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Dans un sale État
par Clara le 5 avril 2020

COVID de sens

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Formée en sciences humaines et sociales, je suis aussi soignante depuis plus de 10 ans à l’hôpital public. Je suis, comme beaucoup de monde, révoltée par la situation actuelle et je trouve que, malgré le flux incessant « d’informations » liées au coronavirus, de nombreux points clefs sont évincés. Je vais donc rédiger ce texte sous forme de questions, en espérant qu’il puisse contribuer à amener de nouvelles réflexions, libérer la parole et les échanges.

Je pense en effet qu’il est important que tout le monde soit informé et participe aux réflexions actuelles car elles nous concernent tous. Cette catastrophe sanitaire ne peut reposer uniquement sur des soignants qu’on applaudit et ne peut pas non plus être déléguée à des « têtes pensantes » autoproclamées ou élues.

Nous manquons de masques, de matériel et de moyens humains, nous le savons.
Quid du nombre d’infirmiers formés en réanimation ? Ils ne sont qu’une petite portion de l’ensemble des soignants, déjà en sous-effectif.

A l’hôpital, on nous dit qu’il faut désormais appliquer « une médecine de guerre » et que, malgré le manque de protection (manque de gants, de masques, de blouses, d’effectif dans les services de soins mais aussi de nettoyage, etc.), nous allons « devoir soigner ». Soigner dans ces conditions, est-ce un devoir ?

Se pose aussi la question de la continuité des soins aux autres patients, ceux qui viennent pour d’autres urgences et ceux qui ont des affections de longues durées. Comment peut-on actuellement assurer cette continuité ?

Cet engorgement des soins aurait pu être évité si des mesures au niveau gouvernemental puis hospitalier, avaient été prises dans les temps. Chacun pourra juger de l’amateurisme et de l’irresponsabilité de la gestion pandémique. Tout a été fait mondialement pour tenter de maintenir un semblant d’économie au détriment de la santé des gens, alors qu’en plus, c’est impossible. Ce qui montre bien que ce système malade est voué à s’effondrer. Malheureusement, il est peu probable que nous sortions indemnes de cet effondrement et un « état d’urgence » revenant sur nos acquis sociaux nous attend déjà. Devra t-on encore se sacrifier?

Aujourd’hui, le grand débat sur la chloroquine a lieu, opposant notamment un « comité scientifique gouvernemental » qui nous a allègrement confirmé qu’il n’était pas risqué d’aller voter, à un professeur qui semble entrainer un nouveau culte de la personnalité. Débat montrant à quel point santé et politique sont liés (si nous en doutions encore) ; Malheureusement, ceci ne nous montre t-il pas aussi à quel point la glorification de l’héroïsme prime sur une gestion efficiente de notre santé ?

En attendant, les rétentions d’informations foisonnent, comme s’il y avait : le corps médical responsable et sachant d’un côté et la population de l’autre, irresponsable, et qu’il faudrait donc maintenir dans un état d’ignorance et de désinformation sur sa propre santé. Depuis les décisions de Veil et de Joannet dans les années 70 concernant le numerus clausus pour maintenir leurs privilèges, les médecins se font rares et donc précieux, ceci n’entrainerait-il pas un état de dépendance délétère de la population au corps médical ?

Le corps médical est en concurrence directe avec les directions des hôpitaux qui elles, sans aucun savoir en santé, se sont octroyées le « management » (lean of course) de tout ce petit monde. Ce qui donne, en temps d’épidémie des ordres et des contre-ordres car chacun, direction d’un côté, quelques médecins de l’autre (et ajoutons un certain milieu scientifique), voudrait s’octroyer le mérite de la gestion épidémique. Résultat : une cacophonie de pseudo-dirigeants pour qui, donner des ordres et avoir l’autorité et la notoriété devient plus important que de s’organiser pour pouvoir soigner.

Les soignants et ceux qui travaillent dans les hôpitaux, au milieu de cette absurdité, sont souvent perdus et se raccrochent à leurs valeurs, ce qui est parfois à double tranchant. Car cette question, en l’absence d’un nombre suffisant de tests de dépistages n’est pas posée : Comment mesure t-on le degré bénéfice/risque entre soigner et risquer de contaminer ?

Les médecins ont été réquisitionnés au départ, pour faire des prélèvements oro-pharyngés, dans un effet d’annonce de stade 2 qui était en réalité déjà un stade 3. Les médecins avaient peur car peu d’entre eux savent faire des soins techniques. Ils avaient peur aussi d’être contaminés. Certains ont décidé de se réunir pour faire « des réunions de crise », sans les soignants. Après ces réunions de crise, d’autres ont été imposées (alors que la consigne était désormais d’arrêter de se réunir) pour donner les directives qu’ils avaient réfléchi entre eux.
Est-il normal de nous dire qu’il n’est pas utile de porter un masque pour se protéger ? De maintenir à l’hôpital des activités de type consultations téléphoniques ? De continuer à voir, que les soignants soient symptomatiques ou non, des patients fragiles pour des consultations non urgentes ?

