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par Grupo Tierra de la Federación Anarquista Ibérica (« Tierra y Libertad ») le 15 janvier 2018

La richesse de la famille Franco

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Article extrait du « Monde libertaire » n° 1793 de mars 2018
Décembre 2017 a vu le décès à Madrid de María del Carmen Ramona Felipa María de la Cruz Franco Polo, duchesse de Franco et grande d’Espagne. Nous ne le mettrions pas en avant si cette dame n’était la fille unique de Francisco Franco, qui a été le dictateur de ce pays depuis la victoire en 1939 du camp putschiste lors de la guerre civile jusqu’à sa mort en 1975. Cette victoire a fait de Franco un chef d’État et il a profité ainsi que sa famille sur le plan financier d’une terrible dictature. Depuis lors, aussi bien la famille Martínez-Bordiú y Franco que les familles des généraux et du grand patronat qui ont été les bénéficiaires de la victoire du soulèvement militaire, non seulement ont conservé leur statut, leurs privilèges et leurs titres de noblesse (pour ceux qui en avaient) mais ont accumulé au fil du temps une grande fortune à la faveur aussi bien du régime précédent que de l’actuel. Et la famille de Franco, bien qu’ayant perdu le pouvoir en faveur de la monarchie constitutionnelle, a maintenu son statut et conservé toutes ses richesses et, qui plus est, les a multipliées.

Le patrimoine de la famille aujourd’hui


La famille Martínez-Bordiú y Franco accumule un patrimoine de centaines de milliers d’euros. Les données dont nous faisons ici état sont publiques et à la portée de n’importe qui. L’activité principale de Mme Franco (Carmen Franco Polo) était la spéculation immobilière à travers diverses sociétés, telles que Filocasa SL (qui a fait un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros en 2014) ou Montecopel, à travers laquelle elle louait pour son propre compte. Les deux entreprises avaient leur siège rue Hermanos Bécquer à Madrid. Sargo Consulting SL, spécialisée dans le conseil financier, gérait son patrimoine immobilier qui se chiffre à plus de 500 millions d’euros. Certaines des propriétés les plus importantes de Carmen Franco Polo sont le manoir de Meiras en Galice, géré par la Fondation Francisco Franco (dont elle était présidente d’honneur) ayant pour but de glorifier le dictateur ; l’hôtel particulier de Cornide à La Corogne ; la propriété terrienne de Valdefuentes à Arroyomolinos (ancienne propriété du comte Romanones) ; l’immeuble de la rue Hermanos Bécquer, 8, dans le quartier huppé de Salamanca à Madrid ; une villa dans la résidence privée Los Monteros à Marbella ou la propriété Canto del Pico de Torrelodones, vendue pour 300 millions d’euros dans les années 1980.

A l’instar de leur mère, les enfants se sont consacrés principalement au business de la spéculation immobilière et du show télévisé… Carmen Martínez-Bordiú vit du star-système télévisuel. Elle compte parmi ses entreprises Ocnarf SL, une société d’image de marque et de publicité, ainsi que Cazalla 18 de Junio SL, spécialisée dans l’exploitation des droits d’image. Maria gère La Moraleja SL, spécialisée dans l’exploitation agricole, et CM16 SL, spécialisé dans le secteur hôtelier. Francis Franco est président de Proazca, spécialisée dans la gestion, la location, l’achat et la vente de toutes sortes de parkings, avec un actif de 2 millions d’euros. María del Mar (gérante) avec sa fondée de pouvoir, María Aránzazu, gère Marletmakai SL qui s’occupe de « promotion, construction et location d’immeubles ». José Cristóbal possède une maison de production de publicité et d’études de marché ainsi que des sociétés immobilières. Et Jaime, plusieurs cabinets de conseil et sociétés immobilières telles que Cronical Business SL et Francoveda SL. Il est en outre lié au trafic de drogue et à des réseaux de corruption et de délits d’initiés dans l’affaire Malaya. Donc, en plus de tout cet argent amassé grâce au star-système, ils vont à présent se partager le gâteau que leur laisse leur mère en héritage.

Fondements de leur richesse


Francisco Franco repose aujourd’hui dans le mausolée de Valle de los Caídos, construit sous la dictature, par des milliers de prisonniers politiques réduits en esclavage et enterrés sur place. Aberrant symbole de domination des vainqueurs, de soumission et d’humiliation des travailleurs qui défendaient des idées de justice économique et sociale, ainsi que de la perpétuation de l’idéologie nationaliste, conservatrice et religieuse toujours en vigueur en Espagne de nos jours. Toute la fortune de la famille Franco et d’autres putschistes s’est bâtie sur la défaite de ces travailleurs qui cherchaient la fin de l’exploitation et une organisation économique et sociale juste. Et il y avait de quoi ! Car ce sont l’Église, les militaires et le grand patronat qui ont tiré parti de la victoire lors de la guerre civile et qui aujourd’hui accaparent le pouvoir politique et économique dans ce pays. Les pactes de la « transition espagnole » ne sont qu’une façon de permettre la continuité du régime franquiste et d’adapter l’organisation politique et économique aux démocraties européennes, moyennant une série de concessions sociales et de certaines libertés civiles dans un cadre juridique moins restrictif que le précédent, étayé par la Constitution espagnole. Y sont garantis plusieurs des piliers idéologiques du régime franquiste, modifiés et adaptés afin de les pérenniser.

