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Anarchie dans le monde
par Fédération anarchiste italienne - FAI le 24 juillet 2022

Pour un nouveau manifeste anarchiste contre la guerre

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document présenté au XXXIe Congrès – Empoli juin 2022 et ratifié dans les semaines suivantes

publié par la FAI le 22.07.2022





En ces mois où le drame de la guerre est de plus en plus porté à l’attention internationale par la crise en Ukraine, le thème de l’antimilitarisme devient de plus en plus d’actualité. Nous voyons que des lourdes critiques de notre antimilitarisme traditionnel sont venues de certains individus et groupes qui se déclarent anti-autoritaires, libertaires ou anarchistes, même avant l’invasion russe de l’Ukraine. Ces derniers mois, nous avons lu attentivement ces positions et nous pensons aujourd’hui qu’il nous faut clarifier notre point de vue.

Nos pensées vont d’abord à nos camarades qui, il y a plus d’un siècle, face au drame de la Première Guerre mondiale, ont senti le besoin d’affirmer que : « Nous devons déclarer aux soldats de tous les pays, qui croient de se battre pour la liberté et la justice, que leur héroïsme et leur valeur ne serviront qu’à perpétuer la haine, la tyrannie et misère » (International Anarchist Manifesto Against the War, 1915). Comme Goldman, Berkman, Malatesta, Schapiro et les autres, nous croyons nécessaire que la voix internationaliste et solidaire de l’anarchisme et ses principes de sororité et de fraternité universelle recommencent à parler à toutes et à tous, d’autant plus dans un monde chaque jour plus divisé par des haines nationales, ethniques et identitaires.

La guerre est à l’origine de l’ordre social actuel, basé sur des relations de domination, d’exploitation et d’oppression. Ceci est un point fondamental pour la FAI, tel qu’il est exposé dans le Programme anarchiste qui est la référence théorique de notre Fédération : « Ne comprenant les avantages qui pourraient venir à chacun de la coopération et de la solidarité, voyant en chaque autre personne un concurrent et un ennemi, une partie de l’humanité a essayé de saisir la plus grande quantité de richesse au détriment de l’autre. Dans cette lutte, bien sûr, le plus fort, ou le plus chanceux, devait gagner et soumettre et opprimer les vaincus de diverses manières ».

C’est pour cela que nous maintenons notre position de refus de la guerre, en nous reconnaissant dans l’idée de défaitisme révolutionnaire. Par défaitisme, nous entendons une position révolutionnaire face à la guerre, adoptée par ceux qui luttent pour la défaite du gouvernement et des classes dominantes de leur propre pays, croyant que les guerres sont menées pour les intérêts et les privilèges des oppresseurs et des exploiteurs. Au début du XXe siècle, et en particulier pendant la Première Guerre mondiale, certains gouvernements européens ont utilisé l’accusation de « défaitisme » contre toute forme de dissidence, d’opposition à la guerre, de protestation politique ou de lutte ouvrière qui briserait l’unité nationale face à l’ennemi. Le défaitisme n’accepte donc pas la trêve des luttes sociales imposée par les gouvernements en temps de guerre par la censure, la répression et la loi martiale. Au contraire, la lutte contre le gouvernement dans les conditions particulières de la guerre se poursuit, à la fois par le sabotage de la guerre et par l’encouragement aux luttes sociales. La position du défaitisme se situe dans une perspective internationaliste et révolutionnaire dans le but de provoquer la défaite de l’impérialisme de « son propre » pays, l’un de ses points fondamentaux étant le refus de soutenir une partie belligérante dans des guerres entre États et/ou blocs impériaux.

Des dizaines de guerres sont actuellement menées, avec leur charge de morts, de destructions, de viols, de pillages et d’exodes massifs. Au cours des quinze dernières années, la crise du système d’hégémonie mondiale basé sur la mondialisation a produit une tendance mondiale à l’autoritarisme et à la militarisation. La mondialisation en tant que forme de domination mondiale a longtemps assuré à l’impérialisme anglo-américain un rôle privilégié dans l’exploitation des ressources de la planète, avec le soutien des classes privilégiées des différents pays. L’entrée de la Russie et de la Chine dans le Fonds monétaire international et dans l’Organisation mondiale du commerce a montré que les contrastes entre les puissances ne remettent pas en question la division de la société en classes et en des différentes hiérarchies.

