Le CRA ou la vie : émeutes et évasions à Vincennes

mis en ligne le 2 décembre 2010
1615CRAEn juin 2008, après des mois de révoltes et un mort, les détenus du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes ont réduit en cendres leur prison. Puisque les ordres sont d’expulser plus, les bâtiments où sont parqués les sans-papiers qui ont « vocation » à se faire « éloigner » ont été rapidement reconstruits et encore plus vite remplis – on a même conservé le bâtiment provisoire.
On peut s’y retrouver parce qu’on s’est fait contrôler un soir en rentrant du boulot, parce qu’on est un bébé dont les parents sont sans visa, ou qu’un préfet vous a classé comme « immigré » non « choisi ». Que vous soyez battue par votre mari, que vous risquiez votre peau dans le pays que vous avez fui, qu’on vous expulse dans un endroit que vous ne connaissez pas, qu’on vous ait surexploité pendant vingt ans, on s’en foutra : vous êtes « étranger ».
« Faut pas croire : ils sont bien ici ! », disent leurs gardiens. Pourtant, ils n’arrêtent pas de se plaindre de la bouffe périmée, du chauffage qui ne chauffe pas, du bafouement de leurs « droits », de la saleté, de l’absence de soins médicaux, des mauvais traitements, des calmants planqués dans la nourriture, des conditions infectes de l’enfermement ; les grèves de la faim s’y succèdent ; certains avalent des lames de rasoir pour ne pas y rester…
Les versions de l’évasion divergent (témoins, associations ou autorités). Il est question du médecin, que les détenus ne pouvaient pas ou qu’ils refusaient de voir. Certains des évadés devaient être mis dans un avion le lendemain ; et beaucoup en ont vus dans ce cas shootés par le médecin, qui facilite ainsi le boulot de ses collègues. Il arrive que les « clandestins » résistent à leur embarquement forcé ou que les passagers les entendent hurler (s’ils ne sont pas bâillonnés) : ça fait mauvais genre, en « terre d’accueil ».
Dans la « confusion » (« dégradations », policiers blessés), quelques-uns ont cassé une vitre « incassable », fait sauter la grille, puis ont franchi les grillages barbelés. Quelques heures plus tard, un autre groupe s’est fait la belle. L’alarme n’a pas sonné. Leur nombre aussi est incertain ; deux ou trois n’ont pas été rattrapés, certains auraient été tabassés. Des flics ont été envoyés en renfort et la « tension » n’est pas retombée, à l’intérieur comme à l’extérieur. Les associations ne sont plus autorisées actuellement à pénétrer dans le camp. Cinq plaintes pour violence ont été déposées contre des policiers. Pendant ce temps, les « reconduites » continuent : « Ce matin, les flics sont venus à cinq pour prendre un mec. Ils l’ont entièrement attaché pour l’emmener dans un avion. »
Vingt-six CRA, 1 500 « retenus » (50 000 par an), trois évadés. Ils nous rappellent que la liberté ne nous est pas donnée par l’État, mais qu’elle doit se prendre, contre lui.

Nicolas, groupe libertaire d’Ivry