Rappelons le, les médecins ne soignent pas au sens propre, ils diagnostiquent et prescrivent, ils ne sont pas les supérieurs des autres professionnels. Ils sont sensés travailler en collaboration avec les équipes dans lesquelles chacun à un rôle (discutable, certes.) Cependant, le corps médical est devenu décideur dans notre société bien au delà du domaine de la santé, est-ce normal ? La société ne devrait-elle pas être décideuse de la manière dont elle est soignée et des moyens mis en œuvre pour ces soins ?

À l’heure actuelle, on demande aux assistantes sociales de rester à l’hôpital non pas pour des questions d’urgences sociales (qu’elles gèrent de toute façon comme elles peuvent depuis bien longtemps) mais pour vérifier que les hospitalisations actuelles seront bien payées ! Sans parler du sors des migrants, des précaires, des sdf,…
Quand un agent administratif est symptomatique, il est considéré comme « non soignant », donc on ne lui fait pas de test.
Tout cela est-il cohérent ?

Aujourd’hui, certains voudraient nous faire croire que cette panique des « soins » est normale car c’est « une crise imprévue ». Pourquoi n’avons-nous pas été préparés correctement à une gestion épidémique/pandémique ?

Cette gestion, elle est impossible à mener de manière satisfaisante au dernier moment, dans la panique et sans les moyens humains et matériels nécessaires après la casse de l’hôpital public et avec les soignants restants, épuisés par des mois de grève, de mobilisation et d’affaiblissement salarial. Cependant, comment pourrions-nous, dans l’état actuel des évènements, amener une réflexion et une gestion collective en plus de la stratégie de confinement ? Stratégie de confinement nécessaire uniquement parce que la prévention n’est pas faite comme il se doit, par « manque de moyens ».

Nous subissons une culpabilisation et des prérogatives contradictoires. Ceux qui ne sont pas des héros mais juste forcés d’aller travailler ont peur. Ils savent qu’ils ne peuvent pas évoquer certains points en équipe, poser des questions légitimes.
Ils sont bien souvent obligés de se rendre en transport en commun sur leur lieu de travail. Encore une fois, on privilégie un maintien précaire de l’économie alors qu’on assiste, impuissants, à une montée en flèche des contagions. Plus de la moitié des gens en réanimation a moins de 60 ans (sans parler des autres, plus fragiles encore). Et nous n’avons pas atteint le pic des infections.
Peut-on vraiment être un héros qui risque de transmettre le virus à ses patients ? Et qui ne glorifie pas l’héroïsme, la guerre, le sacrifice ?

Dans les médias, c’est au corps médical, scientifique, judiciaire et gouvernemental qu’on donne la parole, à une certaine élite, pendant que les soignants sont dans le marasme ainsi que le reste de la population.
On nous annonce aujourd’hui une durée de confinement non déterminée mais arbitraire, qu’en sera t-il après le confinement ? Le principe de l’immunité de groupe va t-il devoir s’appliquer encore à notre détriment ?
Ne voyons-nous pas que tout ceci est plus un problème de manque de moyens réserver à notre santé qu’un problème de virus ?


Aujourd’hui, des services de communication des hôpitaux continuent eux aussi de fonctionner et en pleine crise, nous demande de leur faire passer toutes les informations sur les initiatives de solidarités (dons à l’hôpital entre autre) et «systèmes D» pour valoriser tout ça, Est-ce honnête ? Indispensable ?
Ne pourrait-on pas considérer que nous contribuons déjà au fonctionnement de l’hôpital public ? Que cette situation n’est pas normale plutôt que de la valoriser ?


Jouer les héros, être dans le déni ne nous sauvera pas. Ne serait-il pas nécessaire de nous concerter sur des questions qui amèneraient plus de sens malgré ce qu’on nous fait vivre ? Ensuite il faudra nous battre contre les mesures prises sous l’état d’urgence qui va revenir sur tous nos acquis sociaux. Et nous battre aussi pour regagner de l’autonomie quant à la gestion de notre santé, une des clefs de voute de nos vies et de nos luttes. Alors rendez-vous en manifestation, dès que nous pourrons…

Clara.
PAR : Clara
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1

le 8 avril 2020 10:38:33 par Papy

Aujourd’hui glorifiées que deviendront demain ces infirmières ( et infirmiers ) ? La révolte gronde,gare à vous politiciens financiers,banquiers ... le temps des règlements de comptes arrivent!!