Lors du congrès de la FAI tenu à Empoli en juin 2022, nous avons partagé un communiqué concernant la lecture de la guerre en Ukraine, dont nous citons une petite partie ici: « Au cours des dix dernières années, l’intensification des tensions entre les États, la guerre commerciale et financière, l’isolement progressif plus ou moins partiel des marchés, l’extension des conflits, directs ou par procuration, entre les puissances mondiales et régionales dans des différentes régions du monde, ont défini des nouveaux scénarios. Le modèle capitaliste imposé au siècle dernier par l’hégémonie américaine est toujours l’horizon dans lequel se déroule le conflit entre les États, mais le monde n’est plus dominé par une seule superpuissance. Les États-Unis ont perdu la guerre en Afghanistan, en Irak et en Syrie, et dans les dernières décennies ils ont vu leur influence en Amérique centrale et en Amérique du Sud se restreindre progressivement, dans ce qu’ils considéraient autrefois comme leur arrière-cour. L’accord AUKUS entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui réorientait la stratégie de ces États vers le Pacifique avec une alliance séparée, semblait remettre en cause la présence américaine en Europe et la cohésion sinon l’existence même de l’OTAN. L’invasion de l’Ukraine par la Russie s’inscrit donc dans un processus de redéfinition de l’équilibre des puissances au niveau mondial.

La crise de l’hégémonie est étroitement liée à la crise des systèmes de gouvernement et de cohésion sociale, car avec la coupe des garanties sociales et le faiblissement des mécanismes de consensus, avec l’émergence dans des nombreux pays de mouvements qui, sous des formes différentes, remettent en question les gouvernements et les accords entre les classes dirigeantes, l’usage de la force devient le principal outil de ces dernières pour préserver le pouvoir et l’ordre social. En ce sens, nous avons parlé ces dernières années d’un rôle croissant de l’armée dans les sociétés. Le soulèvement en Biélorussie en 2020 et le soulèvement au Kazakhstan en janvier 2022 ont mis en évidence la grave crise de consensus au sein du système dirigé par la Russie. Dans la tenue de l’OTSC, l’armée a pris un rôle fondamental. L’intervention militaire russe au Kazakhstan pour écraser le soulèvement populaire dans le sang en a donné une démonstration tragique et a ouvert la voie à l’invasion de l’Ukraine en février. Même aux États-Unis, les émeutes contre la police et contre la violence raciste de 2020 ont conduit début 2021 les dirigeants des forces armées à soutenir l’investiture de Biden comme président dans un climat de prélude de guerre civile, pour empêcher le suprémacisme violent de Trump d’exacerber irrémédiablement la crise du consensus.
»

Leur réponse à la crise est l’augmentation des dépenses militaires et le renforcement du rôle des forces armées dans les décisions politiques. Une fois sautés les mécanismes de régulation économique et politique qui établissaient la hiérarchie entre les puissances et le flux des profits vers les métropoles impérialistes, il leur est nécessaire de recourir à la guerre pour rétablir l’ancien équilibre ou en définir un nouveau. Dans le contexte de ce nouveau désordre mondial ce recours à la guerre et aux missions militaires est croissant, peu importe de quelle manière les gouvernements veulent les définir dans leur propagande.

De l’Ukraine au Yémen, des pays du Sahel au Myanmar, de l’Afghanistan au Tigré et ailleurs, en passant par toutes les régions où sont en cours des génocides tels que celui des Kurdes et ceux des peuples indigènes et afro-descendants, nous sommes tous potentiellement sous les bombes et sous la menace de la destruction, de la répression et d’un tournant autoritaire. Nous savons bien que les portes tournantes entre les soi-disant démocraties et les soi-disant autocraties peuvent tourner très rapidement, et que l’état de guerre réduit rapidement tout espace pour ceux qui veulent agir pour la transformation sociale. Nous donnons toujours notre solidarité humaine à ceux qui souffrent et risquent leur vie en se trouvant dans des situations difficiles, même s’ils ont des idées et des pratiques loin de celles que nous exprimons.

Cependant, l’anarchisme social brise les logiques impériales, capitalistes, nationalistes et autoritaires actuelles, et rejette les divisions imposées par les frontières. Le même concept d’intégrité territoriale ou de « défense » territoriale d’un État ou de toute entité qui aspire à l’être ne nous appartient pas car, associé au principe de la souveraineté territoriale, il finit inévitablement par être lié à des perspectives nationalistes ou micro-nationalistes. Quelle que soit la signification du mot « nation », il cache la division entre exploité(e)s et exploiteurs, entre opprimé(e)s et oppresseurs.