En voici les principaux :

L’institution monarchique qui restaure la monarchie, garantit au roi d’exercer la fonction de chef d’État et le commandement suprême des forces armées. Tout cela passe de Franco à la monarchie. Le Congrès et le Sénat deviennent éligibles par démocratie représentative à travers des partis politiques, les gens votant et légitimant ces partis pour détenir le pouvoir politique et pour que l’État continue à avoir le monopole de la violence.

La propriété privée qui est le moteur des inégalités sociales et de la domination de la classe des patrons sur les travailleurs. Elle est maintenue et renforcée.

L’État non confessionnel : l’État cesse de professer la religion catholique, une formule est adoptée qui indique que même si l’État ne proclame aucune religion, les privilèges économiques de l’Église catholiques contenus dans les accords entre l’État espagnol et le Saint-Siège de 1979 sont garantis.

L’unité de l’Espagne : ce pilier idéologique du franquisme est conservé, même s’il est transformé et adapté par la division du pays en autonomies, en décentralisant le pouvoir politique et en renforçant l’État bureaucratique.

Évidemment, tous les articles de la Constitution à fond social, comme l’article 47 qui parle de logement digne (l’art. 35 qui donne le droit de choisir son travail ou l’art. 39 sur la protection sociale), n’intéressent pas les élites financières. C’est pourquoi l’État les laisse de côté ou bien investit a minima pour sa bonne image. D’autre part, la Constitution en tant que telle n’a été réformée que deux fois et toujours pour des exigences internationales. La première fois, en 1992, pour s’adapter au traité de Maastricht (acte fondateur de l’Union européenne), et en 2011 pour donner la priorité au paiement de la dette publique générée par les banques après la banqueroute de 2008. L’ouverture du régime a été exigée aussi bien de l’intérieur du pouvoir politique et économique de l’État que de l’extérieur : les États-Unis et les pays européens où le patronat appelait à une transformation du régime lui permettant une ouverture économique, ce qui se traduit par l’ouverture de nouveaux marchés, davantage de possibilités financières et de bénéfices.

Un exemple de la politique d’ouverture opérée par certains groupes liés au régime est celle des intellectuels qui s’organisèrent autour du Grupo Tácito. Beaucoup d’entre eux étaient issus de familles des hautes sphères du franquisme. Ils développèrent des alternatives réformistes au régime dans un cadre libéral, chrétien-démocrate et conservateur. Malgré les différences en leur sein, une fois achevée la transition, ils obtinrent des postes politiques à responsabilité dans diverses instances, à travers les partis UCD ou AP et, par la suite, une place dans de grandes entreprises comme les compagnies d’énergie, etc. Bref, ils tirèrent leur épingle du jeu.

Le sort des centaines de travailleurs réprimés et assassinés pendant l’agonie du franquisme pour avoir créé des syndicats, pour avoir été les instigateurs de luttes au travail ou fait preuve de solidarité fut bien différent. De l’autre côté des pouvoirs financiers et politiques, il y a les « gens d’en bas », nous les travailleurs qui n’avons pas de titres de noblesse ni de richesses ni de grandes propriétés terriennes, qui ne vivons pas du « star-système » mais qui avons besoin de travailler pour que les politiques et les grands patrons puissent continuer à vivre sur leur piédestal. Chômage, misère, précarité, contrats de travail humiliants, conditions de travail dégradantes, des centaines de travailleurs morts ou accidentés au travail et des maladies professionnelles à foison, marginalisation, familles éclatées, émigration forcée, etc. Voilà quelques-unes des nombreuses misères que nous devons endurer jour après jour en tant que travailleurs, à cause du capitalisme et des inégalités sociales, dans un pays où plus de 13 millions de personnes risquent l’exclusion sociale d’après le rapport « L’état de la pauvreté en Espagne » de 2017.

A ce jour, la société fait des pas de géant et les grands patrons nous obligent à nous adapter à une infinité de changements brutaux dans le modèle économique et social afin que nous restions productifs, aussi bien sur notre poste de travail que dans nos relations sociales. Cette adaptation n’existe pas pour cette élite, étant donné que son modèle idéologique et sa façon de vie restent inchangés. Elle stagne sous l’influence des valeurs idéologiques dominantes et est conditionnée par le niveau de vie que la génération de ses grands-parents a obtenu par les armes. Le décès de cette dame qui n’a rien fait d’autre dans sa vie qu’être la fille d’un dictateur et la fortune considérable que ses héritiers vont se répartir est la meilleure illustration de la réalité sociale du pays où nous vivons. Celle d’une élite qui s’est construite sur les cadavres de milliers et de milliers de travailleurs, celle dans laquelle les uns vivent sur le dos des autres sans en fiche une rame, piétinant tout ce qu’il faut pour assurer leurs privilèges et multiplier leurs acquis face à ceux qui chaque jour doivent les maintenir avec un maigre salaire pour s’en sortir…
PAR : Grupo Tierra de la Federación Anarquista Ibérica (« Tierra y Libertad »)
Traduit de l’espagnol par Monica Jornet
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