Quand élection rime avec pognon...

mis en ligne le 6 novembre 2004

Le lecteur fidèle du Monde libertaire le sait déjà (cf. [ML n° 1073- rub1188]), les partis politiques passent à la caisse après chaque élection. Au prorata du nombre de voix obtenues, et dans le cadre des législatives il faut présenter au moins cinquante candidats. L'État, bon prince, leur verse des sommes conséquentes et non négligeables. Le prétexte étant que le jeu démocratique nécessite de l'argent, et on s'en aperçoit vite, avec ce principe, à la loterie électorale à tous les coups ils gagnent !

L'autre grande justification étant l'ordre moral : pour assainir la vie politique et éviter pots-de-vin qui font tache, bakchichs, fausses factures et autres joyeuseté comptables se passant généralement en dessous des tables, nous en resterons là, la liste complète prendrait bien trop de place tant l'imagination des prévaricateurs de tout poil est sans limite, l'État donc, en bon père tutélaire au dessus des partis, leur donne leur argent de poche. Ce qui est un peu fort quand on considère le nombre d'affaires qui ont éclaté, éclatent et n'en doutons pas éclateront malgré la distribution de cette manne ! Outre que partis et organisations politiques devraient se suffire à eux-mêmes, ne serait-ce que pour leur nécessaire indépendance vis-à-vis de l'État, ce système de financement public montre à quel point la vie politique, ou plutôt la vie politicienne, est tombée bas. Si pour ces partis faire de la politique coûte aussi cher, c'est essentiellement parce que le marketing a pris le pas sur la propagande, que la forme importe maintenant plus que le fond, qu'une idée politique, s'il leur en reste, n'est plus qu'un concept publicitaire fumeux et par conséquent onéreux au même titre qu'une marque de lessive ou de voiture ! Un beau dépliant en quadrichromie sur papier glacé, fut-il vide et creux du point de vue des idées, pour eux, vaut mieux qu'un tract au contenu idéologique solide, quel qu'il soit ! Ajoutez à cela la photo... important la photo... avec fond travaillé et tout et tout, et vous comprendrez pourquoi le rêve secret de tout candidat est d'avoir le sourire de Patrick Sabatier (celui que mon dentier envie) ou celui de Tony Blair !

Mais où ça devient amusant (si on peut dire) c'est qu'à l'escroquerie électorale, pléonasme direz-vous, s'ajoute dorénavant l'escroquerie tout court ! Libération du 3 mai 1997 nous informe (une fois n'est pas coutume) que Génération Écologie recrute des candidats ! Le groupuscule (a)vide d'adhérents de l'écolo-chiraquien et ex-mitterrandiste Brice Lalonde cherche des volontaires qui accepteraient de se présenter à la députation au nom de Génération Écologie, non pour défendre becs et ongles les propositions du mouvement (En a-t-il ?), mais plus prosaïquement afin de pouvoir renflouer ses finances ! Accessoirement, ça doit permettre aussi au leader charismatique de continuer à percevoir un solide revenu en attendant d'obtenir le poste ministériel pour lequel il fait antichambre depuis son dernier, mais pas ultime retournement de veste. Vous ne rêvez pas : si Génération Écologie engage, ce n'est pas pour renforcer et diffuser ses idées au sein de la population ébahie, or la réalité est plus terre à terre : vous aurez compris que foin de l'écologie, c'est du fric qu'il s'agit ! Apparemment les caisses sont vides, il y a urgence et péril en la demeure ! Aussi écrit-il : «Nous avons un besoin urgent de candidats et de suppléants, faites le tour des membres de votre famille et de vos amis pour leur demander s'ils accepteraient eux aussi d'être candidats de GE».

En gros, tout ce qu'on leur demande, c'est d'aller ou de se faire inscrire dans une préfecture (pas besoin d'être domicilié dans la circonscription où on est candidat) et le mouvement prend tout à sa charge ! Bref, il faut accepter de servir de prête-nom et puis c'est marre, même pas la peine de se farcir les cages d'escalier ou les préaux d'école. Après, par ici la monnaie ! Pour Brice et sa bande cela s'entend, pour les gogos pigeonnés une poignée de main ou une lettre de remerciement (avec photo dédicacée) !

D'autres écolos ne sont pas en reste, le Mouvement des écologistes indépendants (MEI) du complément capillaire Antoine Waechter veut présenter lui aussi deux cents candidats pour des raisons quasiment identiques, la seule différence étant qu'il s'agit d'épurer un passif, à savoir qu'il faut rembourser les militants qui avaient financé, parfois en s'endettant, la campagne présidentielle de leur Père Vert ! C'est kif-kif pour Convergence Écologie Solidarité (CES) de Mamère et ses 75 candidats. Nul ne pourra nier qu'en vrais écolos, ils savent recycler... l'argent public ! Et qu'ils ont beau prétendre être des novices en politique, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils apprennent vite !

Pour la petite histoire, et l'édification morale des générations futures d'électeurs, cette espèce toujours pas en voie de disparition, apprenez que les époux Manovelli, fondateurs des Nouveaux écologistes et du Rassemblement Nature et animaux (Nerna) en présentant quatre cents candidatures de ce tonneau, ont recueilli 3,2% des voix aux législatives de 1993, mais surtout sept millions de francs dont 1,8 million en 1995 et ce (on vit une époque formidable ) malgré avoir été déclarés inéligibles pour un an (tout en continuant de palper) !

S'il fallait des preuves supplémentaires du mépris dans lequel les politiques tiennent leurs électeurs, cette méthode de financement en serait une, sans oublier le cynisme et la morgue propres à cette caste de parasites qui font mine de se combattre alors qu'ils ne se préoccupent au final que de leurs intérêts...