Désertons la mascarade électorale, mais ne nous abstenons pas de lutter !

mis en ligne le 8 octobre 2006

Nous refusons la mascarade électorale et la délégation de pouvoir parce que nous savons qu'il est possible d'organiser la société autrement, et que la transformation de la société passe par d'autres moyens. La délégation de pouvoir consiste à céder sa voix, son pouvoir de décision à une minorité. À accepter que celle-ci exerce le pouvoir et décide à notre place. Où est le « pouvoir du peuple » dans une telle mascarade ? Le seul « pouvoir » qui nous est alors laissé par les classes dominantes c'est celui de nous taire et d'obéir à des lois qui nous oppriment, et ce, ironie du sort, en notre nom !

À l'opposé, nous pensons que la seule démocratie réelle consiste à la démocratie des égaux, la démocratie directe où les décisions sont prises par l'ensemble des travailleuses et des travailleurs librement associé-e-s. Elle consiste à exproprier les actionnaires et le patronat et à gérer directement l'économie, pour la mettre au service de la collectivité et des besoins réels des travailleuses et travailleurs. À virer les politicien-ne-s et les patrons pour prendre les décisions collectives dans le cadre d'assemblées de quartier et d'entreprises, fédérées entre elles, comme l'ont fait les Espagnols en 36-39 et comme ont essayé de le faire les Argentins lors de la crise de 2001 (plus de 200 usines récupérées et gérées directement par les travailleuses et travailleurs, sans patrons). À pratiquer le mandatement impératif, et révocable à tout moment, quand cela est nécessaire. À pratiquer la rotation des mandats. À prendre les décisions collectivement plutôt qu'à confier à une personne le pouvoir de décider à notre place. À garder un contrôle permanent sur les mandats, pour conserver notre pouvoir de décision, et garantir que les mandatés ne dépassent pas les termes de leurs mandats, définis collectivement. Pour cela, il nous faut reprendre aux dirigeants quels qu'ils soient (patron-ne-s, politicien-ne-s,...) la parole, le contrôle sur nos vies, sur l'économie et l'organisation de la société. Refuser toutes les hiérarchies et travailler à les liquider, pour que le mot « Égalité » ait enfin son sens réel. Pour cela, il nous faut nous saisir des luttes sociales, pour reprendre à nos exploiteurs ce qu'ils nous volent : le produit de notre travail, et notre pouvoir de décision sur nos vies et sur l'organisation de la société. C'est à travers ces luttes (sur les lieux de travail, le logement,...) au moyen de notre action directe (grève, occupation, boycott, sabotage...) sans intermédiaires élus ou autoproclamés et aux pratiques d'entraide que nous construisons au quotidien (coopératives, lieux autogérés, comités de voisins, etc.) que nous créerons les éléments d'une rupture avec l'ordre inégalitaire qui nous est imposé.

En tant qu'anarchistes, nous nous abstenons de voter lors des élections. Parce que nous savons qu'il ne s'agit que de mascarades qui laissent intactes l'essentiel de la domination et de l'oppression dans cette société. Parce que nous savons que la bourgeoisie se contrefout de la couleur politique de ses valets. Ceux-ci ne sont que des pantins qui servent ses intérêts. Seule la méthode change.

Parce que nous refusons de déléguer notre pouvoir de décider à des spécialistes, élus ou auto proclamés, qui prétendent tous, « mieux » nous représenter, mais qui au fond ne serviront que leur propre intérêt, celui des classes dominantes, d'une minorité au pouvoir.

Le pouvoir et tout ceux qui y aspirent ont beau jeu de présenter les abstentionnistes comme des personnes qui se désintéressent de la politique, des questions qui touchent à la gestion de la société. Pour notre part c'est parce que nous refusons de nous abstenir de donner notre avis, décider, lutter et reprendre le contrôle de nos vies au quotidien que nous nous abstenons lors des mascarades électorales.

Les élections ont pour fonction de canaliser la colère sociale issue d'un système fondé sur la domination et la contrainte. Elle servent à légitimer un pouvoir qui nous contraint toutes et tous au nom d'une prétendue « souveraineté populaire ». Au nom de celle-ci, les politiciens nous confisquent la parole, mais aussi notre pouvoir de décision.

À l'opposé, nous pensons que c'est au quotidien, dans les rapports de force que nous créons face au pouvoir, que nous posons les jalons d'une transformation révolutionnaire de la société. Chaque fois que nous luttons par nous même, face aux patrons, à l'État ou à n'importe lequel de nos exploiteurs, nous contribuons à créer les conditions d'une transformation révolutionnaire de la société. Chaque fois que nous créons des solidarités avec d'autres exploité-e-s, nous sommes plus forts, parce que ce qui maintient les crapules qui nous gouvernent et nous exploitent au pouvoir, c'est ce qui nous divise : sexisme, racisme, homophobie...

Chaque lutte porte en elle les germes de rupture avec l'ordre établi, dès lors qu'elle est menée par les exploité-e-s de manière autonome, hors des récupérations et des instrumentalisations politiciennes des aspirant-e-s au pouvoir. Chaque nouvelle rupture ouvre la voie à un pas supplémentaire vers la transformation révolutionnaire de la société, quand nous prenons conscience de notre force collective, quand nous laissons tomber le fatalisme pour lutter ensemble, quand nous ne nous satisfaisons pas de ce que nous obtenons mais que nous nous appuyons sur les victoires partielles obtenues pour en construire d'autres, jusqu'à récupérer totalement ce qu'on nous vole. Le pire cauchemar des crapules qui nous exploitent et nous dominent, c'est que nous sortions de la résignation dans laquelle ils veulent nous enfermer.

Pour cela, il nous faut prendre en main directement nos destins et passer de la participation électorale ou de l'abstention passive à l'abstention active : agissons directement et sans attendre ! Seul-e-s face à l'urne ou chez soi, nous perdons. Uni-e-s dans la lutte, en préservant celle-ci loin des appétits politiciens, nous nous donnons les moyens de gagner !

Sam - Seine-Saint-Denis