mise en place de réformes politiques ne doit pas faire illusion : ce jeu politicien ne répondra pas aux aspirations légitimes du peuple. Chaque parti nouvellement autorisé, et ils sont cinquante dans ce cas, entend tirer à lui les bénéfices et se prépare pour la course au pouvoir. On le voit, la révolution reste à faire, et après l’euphorie de la chute du dictateur, le travail sérieux d’organisation et de lutte au quotidien pour la transformation sociale ne fait que commencer. Après avoir courageusement combattu la dictature, au prix de dizaines de morts, après avoir recouvré dignité et libre parole, les Tunisiens doivent maintenant s’engager dans la lutte contre les exploiteurs, tout « démocrates » qu’ils se prétendent. C’est à nous, anarchistes, de soutenir, d’aider, de faire connaître nos buts et nos moyens d’action, à tous ceux qui sont en lutte pour la liberté et la dignité, pour l’égalité et la justice, contre la domination et le système capitaliste, qu’ils soient de Tunisie, de Libye ou d’ailleurs.

Mohamed, groupe Pierre-Besnard de la Fédération anarchiste



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


billybob

le 13 avril 2011
le seul moyen pour que la situation des pays du moyen orient et du magreb évolue serait que les pays européen et occidentaux vivent une révolution qui applanisse la pyramide hiérarchique basée aujourd'hui sur l'oligarchie et la technocratie