Nous réitérons notre condamnation irrévocable et sans ambiguïté du régime poutinien et de son invasion criminelle de l’Ukraine, ainsi que de sa répression féroce de la dissidence interne. Mais nous condamnons également le rôle criminel de tous les gouvernements qui attisent les flammes de ce conflit et d’autres, en fournissant des armes et en gagnant de l’argent sur ces fournitures. Nous nous opposons avec la plus grande fermeté à l’OTAN, qui tente depuis des années d’imposer la militarisation de la vie sociale et l’augmentation des dépenses militaires dans les pays membres et qui, grâce à Poutine, s’est relancée après la fin inglorieuse de son agression contre l’Afghanistan. De la même manière, nous rejetons le récit d’une guerre entre liberté et dictature. De ce point de vue, l’Ukraine de Zelensky est vraiment une petite Russie, avec un gouvernement autoritaire, un cercle d’oligarques pillant le pays, une répression contre toutes les formes de protestation et contre les minorités, que la guerre a rendues plus dures. Aujourd’hui, Zelensky, pour rester au pouvoir, s’est endetté et vend son pays aux États-Unis, au Royaume-Uni et à l’Union européenne en échange de leur soutien militaire. La pénétration des intérêts occidentaux en Ukraine, d’ailleurs, n’est pas exclusivement liée à l’invasion russe qui a commencé le 24 février : les multinationales agroalimentaires, beaucoup américaines et une russe, contrôlent une partie du « grenier d’Europe » et son principal escale commercial dans le port d’Odessa depuis plus de 10 ans.

Les conséquences de cette guerre sont dramatiques des deux côtés du front. Elles sont désastreuses également pour le reste de l’Europe, avec la hausse des prix due à la spéculation, avec l’augmentation de la militarisation, le réarmement, la détérioration des conditions de vie de millions de prolétaires, la peur et la violence qui risquent de devenir des instruments dangereux pour des gouvernements autoritaires. Cette réalité est à nouveau perçue en Europe, mais elle était restée bien présente dans la plupart des régions du monde, accompagnée de la dévastation environnementale perpétrée par la logique du profit, des marchés et des États, qui menace la vie même de la planète où nous vivons.

Le premier engagement de celles et ceux qui s’opposent à la guerre est la construction et la diffusion de pratiques d’entraide telles que des réseaux de solidarité d’en bas pour répondre aux besoins immédiats des personnes qui souffrent le plus des conséquences du conflit, y compris le soutien alimentaire ou médical. Doivent y être également des réseaux de soutien pour ceux qui mènent des grèves, des sabotages et des désertions, ainsi que des réseaux transnationaux pour ceux qui se cachent ou fuient des deux côtés du front. Nous rejetons et voulons déconstruire les modèles patriarcaux et de domination imposés par le militarisme qui sont reproposés sans cesse par la propagande de guerre dans les médias officiels ainsi que dans les médias sociaux, qui placent toujours au centre les mêmes images du combattant masculin, robuste et jeune.

De plusieurs côtés, il est suggéré de prendre position (donc en effet de combattre) pour l’un des gouvernements qui s’affrontent dans cette guerre, comme si se ranger du côté de l’un ou de l’autre était inévitable.

Certaines épaves du marxisme pensent qu’on peut soutenir des impérialismes mineurs pour battre la menace dominante qu’ils estiment être celle « occidentale ». Mais la stratégie consistant à jouer avec les puissances impérialistes pour aggraver leurs contradictions, ainsi que l’alliance entre le mouvement ouvrier et des forces nationalistes qui a caractérisé le stalinisme entre les deux guerres mondiales et même après, ont conduit à l’échec de toute perspective révolutionnaire et à la fermeture de toute marge d’action autonome des classes exploitées et opprimées.

D’autres interprétations suivent des approches différentes, et évaluent l’impérialisme russe comme un danger pour l’ensemble de l’Europe et même au-delà ; sur ces positions, il y a aussi des composantes d’orientation libertaire. Sans vouloir nier la menace posée par l’autoritarisme et le militarisme de la Russie, nous pensons que ce ne sera pas une défaite militaire de la Russie en Ukraine qui évitera des dégénérations autoritaires en Europe occidentale. Les processus sociaux autoritaires qui sont évidemment dominants en Russie et dans les pays de l’OTSC se manifestent depuis des années dans l’Union européenne aussi, et la guerre leur donne maintenant une nouvelle accélération. De plus, la « démocratie » est toujours basée sur des conditions de privilège de la part de quelqu’un. La vision qui présente l’Union européenne comme un phare de la démocratie, identifiant en opposition la Russie, la Chine et leurs satellites comme les héritiers du totalitarisme combiné à un capitalisme sans scrupules est la quintessence d’un occidentalisme qui ne nous appartient pas.

