« The Brown bunny » de, par et avec Vincent Gallo
Un homme en quête de rencontres ? Certainement. Mais ce n'est pas avec n'importe qui, et ce n'est pas ce qu'on pense. Il s'approche toujours d'une jeune fille déjà entrevue, que nous avons fantasmée avec lui - tellement la force hypnotique qui émane de l'acteur Gallo est grande - une fille comme Daisy. Daisy, son seul amour, perdue à jamais, par sa faute. Daisy qui l'obsède, Daisy qu'il désire et Daisy qu'il voit partout.
C'est le fantôme de Daisy qui le fait marcher, rouler, parcourir des milliers de kilomètres comme un forcené. L'angoisse de la manquer augmente avec la fatigue de la route, devient une sorte de délire, car il ne veut en aucun cas rater son rendez-vous avec elle. Une tension s'installe qui augmente au fur et à mesure que nous nous éloignons de son point de départ. Comme dans Buffalo 66, une visite à la famille - de Daisy - s'impose. Il nous fait comprendre quelque chose de son désarroi par un jeu très subtil entre quelques paroles répétitives entrecoupées de silences et de quelques objets signifiants - réels et imaginaires -, auxquels il s'accroche désespérément. C'est justement « the brown bunny », un petit lièvre brun en cage dont on parle beaucoup chez les parents de Daisy, puis, une peluche identique qu'il triture de ses doigts.
Ainsi, la tragédie qui le ronge nous est révélée beaucoup plus tard seulement, quand le passé fait irruption dans son présent qu'il traîne comme un boulet au pied. L'irrésistible attrait pour la disparue engendre des scènes qui sont comiques à un premier degré : de sa chambre de motel, il répète inlassablement le même message, destiné à Daisy, lui dire le numéro de sa chambre, la faire monter, surtout ne pas la laisser repartir, sous aucun prétexte. Car personne ne pourra jamais combler le vide laissé par elle, personne ne peut ressembler à Daisy, la disparue, présente et absente, fantôme et femme en chair et os...
Il n'y a que Daisy elle-même, Chloé Sévigny qui, finalement, apparaît comme le fantôme de la mère dans Ponette. Elle viendra délivrer Bud de son angoisse par une scène d'amour extrême. Dommage que Vincent Gallo n'arrive pas à se contenter de l'impact du film sur son public qu'il envoûte réellement.
Après nous avoir mis dans un état presque hypnotique, nous suivons la quête et le délire de son personnage avec empathie. Montrer, à la fin du film la tragédie du couple, le carnage dû à la jalousie, la fin sordide de son amour, éloigne le film de cette force absolue des sentiments, de toute cette symbolique qu'il a su mettre en place avec une grande maîtrise de la mise en scène.