Clément : ni oubli ni pardon

mis en ligne le 3 juillet 2013
1713AntifaLe dimanche 23 juin, la place de l’Opéra à Paris s’est remplie petit à petit jusqu’à contenir environ 6 000 manifestants venus crier leur douleur et leur rage après l’assassinat de Clément Méric en pleine rue et en plein jour par trois néonazis, quinze jours auparavant. Avant le départ de la manif, vers 15 heures, une vingtaine d’antifascistes ont tenté de faire pendre du balcon de l’Opéra de Paris, une banderole portant ce message : « Contre le fascisme, l’état et le capital, une révolution reste à faire. » Malheureusement, les vigiles de l’Opéra les en ont violemment empêchés, sous les huées de la foule : « Opéra collabo »… La banderole a cependant pu être visible durant une petite demi-heure, fixée à l’arrache aux statues et bloquant l’entrée du bâtiment aux touristes. Les intervenants ont été acclamés par la foule présente sur la place.
La manifestation s’est ensuite ébranlée, précédée de la banderole « Clément à jamais dans nos mémoires, à jamais dans nos cœurs », suivie par deux banderoles écrites en allemand et portées par des antifascistes venus d’outre-Rhin avec inscrit sur la première : « L’antifascisme est la réponse à l’avancée néonazie et à la répression d’État » et sur l’autre : « Pas de pardon, pas d’oubli, repose en paix Clément ». Le cortège a ensuite traversé le Louvre. Comble du ridicule, la police avait mis des barrières pour empêcher les touristes de traverser la manifestation. Symboliquement, les manifestants se sont arrêtés pont du Carrousel où un discours a été prononcé en mémoire du Marocain Brahim Bouarram, mort par noyade après avoir été jeté dans la Seine par des manifestants issus du cortège du FN, le 1er mai 1995. Avant de retraverser la rue de Rivoli, des personnes logées dans un immeuble bourgeois du quartier agitaient des drapeaux de la Manif pour tous et des drapeaux français. Ils ont été hués par la foule et traités de complices de l’homophobie et des fascistes. Des manifestants ont pénétré dans l’immeuble pour y taguer des slogans antifascistes et antihomophobes.
À l’approche de la gare de l’Est, le cortège s’est un peu disséminé sous un gros orage d’été, avant d’arriver place de Stalingrad où une armée de CRS les attendait, planqués autour de la place. Cela n’a pas manqué : au lieu de laisser la manifestation se dissoudre dans le calme, surtout dans un moment fort en solennité et en émotion, trente-cinq personnes ont été interpellées, sous prétexte que quelques vitrines de banques avaient été brisées sur le parcours. La presse du lendemain n’a parlé que de cet épiphénomène. Un grand classique, assimiler les antifascistes aux « casseurs ». Pratiquement aucune image de la manifestation sur la plupart de chaînes de télé, trop occupées à commenter le match UMP-FN pour la législative partielle du Lot-et-Garonne, qui a vu le FN arriver à 46 % des voix. Eût-ce été trop demander aux médias que de passer quelques images de la manif en mémoire de Clément en guise de réponse des antifascistes ? Décidément, la France a de plus en plus de mal à se départir de son passé vichyste qui lui colle à la peau…