Voilà nos positions, confirmant notre antimilitarisme dans une perspective internationaliste et révolutionnaire, qui doit être concrètement enracinée dans les luttes sociales et dans les réseaux de solidarité, pour créer des solutions collectives et libertaires en dehors du tourbillon de guerre dans lequel les États et le capitalisme mondial nous jettent. Voilà notre contribution au débat international contre la guerre. Nous pensons qu’une chose doit être claire avant tout : la lutte, avec ou sans armes, pour être efficace doit se faire et s’organiser d’en bas, en dehors des appareils des États, des gouvernements, et surtout des forces armées.

Les gouvernements belligérants ou cobelligérants eux-mêmes sont conscients que la guerre entraînera, en plus des massacres et de la dévastation dans les zones directement touchées, la misère, le chômage et la faim dans le reste du monde, y compris en Europe et aux États-Unis. Les gouvernements savent que les conditions d’une crise sociale sans précédent sont en train de mûrir, c’est pourquoi ils jouent le tambour du militarisme et du nationalisme : pour prévenir la solidarité des classes exploitées et opprimées.

Puisque les gouvernements sont les promoteurs et les bénéficiaires des guerres, pour arrêter les guerres, on doit effrayer ces gouvernements, car la seule limite au pouvoir arbitraire de tout gouvernement est la peur que les mouvements populaires arrivent à lui faire. Donc, l’opposition à la guerre fait partie de notre engagement quotidien à partir de la dénonciation et du boycott des productions de mort, et de la critique et de la déconstruction de la rhétorique militariste à partir de l’éducation et du langage militariste à tous les niveaux. Il est nécessaire de combattre la guerre et les armées avec une stratégie intersectionnelle qui sache identifier et contraster les liens entre le militarisme et d’autres formes d’oppression telles que le patriarcat, le racisme, le capitalisme et toute forme de chauvinisme, dans l’action collective ainsi que dans les relations personnelles.

Seule l’action des classes exploitées peut arrêter la guerre en boycottant son industrie, en rejetant la production, le trafic et le transport d’armes et de tout instrument de mort, en participant à des mouvements d’opposition aux installations et aux bases militaires, et en promouvant des grèves au niveau national et international contre la guerre et l’économie de guerre. Le mouvement anarchiste participe à ces luttes, de manière diversifiée selon les circonstances, avec la critique des idéologies militaristes et nationalistes, avec la construction d’organismes et de réseaux autogérés, avec la pratique de l’action directe, avec le soutien à toutes les formes de refus, d’objection et de désertion des massacres promus par le Capital et l’État.

Nous sommes convaincues et convaincus plus que jamais de la validité du principe anarchiste selon lequel les moyens doivent être cohérents avec les fins. Il n’y a pas de bonnes guerres ou de guerres justes, et en ces temps de folie nationaliste et souverainiste croissante, nous croyons que nous ne devons jamais nous ranger du côté des gouvernements ou prendre part à des guerres entre des États et des blocs impériaux. On ne meurt pas et encore moins on tue pour la souveraineté territoriale. Les guerres sont toutes des crimes et les armées (y compris leurs corps auxiliaires) sont autant d’instruments d’exploitation, de patriarcat et de domination étatique plus ou moins « légitime » sur les territoires et sur les corps des individus. Nous ne reconnaissons aucune de ces légitimités territoriales et nous ne sommes pas disposés à nous battre pour l’une ou l’autre d’entre elles.

L’histoire nous montre que les guerres sont traditionnellement menées pour entraver l’action des classes exploitées et des classes populaires qui visent leur émancipation. Il est donc fondamental que l’anarchisme soit mobilisé maintenant contre la guerre, en dehors de et contre toutes les institutions militaires. Notre force réside d’abord dans la circulation des idées et dans la défense des espaces de production et de circulation de la pensée critique, pour promouvoir l’unification des mouvements pacifistes et antimilitaristes dans un front de lutte contre les gouvernements. La capacité du mouvement anarchiste de rester cohérent dans la lutte contre la guerre est la condition pour activer les pratiques, l’organisation et les idéaux libertaires parmi les classes exploitées et opprimées qui sont les premières à subir les conséquences des guerres. Sur cette base, il sera possible un nouveau protagonisme qui donne une solution différente à la crise, dans la perspective de construire une société libertaire.

