Juste mariés

mis en ligne le 10 février 2011
1622AurelLe mariage homosexuel existe dans seulement dix pays 1 n’incluant pas notre douce France. À ce propos, le droit français est bien malléable et il se plie aisément devant les considérations morales des dirigeants et de ceux qui sont chargés de l’interpréter. Le 28 janvier, le Conseil constitutionnel devait répondre à une « question prioritaire » posée par deux requérantes 2, demandant en substance s’il n’était pas contraire à la Constitution d’interdire le mariage aux homosexuels. Les supposés Sages ont répondu par la négative, estimant que la liberté de mariage était assurée pour tous par la loi, sous-entendant qu’elle l’était aussi pour les homosexuels. C’est vrai, la loi française n’interdit pas aux homosexuels de se marier – ce serait là une grave atteinte à un tas de papiers officiels fondamentaux. Les Singes savent jouer sur les mots : un homme homosexuel peut épouser une femme homosexuelle, mais le mariage de deux personnes de même sexe est bel et bien prohibé puisqu’il est fait mention dans quelques articles de « l’homme » et de « la femme ». Nos lecteurs conviendront avec moi que, dans ce cadre légal, l’égalité si précieuse aux législateurs n’est pas assurée, le pacs n’étant pas du tout un équivalent du mariage, en particulier en ce qui concerne l’adoption. On se souvient du coup d’éclat (à portée électoraliste ?) du maire de Bègles, Noël Mamère, en 2004, qui avait tenté d’unir deux hommes par les liens (plus cons que sacrés) du mariage, puisqu’il avait échoué et qu’il avait même été puni. En 2006, les droits des pacsés avaient été étendus, mais le Parlement avait tenu à rappeler 3 qu’une famille normale comprenait des parents de sexes opposés et que c’était même dans l’intérêt des enfants. Ben voyons. Et là, chers lecteurs, vous vous demandez pourquoi un anarchiste se soucie des dispositions légales particulières entourant le mariage puisqu’il préconise la disparition de la Loi et des institutions telle celle du mariage. En premier lieu, il ne s’agit pas de défendre l’institution à la forme bourgeoise et au fond religieux et folklorique du mariage. Les deux femmes à l’origine de la question au Conseil n’ont pas cherché à avoir accès au rite catho-républicain pour assouvir un rêve de petite fille, mais au contraire à protéger les trois enfants qu’elles élèvent. En second lieu, je n’appelle pas à des modifications légales qui conduiraient à terme à une société juste – anarchiste sous-entend révolutionnaire, pas réformiste. Mais pour l’instant, des dizaines de millions de gens vivent (et meurent) encadrés par le droit, alors, tout en participant à la préparation de la révolution, il me semble tout à fait convenable de lutter pour l’abolition des injustices, fût-ce par voie légale. N’avons-nous pas combattu la réforme sur les retraites, ne combattons-nous pas la Loppsi ? Alors continuons ce combat mené depuis plus de vingt ans et qui a conduit en 1999 à cette petite victoire qu’est le pacs.

Olaf Pucras, groupe Louise-Michel de la Fédération anarchiste



1. À savoir l’Argentine, la Belgique, le Canada, l’Islande, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l’Afrique du Sud, l’Espagne et la Suède, plus quelques États américains.
2. Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, parue au Journal officiel du lendemain en page 1894.
3. Rapport fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, rapport n° 2832 disponibles sur le site internet de l’Assemblée nationale.