Billets quotidiens

mis en ligne le 10 avril 2003

Auteur d'une œuvre littéraire reconnue dès la sortie de ses premiers romans, le Serpent (1945) et L'Ile des condamnés (1946), Stig Dagerman (1923-1954) adhère dès la fin de ses études secondaires au mouvement de jeunesse de la Sveriges Arbetares Centralorganisation (SAC), la confédération anarchosyndicaliste suédoise où militait son père, un ouvrier carrier.

Il collabore sa vie durant au journal de la SAC, Arbetaren, et dirige sa page culturelle de 1943 à 1946, puis à partir de 1950. Il écrit des centaines d'articles sur l'actualité culturelle, politique et sociale (La dictature du chagrin, 2001). Chaque jour, il y publie également un court poème satirique. La polysémie de son titre original peut s'entendre aussi bien comme « billets quotidiens » que comme « billets de Dag(erman) » ou, enfin, « donner un coup sur la gueule à quelqu'un ». Dagerman ne cesse d'y dénoncer et d'y ridiculiser toutes les formes de la bêtise humaine, en commençant par celle des assis et des puissants. Les thèmes des billets abordent la vie des humbles et leurs humiliations quotidiennes, mais aussi les questions d'actualité les plus diverses. Ainsi évoque-t-il le cas d'un Noir américain qui, après avoir échappé à la chaise électrique parce que le bourreau était ivre, doit y retourner... Ou encore, il se solidarise avec les fusillés de Franco et les ouvriers révoltés d'Allemagne de l'Est, se demandant au passage si Marx et Engels auraient pu être fiers d'un régime qui envoyait des chars contre les travailleurs... Après le naufrage d'un navire, il évoque les victimes du profit de la « grande patrie des armateurs ».

En filigrane de nombreux billets, l'idée de la mort est souvent présente. Deux ans avant de se supprimer, il écrivait que « le suicide est la seule preuve de la liberté de l'homme ».

Charles Jacquier[[< Stig Dagerman, Billets quotidiens, traduit du suédois par Philippe Bouquet, Grenoble, Cent Pages, coll. Cosaques, 2002, 92 p.]]