Fédération anarchiste italienne - FAI
[document présenté au XXXIe Congrès – Empoli juin 2022 et ratifié dans les semaines suivantes]

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Mozioni approvate al XXXI Congresso della F.A.I. a Empoli del 2-5 giugno 2022


Per un nuovo manifesto anarchico contro la guerra
In questi mesi in cui il dramma della guerra è sempre più portato all’attenzione internazionale dalla crisi in Ucraina, ritorna prepotentemente di attualità il tema dell’antimilitarismo anarchico. Vediamo che da alcuni singoli e gruppi che si dichiarano antiautoritari, libertari o anarchici giunge già da prima dell’invasione russa dell’Ucraina una forte critica al nostro tradizionale antimilitarismo. Abbiamo letto attentamente tali posizioni in questi mesi, riteniamo oggi di dover chiarire il nostro punto di vista.
Il nostro pensiero va dapprima alle nostre compagne e ai nostri compagni che più di un secolo fa, di fronte al dramma della Prima Guerra Mondiale, sentirono la necessità di affermare che: "Dobbiamo dichiarare ai soldati di tutti i Paesi, che credono di stare combattendo per libertà e giustizia, che il loro eroismo e il loro valore non serviranno che a perpetuare l’odio, la tirannia e la miseria" (International Anarchist Manifesto against the War, 1915). Come Goldman, Berkman, Malatesta, Schapiro e gli altri, crediamo alla necessità che la voce internazionalista e solidarista dell’anarchismo e dei suoi principi di sorellanza e fratellanza universale torni a parlare a tutte e a tutti, a maggior ragione in un mondo sempre più frammentato in odi nazionali, etnici e identitari.
La guerra è all’origine dell’ordinamento attuale della società, fondato su rapporti di dominio, sfruttamento e oppressione. Questo è un punto fermo per la FAI, presente nel Programma Anarchico che è il riferimento teorico della nostra Federazione: "Non comprendendo i vantaggi che potevano venire a tutti dalla cooperazione e dalla solidarietà, vedendo in ogni altra persona un concorrente ed un nemico, una parte dell’umanità ha cercato di accaparrare, a danno dell’altra, la più grande quantità di godimenti possibili. Data la lotta, naturalmente i più forti, o i più fortunati, dovevano vincere ed in vario modo sottoporre ed opprimere i vinti."
Per questo manteniamo ferma la nostra posizione di rifiuto della guerra e ci riconosciamo nell’idea di disfattismo rivoluzionario. Intendiamo per disfattismo una posizione rivoluzionaria di fronte alla guerra, quella di coloro che lottano per la disfatta del governo e della classe dominante del proprio Paese, credendo che le guerre sono combattute per gli interessi e i privilegi degli oppressori e degli sfruttatori. All’inizio del XX secolo, e in particolare durante la Prima Guerra Mondiale, alcuni governi europei hanno usato l’accusa di "disfattismo" contro ogni forma di dissenso, di opposizione alla guerra, di protesta politica o lotta operaia, che rompesse l’unità nazionale di fronte al nemico. Il disfattismo quindi non accetta la tregua delle lotte sociali imposta dai governi in tempi di guerra attraverso la censura, la repressione e la legge marziale. Al contrario, prosegue la lotta contro il governo nelle particolari condizioni della guerra, sia attraverso il sabotaggio della guerra, sia attraverso l’incoraggiamento delle lotte sociali. La posizione del disfattismo si colloca all’interno di una prospettiva internazionalista e rivoluzionaria con lo scopo di provocare la sconfitta dell’imperialismo del "proprio" Paese, e uno dei suoi punti fondamentali è il rifiuto di sostenere una parte belligerante in guerre tra Stati e/o blocchi imperiali.
Attualmente si stanno combattendo decine di guerre, con il loro carico di morti, distruzione, stupri, saccheggi ed esodi di massa. Negli ultimi quindici anni la crisi del sistema di egemonia mondiale fondato sulla globalizzazione ha prodotto una tendenza mondiale all’autoritarismo e alla militarizzazione. La globalizzazione come forma di dominio mondiale ha per lungo tempo assicurato all’imperialismo angloamericano un ruolo privilegiato nello sfruttamento delle risorse del pianeta, con l’appoggio delle classi privilegiate dei vari Paesi. L’entrata della Russia e della Cina nel Fondo Monetario Internazionale e nell’Organizzazione Mondiale del Commercio hanno dimostrato che i contrasti fra le potenze non mettono in discussione la divisione della società in classi e in diverse gerarchie.