2

le 9 avril 2020 17:37:48 par Eyaflalajökul

Merci Clara pour ce bel article. qui nous éclairent et nous fait poser de bonnes questions.
De plus pour moins le confinement n’est qu’un retardateur de contamination et non une solution en soi. Quid du déconfinement ? sera ton sûr que plus personne ne sera infecté et qu’il n’y aura pas plusieurs vagues de contamination. La réponse est non.
Les gouvernants veulent nous donner la conviction qu’ils peuvent tous gérer même l’ingérable. dommage pour eux avec moi cela ne marche pas.
De plus cette hypocrisie dont ils font preuves vis à vis de vous personnels hospitaliers. Méprisés pendant des années, lanceurs d’alertes sanitaires ils vous on traités comme des gêneurs, des moins que rien, matraqués pendant les manifs et maintenant en toute duplicité ils vous glorifient sans honte de leurs discours du passé.
En effet tout ça est lié au capitalisme avec cette satanée règle des 3 % ou ils ont sans vergogne disloqué l’hôpital public pour faire des économies et maintenant ils bouffent leurs chapeaux en voyant ce que cela va coûter à mettre tout un pays à l’arrêt et à le relancer. De plus les crédits sur la recherche médicale qui ont eue une cure d’amaigrissement drastique depuis des décennies et voila que dans l’urgence il se rendent compte qu’ils n’ont plus aucun labo. Et avec la mondialisation en faisant travailler des salariés sous payés dans des pays dictatoriaux pour amasser plus de profits encore on se retrouve sans même une usine capable de fabriquer de l’aspirine. Sans compter les scandales médicaux qu’ils ont voulut étouffer ( Médiator, levothyrox, depakine etc.. ) car la plupart sont actionnaires des firmes qui fabriquent ces médicaments loin la bas ou les gens n’ont pas de protection sociale ni de syndicat, ni parfois l’argent pour se soigner.
Le capitalisme s’est tiré une balle dans le pied, ce pourrait être drôle sauf que ce sont nous les humains qui payons l’addition de nos vies.
Sans compter le haut comité scientifique qui à tenu à maintenir le premier tour des municipales ( ou le plus fort taux d’abstention à été atteint ) qui à sciemment fait accélérer le taux de taux de contamination. Des criminels.
Et tout ces soit disant experts médicaux qui se chicanent au non de la notoriété qu’ils pourraient en tirer, au nom d’intérêts de firme pharmaceutiques dont ils sont actionnaires ou dirigeants. Au lieu de s’allier pour trouver un vaccin , ou une molécule pour guérir; non ces gens se chamaillent c’est pitoyable.
Cette crise sanitaire personne encore n’en mesure encore les impacts, sociologiques, économiques, psychologiques, tellement ce phénomène est énorme imprévisible et va transformer de façon indubitable le monde d’aujourd’hui de demain. Et croyez moi tout ces petits monsieur en costume cravates qui nous assurent qu’ils ont la situation sous contrôle je ne les crois pas.
Sans parler du flicage de la population. de l’assignation a résidence d’une population avec une police qui fait la pluie et le beau temps même si votre attestation est en règle et signée. De plus les maires les préfets émettent des décrets, des arrêtés tous plus débiles les uns que les autres. ’’ interdit de courir dans les rues de 10 à 19 heures ’’ courir c’est à partir de quel vitesse un deux ou 3 km/h ? pourquoi entre 10 et 19 heures ? le virus est supposé être plus contaminants pendant ces heures la ? Au royaume des fous le con est le roi.
Faut faire chier la populace et lui faire payer le mouvements des GJ et des manifs contre la retraite à 80 ans.
Bientôt nos téléphones seront tracés, fouillés, gpsés. Le rêve de contrôler toute une population dont ils pensaient qu’il était infaisable un virus leur a permis d’y arriver.
La tentation pour eux sera grande pour eux de maintenir ce contrôle permanent des populations.soyons vigilants.
Cette histoire n’est pas fini. Gardons nos forces pour leur montrer qu’’on se libérera de leurs chaînes une fois pour toutes.
Et pour finir, un merci sincère pour tout les soignants qui se tue à la tache et se sacrifient pour que d’autres vivent.
honneur a vous tous personnels soignants.

3

le 10 avril 2020 08:33:51 par andré

Merci à toutes les Claras qui pensent encore et réagissent devant ce marasme sanitaire qui aurait dû être anticipé.
Les compagnies d’assurance de voyage l’ont bien fait elles, qui depuis le dernier SARS ont retiré pandémie et épidémie de leurs clauses de remboursement. Le saviez-vous? Alors pourquoi pas les gouvernements sont-ils incapables de prévention? Parce que leurs économies passent avant tout