Purification ethnique en Cisjordanie ?

mis en ligne le 29 avril 2010
Cisjordanie, y compris de Jérusalem, des dizaines de milliers de Palestiniens. Les Palestiniens nés dans la bande de Gaza, ceux dont un des parents y est né, ceux qui ont séjourné à l’extérieur de la Cisjordanie occupée ou d’Al Qods (Jérusalem) peuvent être considérés comme des infiltrés passibles d’une peine de prison allant jusqu’à sept ans et d’une amende de 1 500 euros.
Sont également considérés comme « infiltrés » et passibles d’expulsion les conjoints étrangers des Palestiniens. Cela remet en cause l’existence de milliers de familles. Jusqu’à présent, les tribunaux civils ne procédaient pas à ces expulsions, mais le nouveau décret dispose que les dossiers seront désormais soumis à la juridiction des tribunaux militaires. Les personnes arrêtées seront jugées dans les trois jours et expulsées vers leur pays d’origine.
Ces mesures, cela va sans dire, ne touchent pas les Israéliens, selon un porte-parole de l’armée israélienne.
Les Palestiniens de Jérusalem doivent maintenant obtenir des permissions spéciales pour se rendre dans leurs terres si elles sont situées dans les régions de Zaaim et de Aissaouiya, car ces terres sont incluses dans un projet de colonisation.
Selon Saeb Erekat, le négociateur palestinien, il s’agit là de véritables mesures de purification ethnique qui remettent en cause les pourparlers avec le gouvernement israélien. Pourparlers qui ont depuis le début été accompagnés de mesures provocatrices de colonisation, sans que les responsables palestiniens successifs aient jamais remis en cause le principe même des négociations. Il est difficile d’imaginer que l’armée israélienne puisse prendre des mesures aussi poussées que celles dont il est question sans avoir l’aval du pouvoir politique.
Comme à leur habitude, les négociateurs palestiniens se tournent vers les Américains, sans avoir l’air de se rendre compte que ces derniers sont totalement complices des autorités israéliennes. Ainsi, Saeb Erekat déclare-t-il : « Nous avons contacté l’Administration américaine ainsi que les pays européens, nous les avons mis au courant de la gravité de la situation et la substance de la présente décision exige leur intervention immédiate. »
De telles décisions, dit encore le négociateur palestinien, conduisent à « davantage de violence, au chaos, à l’extrémisme et à plus d’effusion de sang ». C’est précisément ce que veulent les autorités israéliennes : on exige des Palestiniens des « garanties » de sagesse et de mesure qu’on ne demande jamais aux Israéliens ; le moindre dérapage palestinien aboutit à une rupture des négociations dont Israël profite pour accroître la colonisation. C’est un processus sans fin.
Un membre du comité central du Fatah, Nabil Shaath, s’indigne : l’ordre militaire est, dit-il, contraire au droit international et aux conventions de Genève. Il semble découvrir l’eau chaude et ignore manifestement que les autorités israéliennes se sont toujours assises sur les conventions de Genève et le droit international.
Les abrutis qui ont donné le prix Nobel de la paix au président Obama (on se demande bien pourquoi ?) auraient pu au moins attendre qu’il résolve la question israélo-palestinienne. Il est vrai que dans ces conditions, il ne l’aurait jamais eu, son prix Nobel.
En 2007, Ehud Olmert, qui était alors Premier ministre, déclara : « Si le jour vient où la solution de deux États s’effondre et que nous nous trouvions en face d’une lutte de type sud-africaine pour le droit de vote égal pour tous, pour les Palestiniens dans les territoires également, alors, dès que cela arrivera, l’État d’Israël sera fini. »
Plus récemment, Ehud Olmert, le ministre de la Défense, déclara quant à lui : « Aussi longtemps qu’entre le Jourdain et la mer il y a une seule entité politique nommée Israël, elle finira par être soit non juive, soit non démocratique… Si les Palestiniens votent dans des élections, ce sera un État binational, et s’ils ne votent pas, ce sera un État d’apartheid. »
La remarque d’Ehud Barak est pertinente, à cette précision près que l’apartheid existe déjà.
Ehud Olmert et Ehud Barak anticipent sur un fait : Israël est appelé à disparaître. Cette disparition ne sera pas le fait des Palestiniens, elle sera le résultat de la politique israélienne elle-même.
Dans sa volonté frénétique d’annexions territoriales, à laquelle les dirigeants palestiniens n’opposent que des pleurnicheries destinées aux Américains, le gouvernement israélien creuse sa propre tombe, parce que le jour où il aura tout annexé, il sera impossible de créer un État palestinien. C’est ce qu’écrivait en 1998 René Berthier dans Israël-Palestine : mondialisation et micronationalismes * (l’ironie de l’histoire est que c’était déjà Netanyahou qui était au pouvoir) : « À long terme, la frénésie des autorités israéliennes à occuper, à créer une situation irréversible – et dans une large mesure, elles ont réussi – fournit peut-être la clé des évolutions dans la région, car l’irréversibilité peut être une arme à deux tranchants. »
« Le projet sioniste est fondé sur l’existence séparée des Juifs et des Arabes. Il implique deux territoires précisément délimités dans lesquels les deux communautés doivent vivre sans contacts. La condition d’une existence séparée des Juifs est l’existence d’un espace dans lequel se réalise l’existence séparée des Palestiniens – un espace cohérent. La politique de Netanyahou équivaut à refuser cet espace aux Palestiniens, et à les confiner dans des bantoustans. »
« La droite israélienne ne se rend pas compte que sa frénésie de territoires conduit inévitablement à une forme d’existence commune qui ne peut que créer – à l’échelle de l’histoire – les germes de dissolution de la société israélienne telle qu’elle existe aujourd’hui. En refusant un espace cohérent et délimité aux Palestiniens, elle se condamne à vivre avec eux. »
« Il ne sera pas possible de confiner la population palestinienne dans 6 %, 10 % ou 20 % de la Cisjordanie. Comme en Afrique du Sud, les bantoustans exploseront. Sachant que les Palestiniens ne lâcheront pas le terrain et que leur démographie est nettement supérieure à celle des Israéliens, la coexistence sur le même territoire de deux populations, dont l’une a un statut inférieur, se posera un jour inévitablement en termes de revendication à l’égalité des droits, c’est-à-dire à la citoyenneté. »

Raouf el Kharidji

*. Éditions Acratie, p. 197-198.