Al Congresso FAI di Empoli a giugno 2022 abbiamo condiviso una sintesi riguardo alla lettura della guerra in Ucraina, di cui qui riportiamo una piccola parte: "Negli ultimi dieci anni l’intensificazione delle tensioni tra gli Stati, la guerra commerciale e finanziaria, il progressivo isolamento più o meno parziale dei mercati, l’estensione dei conflitti in parte per procura, ma sempre più in forma diretta, tra le potenze mondiali e regionali in diverse regioni del mondo, hanno definito uno scenario molto diverso. Il modello capitalista imposto nel secolo scorso dall’egemonia statunitense è ancora l’orizzonte entro il quale si realizza la contesa tra gli stati, ma il mondo non è più dominato da un’unica superpotenza. Gli Stati Uniti hanno perso la guerra in Afganistan, in Iraq e in Siria, e rispetto a pochi decenni fa vedono molto ristretta la propria influenza nell’America Centrale e del Sud, in quello che erano abituati a considerare il giardino di casa. L’accordo AUKUS tra Australia, UK e USA, che ha riorientato verso il Pacifico con un’alleanza separata la strategia di questi stati, sembrava mettere in discussione la presenza statunitense in Europa e la stessa coesione se non l’esistenza della NATO. L’invasione dell’Ucraina da parte della Russia si inserisce quindi in un processo di ridefinizione degli equilibri tra le potenze a livello globale.
La crisi dell’egemonia è strettamente legata alla crisi dei sistemi di governo e coesione sociale, perché con il taglio delle garanzie sociali e la debolezza dei meccanismi di consenso, con l’insorgere in molti paesi di movimenti che con forme e caratteri diversi mettono in discussione i governi e gli accordi tra le classi dominanti, l’uso della forza diviene strumento principale per la conservazione del potere e dell’ordinamento sociale. In questo senso abbiamo parlato negli ultimi anni di un crescente ruolo del militare nelle società. La rivolta in Bielorussia del 2020 e l’insurrezione in Kazakistan a gennaio 2022, hanno reso evidente la grave crisi di consenso interna al sistema a guida russa. Nella tenuta dell’OTSC l’esercito ha assunto un ruolo fondamentale. L’intervento militare russo in Kazakistan per stroncare nel sangue l’insurrezione popolare ne ha dato una tragica dimostrazione, e ha aperto la strada all’invasione dell’Ucraina a febbraio. Anche negli USA le rivolte contro la polizia, contro la violenza razzista del 2020 hanno portato a inizio 2021 i vertici delle forze armate a sostenere in un clima da preludio di guerra civile l’insediamento di Biden alla presidenza, per evitare che il suprematismo violento di Trump esasperasse irrimediabilmente la crisi di consenso."
La risposta alla crisi è l’aumento delle spese militari e il rafforzamento del ruolo delle forze armate nelle scelte politiche. Saltati i meccanismi di regolamentazione economica e politica, che stabilivano la gerarchia fra le potenze e il flusso dei profitti verso le metropoli imperialiste, è necessario ricorrere alla guerra per ristabilire il vecchio equilibrio o definirne uno nuovo.
Nell’ambito di questo nuovo disordine mondiale cresce il ricorso alla guerra e alle missioni militari, comunque i governi vogliano definirle nella propria propaganda.
Dall’Ucraina allo Yemen, dai paesi del Sahel al Myanmar, dall’Afganistan al Tigrai e altrove, passando per tutte le regioni in cui genocidi come quello curdo e quelli delle popolazioni indigene e afro-discendenti sono in corso, siamo tutte e tutti potenzialmente sotto le bombe e la minaccia di distruzione, repressione e svolta autoritaria. Sappiamo bene che le porte girevoli tra le cosiddette democrazie e le cosiddette autocrazie possono muoversi molto rapidamente, e che lo stato di guerra riduce rapidamente gli spazi a chi voglia agire per la trasformazione sociale. Diamo sempre la nostra solidarietà umana a chi soffre e rischia la vita trovandosi in situazioni difficili, anche se ha idee e pratiche distanti da quelle che esprimiamo.
L’anarchismo sociale rompe le attuali logiche imperiali, capitaliste, nazionaliste e autoritarie, respinge le divisioni imposte dai confini, e il concetto dell’integrità o della "difesa" territoriale di uno Stato o di una qualunque entità che aspira ad esserlo non ci appartiene perché, associato al principio della sovranità territoriale, finisce inevitabilmente per legarsi a prospettive nazionaliste o micro-nazionaliste. Qualsiasi cosa voglia dire la parola "nazione", essa nasconde la divisione tra sfruttat* e sfruttatori, tra oppress* e oppressori.
