4e Marche mondiale des femmes : tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous resterons en marche !

mis en ligne le 10 décembre 2014
En 2000, en 2005, en 2010, la Marche mondiale des femmes contre les violences et la pauvreté a rassemblé des centaines de milliers de femmes sur tous les continents : les femmes, en marchant, veulent faire entendre leur voix et leur volonté d’un monde plus juste, égalitaire, solidaire, pacifique et libre.
Les femmes courent toute la journée entre le travail, les tâches domestiques, l’éducation des enfants, les soins aux aînés. Mais si enfermées soient-elles au foyer, dans les contraintes familiales et religieuses, sous le foulard ou le niqab, dans les stéréotypes qui leur sont imposés, mais aussi dans la pauvreté et le faible niveau d’accès à l’instruction, pour une part d’entre elles, elles savent aussi s’unir pour changer le monde injuste et porteur de violences extrêmes. Le patriarcat, le capitalisme, les religions et le racisme contrôlent la vie des femmes dans le monde entier. À coups de crises financières, alimentaires, énergétiques, environnementales ou idéologiques, les populations en subissent les conséquences : perte d’emplois, précarisation, pauvreté, montée de l’ordre moral et des religions, violences s’abattent encore plus durement sur les femmes. En 2015, une nouvelle échéance mondiale abordera cinq thèmes : justice climatique/souveraineté alimentaire ; violences contre les femmes ; montée des extrêmes ; migrations et mondialisation ; autonomie financière.
La notion de justice climatique peut apparaître étrange mais elle relève de deux facteurs qui interagissent : l’un environnemental, l’autre humain ; et d’échelles spatiales et temporelles qui amènent soit un repère de justice corrective ou commutative, soit un repère de justice distributive. Mais de toute façon cette empreinte écologique conduit à détruire des cultures vivrières au profit de cultures immédiatement beaucoup plus rentables : ainsi disparaît la biodiversité génétique de la faune et de la flore. Comme la plupart des paysans sont des femmes, elles s’appauvrissent ainsi d’autant plus qu’elles sont privées de récolter et consommer ce qu’elles produisent.
Et pourtant elles produisent plus de la moitié de la production alimentaire mondiale, allant jusqu’à 75 %, voire 80 % dans certaines régions du globe. C’est cette absence de souveraineté alimentaire et de pauvreté pour les femmes qui les appellent à migrer dans les pires conditions, avec les enfants sur les bras quand elles les emmènent ou en les laissant à la communauté. Sur les 191 millions de migrants internationaux recensés en 2005, les femmes en constituent 94,5 millions. Elles représentent aujourd’hui la majorité des immigrants pour de nombreux pays, en particulier l’Amérique du Nord, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Océanie. Elles sont recrutées comme employées de maison le plus souvent, parfois comme infirmières lorsqu’elles sont titulaires du diplôme. Mais les femmes migrantes sont particulièrement vulnérables à l’exploitation, aux discriminations et aux abus. Beaucoup d’entre elles sont exposées aux violences, à des conditions de travail précaires et, de plus en plus, au commerce du sexe. Dans une grande partie des pays d’accueil, notamment au Moyen-Orient, les employées de maison se voient retirer leur passeport à leur arrivée et sont à la merci de leurs employeurs. Beaucoup d’entre eux ne leur versent aucun salaire, les tiennent en captivité, en esclavage, leur imposant de travailler sept jours sur sept, les brutalisant, les violant, voire les torturant.
Le commerce du sexe et l’exploitation de migrants clandestins représentent à ce jour la troisième source mondiale de revenus « illicites » après la vente d’armes et le commerce de drogues. Le trafic international des êtres humains concerne de 600 000 à 800 000 personnes. Or 80 % des victimes de ce trafic sont des femmes. Les autres formes d’exploitation sont le travail forcé dans l’agriculture et les industries manufacturières. Les migrations de femmes pour des mariages forcés est aussi en augmentation. Quant aux femmes réfugiées, elles sont particulièrement vulnérables à diverses formes de violence. La majorité des femmes réfugiées dans des camps ont été victimes de viols. Les violences sexuelles sont des armes de guerre, surtout depuis le début des années 1990. Elles sont à l’origine de grossesses forcées, de mutilations et de propagation du sida dans la population féminine déplacée.
Parmi le 1,5 milliard de personnes qui vivent avec 1 dollar par jour ou moins, nombreuses sont les femmes. Le fossé entre les femmes et les hommes pris dans le cycle de la pauvreté a continué de se creuser au cours de la dernière décennie. C’est généralement l’expression de « féminisation de la pauvreté » qui sert à désigner ce phénomène. Dans le monde, les femmes gagnent, en moyenne, à peine plus de 50 % de ce que gagnent les hommes. Les femmes pauvres n’ont souvent pas accès aux ressources essentielles que constituent le crédit, le prêt et l’héritage. Leur travail n’est ni payé à égalité de celui des hommes, ni reconnu. Leurs besoins sanitaires et alimentaires ne constituent pas des priorités. Leur accès à l’éducation et aux services d’aide est insuffisant ; leur participation à la prise de décisions dans le foyer, comme au sein de la communauté, est minimale. Les femmes prises dans le cycle de la pauvreté n’ont pas accès aux ressources et aux services qui leur permettraient d’en sortir. Pourtant, elles jouent un rôle productif et social important pour la communauté : travaux agricoles, élevage du bétail, commerces et revenus financiers, relations sociales, éducation et soins des enfants… La pauvreté des femmes affecte directement toute la société.
Même en France, les femmes représentent 51 % de la population et 53 % de la population pauvre, soit 2,3 millions de femmes pauvres. Le taux de pauvreté féminin est de 14 %, tous âges confondus, et de 12,8 % pour les hommes, mais ce taux est de 23,7 % pour les femmes de 18-24 ans. Celui des familles monoparentales est de 32,4 % contre 10,8 % pour les couples. La monoparentalité concerne des femmes seules avec enfants dans 85 % des cas.
à ce tableau s’ajoute la montée de l’appareil religieux et de l’idéologie capitaliste, dans un contexte de guerre, qui rabaisse la femme au rang de pondeuse ou de salope, lui imposant la loi du père ou du frère puis du mari, lui interdisant tout désir sexuel au profit du devoir conjugal, voire du viol, lui déniant tout droit à l’avortement et à la contraception et donc toute autonomie. Vente, mariage forcé, viol, torture, lapidation, brûlures, sont le lot de toutes celles qui ne seraient pas (ou seraient d’ailleurs) adeptes des principes de la religion du conquérant. Par exemple, les femmes et les enfants chrétiens et yézidis enlevés par Daech et vendus comme esclaves ont désormais un tarif. Femmes de 40 à 50 ans : 35 euros ; femmes de 30 à 40 ans : 52 euros ; femmes de 20 à 30 ans : 69 euros ; jeunes filles de 10 à 20 ans : 104 euros ; enfants de 1 à 9 ans : 138 euros. L’exploitation du corps des femmes est contrôlée et régulé à partir de règles morales de sexualité hétéro-normative, lesbophobe, phallique, centrée sur le plaisir masculin.
Harceler, violer, acheter une femme devient la norme pour certains ; tuer une femme aussi. Cette semaine, deux faits nous alertent une fois de plus parmi d’autres. En Italie, un homme de 32 ans a tué son ex-compagne de 34 ans de plusieurs coups de couteau au domicile de la victime dont il était séparé depuis une année. Au moment où se déroulait ce meurtre, apparaissait un message sur le compte Facebook de l’assassin : « Tu es morte salope ! »
En Turquie, le président Recep Tayip Erdogan estime qu’hommes et femmes ne peuvent être traités de la même façon « parce que c’est contre la nature humaine » : la religion a défini « leur place : la maternité ».
Des femmes disent non ! Elles veulent lutter, résister, se mobiliser et organiser des alternatives à ce monde mortifère. Entre le 8 mars et le 17 octobre 2015, des actions collectives seront organisées en France comme dans le monde entier. Le 8 mars, la Marche mondiale des femmes sera lancée, avec le départ d’une caravane féministe européenne du Kurdistan. Cette caravane a pour objectif de rendre visibles les diverses réalités, sexuelles, politiques et économiques des femmes. Le 24 avril, vingt-quatre heures d’actions féministes rendront hommage aux victimes du Rana Plaza, actions contre les transnationales. Les 6 et 7 juin, la caravane féministe européenne sera accueillie lors de l’Agora féministe nationale à Nantes. Le 17 octobre, journée internationale contre la misère et la pauvreté, la caravane arrivera au Portugal. L’auto-organisation des femmes est la stratégie de renforcement en tant que sujets politiques et de construction d’une force mondiale en alliance avec les mouvements sociaux de luttes anticapitalistes. À chaque étape, des rencontres, des débats, des actions. Ils et elles ne seront que ce que les militantes et les militants en feront.