Ribadiamo la nostra condanna irrevocabile e senza ambiguità del regime putiniano e della sua criminale invasione dell’Ucraina, nonché della sua feroce repressione del dissenso interno. Ma condanniamo anche il criminale ruolo di tutti i governi che soffiano sul fuoco di questo e altri conflitti fornendo armi e guadagnando sulle forniture. Ci opponiamo nella maniera più decisa alla NATO che da anni cerca di imporre la militarizzazione della vita sociale e l’aumento delle spese militari nei paesi membri, e che grazie a Putin si è rilanciata dopo la fine ingloriosa dell’aggressione all’Afghanistan. Nello stesso modo rifiutiamo la narrazione di una guerra fra libertà e dittatura. Da questo punto di vista, l’Ucraina di Zelensky è veramente una piccola Russia, con un governo autoritario, una cerchia di oligarchi che saccheggia il paese, una repressione verso tutte le forme di protesta e verso le minoranze che la guerra ha reso più dura. Oggi Zelensky, pur di rimanere al potere, indebita e vende a pezzi il proprio Paese agli Usa, al Regno Unito, all’Unione Europea in cambio del loro appoggio militare. La penetrazione di interessi occidentali in Ucraina non è tuttavia esclusivamente legata all’invasione russa scattata il 24 febbraio: multinazionali dell’agroalimentare, molte statunitensi e una russa, controllano parte del granaio d’Europa e il principale scalo commerciale nel porto di Odessa da oltre 10 anni.
Le conseguenze di questa guerra sono drammatiche su entrambi i lati del fronte. Conseguenze disastrose anche per il resto d’Europa con l’aumento dei prezzi a causa della speculazione, l’aumento della militarizzazione, il riarmo, il peggioramento delle condizioni di vita di milioni di proletari, la paura e la violenza, che rischiano di diventare pericolosi strumenti per governi autoritari. Una realtà che torna ad essere percepita anche in Europa, ma che è ben presente in gran parte delle regioni del mondo, accompagnata dalla devastazione ambientale perpetrata dalla logica del profitto, dei mercati e degli Stati, che minaccia la vita stessa del pianeta dove viviamo.
Il primo impegno di chi si oppone alla guerra è la costruzione e diffusione di pratiche di mutuo appoggio come reti di solidarietà dal basso per sostenere le necessità immediate delle persone che più soffrono le conseguenze del conflitto, col sostegno alimentare o quello medico. Come reti di sostegno a chi pratica azioni di sciopero, di sabotaggio, di diserzione, come reti transnazionali per chi dovesse nascondersi o fuggire da e su entrambi i lati del fronte. Rifiutiamo e lottiamo per decostruire i modelli patriarcali e di dominio imposti dal militarismo riproposti all’infinito dalla propaganda bellica sui social media e sui media ufficiali, dove al centro sono sempre le stesse immagini del combattente maschio, robusto e giovane.
Da varie parti si suggerisce di prendere posizione combattendo di fatto per uno dei governi che si scontrano in questa guerra, come se schierarsi per l’uno o per l’altro fosse ineluttabile.
Alcuni relitti del marxismo pensano di poter sostenere imperialismi minori per sconfiggere la minaccia prevalente che reputano essere quella "occidentale". Ma la strategia di giocare fra le potenze imperialiste in modo da aggravarne le contraddizioni, così come l’alleanza fra il movimento operaio e le forze nazionaliste, che ha caratterizzato lo stalinismo fra le due guerre mondiali e anche dopo, hanno condotto al fallimento di ogni prospettiva rivoluzionaria e alla chiusura di ogni margine di azione autonoma alle classi sfruttate e oppresse.
Altre interpretazioni si muovono in base ad approcci diversi, e valutano l’imperialismo russo come un pericolo per l’intera Europa e non solo, e in queste interpretazioni si trovano anche componenti di orientamento libertario. Senza mettere in discussione la minaccia costituita dall’autoritarismo e dal militarismo della Russia riteniamo che non sarà una sconfitta militare della Russia in Ucraina a evitare una stretta autoritaria nell’Europa occidentale. I processi sociali autoritari che risultano evidentemente dominanti in Russia e nei paesi dell’OTSC, sono in moto da anni anche nell’Unione Europea, e la guerra sta oggi imprimendo a questi una ulteriore accelerazione. Inoltre la "democrazia" si basa su una condizione di privilegio. La visione che presenta l’Unione Europea come faro della democrazia individuando invece nella Russia, nella Cina e nei loro satelliti gli eredi di un totalitarismo congiunto ad un capitalismo senza scrupoli appare come la quintessenza di un occidentalismo che non ci appartiene.
Queste sono le nostre posizioni, conferma dell’antimilitarismo in una prospettiva internazionalista e rivoluzionaria, concretamente radicata nelle lotte sociali, nelle reti di solidarietà, per creare vie d’uscita collettive e libertarie al vortice di guerra in cui ci gettano gli Stati e il capitalismo mondiale. Questo è il nostro contributo al dibattito internazionale contro la guerra. Pensiamo che una cosa deve essere chiara su tutte: la lotta, con o senza armi, per essere efficace deve essere fatta e organizzata dal basso, al di fuori degli apparati degli Stati, dei governi, e, soprattutto, delle forze armate.
Gli stessi governi belligeranti o cobelligeranti sono coscienti che la guerra porterà con sé, oltre alle stragi e alle devastazioni nelle zone direttamente interessate, miseria, disoccupazione e fame nel resto del mondo, anche in Europa, anche negli Stati Uniti. I governi sono coscienti che stanno maturando le condizioni per una crisi sociale senza precedenti, per questo suonano la grancassa del militarismo e del nazionalismo, per impedire la solidarietà delle classi sfruttate e oppresse.
Poiché i governi sono i promotori e i beneficiari delle guerre, per fermare le guerre bisogna far paura ai governi, perché l’unico limite all’arbitrio di ogni governo è la paura che i movimenti popolari riescono a incutergli. L’opposizione alla guerra fa parte del nostro impegno quotidiano a partire dalla denuncia e dal boicottaggio delle produzioni di morte, e dalla critica e decostruzione della retorica militarista a partire dall’educazione e dal linguaggio militarista a tutti i livelli. Bisogna combattere la guerra e gli eserciti con una strategia intersezionale che sappia identificare e contrastare le connessioni tra il militarismo e altre forme di oppressione quali il patriarcato, il razzismo, il capitalismo e ogni forma di sciovinismo, con l’azione collettiva come nelle relazioni personali.
Solo l’azione delle classi sfruttate può fermare la guerra boicottando le produzioni belliche, rifiutando la produzione, il traffico e il trasporto di armi e di ogni strumento di morte, e partecipando ai movimenti di opposizione alle installazioni e basi militari, e promuovendo scioperi a livello nazionale e internazionale contro la guerra e l’economia di guerra. Il movimento anarchico è partecipe di questa lotta, in modo diversificato a seconda delle circostanze, con la critica delle ideologie militariste e nazionaliste, con la costruzione di organismi e reti autogestite, con la pratica dell’azione diretta, con il sostegno a tutte le forme di rifiuto, diserzione e obiezione dei massacri promossi dal capitale e dallo Stato.
Siamo convinte e convinti più che mai della validità del principio anarchico per cui i mezzi devono essere coerenti con il fine. Non ci sono guerre buone né guerre giuste, e in tempi di crescente follia nazionalista e sovranista riteniamo che non dobbiamo mai schierarci in alcuna maniera con i governi né prendere parte in guerre tra stati e blocchi imperiali. Non si muore e tanto meno si uccide per la sovranità territoriale. Le guerre sono tutte criminali e gli eserciti (inclusi i loro corpi ausiliari) sono tutti strumenti dello sfruttamento, del patriarcato e della più o meno "legittima" dominazione statale sul territorio e sui corpi degli individui. Noi non riconosciamo nessuna di queste legittimità territoriali e non siamo disponibili a batterci per nessuna di esse.
La storia ci dimostra che le guerre vengono tradizionalmente combattute per ostacolare l’azione delle classi sfruttate e dei ceti popolari per la propria emancipazione, per questo è importante che l’anarchismo si mobiliti ora contro la guerra, fuori e contro tutte le istituzioni militari. In primo luogo, la nostra forza sta nella circolazione delle idee e la difesa di spazi di produzione e circolazione del pensiero critico, promuovendo l’unificazione dei movimenti pacifisti e antimilitaristi in un fronte di lotta contro i governi. La capacità del movimento anarchico di mostrarsi coerente nella lotta contro la guerra è il modo per attivare le pratiche, l’organizzazione e gli ideali libertari fra le classi sfruttate e oppresse che sono le prime a subire le conseguenze delle guerre. Su queste basi sarà possibile un nuovo protagonismo che dia una soluzione diversa alla crisi, nella prospettiva di costruire una società libertaria.
Federazione Anarchica Italiana- FAI
[documento presentato al XXXI Congresso - Empoli Giugno 2022 e ratificato nelle settimane successive]



PAR : Fédération anarchiste italienne - FAI
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