D’Atenco à Notre-Dame-des-Landes : l’aéroport en question

mis en ligne le 29 mai 2013
1708KalemÀ l’occasion du week-end « chaîne humaine », un groupe de Mexicains, en tournée en France pour informer sur leur lutte, est passé à la ZAD. Le samedi soir, le groupe de musiciens a joué et le dimanche, en fin de matinée, deux d’entre eux, accompagnés d’un documentariste et d’une copine traductrice, sont intervenus devant une cinquantaine de personnes présentes sur la ZAD.
Avant de commencer leur intervention, les deux compagnons mexicains nous interprètent avec chant et guitare Sí, Zapata Vive.
S’ensuit une prise de parole passionnée et inspirée au sujet de la lutte des paysans contre le projet d’aéroport à Atenco. Ces deux porte-parole vivent la lutte depuis des années de l’intérieur et cela se voit, la rage et l’espoir se sentent. Il y a une réelle volonté de partage avec les militants de la ZAD tant les luttes semblent proches et les espoirs communs, malgré la distance géographique, culturelle ou sociale. Tout finit en chanson et en coups de gueule repris par tous : « La tierra no se vende, se defiende ! » (La terre ne se vend pas, elle se défend !)

Un projet d’aéroport à San Salvador d’Atenco
En 2001, Jaime Fox monte un projet d’expropriation du territoire d’Atenco qui couvre 15 000 hectares pour y construire un aéroport. La Constitution le lui permet, comme elle permet à tout projet dit « d’utilité publique » et présenté par une grande entreprise de voir le jour, y compris au mépris des populations locales, de la sauvegarde de la terre cultivable ainsi que de la protection de l’environnement. Il n’y a donc pas de consultation des communautés.
Dans un premier temps, les habitants prennent peur : leur survie dépend de la terre pour eux et leurs familles. Leur survie, mais aussi leur mode de vie (autonomie, racines, traditions, etc.) : c’est un peuple qui va disparaître.
Les médias à la solde du pouvoir et du capital en rajoutent dans la désinformation. Les hommes politiques corrompus cèdent aux promesses des entreprises. Les partis politiques divisent l’opinion.

La lutte
Par conséquent, c’est dans l’autonomie des assemblées de communautés, dans la conviction et dans l’unité de toutes et tous (rôle des femmes reconnu depuis peu dans la lutte) que va se construire la résistance, une résistance qui dure depuis plus de treize ans. Plus de treize communautés représentant 150 000 indigènes se révoltent et s’organisent.
Ils tentent les moyens légaux sans succès, puis passent à une résistance active.
Leur symbole est la machette, grand couteau utilisé par tous les indiens pour se déplacer et travailler.
Dès 2002, il y a des provocations, des emprisonnements, des assassinats organisés par l’État. Au bout de neuf mois de lutte, le décret est supprimé. Le projet de barrage abandonné.
Cependant, en 2006 1, la police et l’armée se lancent à nouveau dans la répression. Ces communautés qui vivent dans l’autonomie sont décidément dangereuses pour l’État. Il y a plus de 200 emprisonnés, une quarantaine de femmes violées. La résistance persiste, le mouvement ne pardonne pas et n’oublie pas.
Aujourd’hui, le gouvernement de Pena Nieto (ancien gouverneur de la région d’Atenco) remet en route le projet d’aéroport. Il achète les terres. Des entreprises minières s’installent pour rechercher or, argent, eau. Les ressources du pays sont livrées au capital.
La lutte continue, mais elle a besoin du partage de l’information et de la solidarité internationale. Ces communautés d’hommes et de femmes ont acquis la conscience de leur force et de leur capacité à faire obstacle à ces projets de destruction. Ils ont acquis la conviction que seule la base pourra mener ce rapport de force en toute autonomie et dans l’autogestion de leur lutte.
Les mouvements de résistance de Bello Monte au Brésil, en Italie contre le TGV Lyon-Turin ou en France contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sont de même nature : sauvegarde de la terre, lutte contre le capital et invention d’une autre vie. À nous de ne rien lâcher !










1. La révolte d’Atenco débuta les 3 et 4 mai 2006, lorsque environ 1 000 agents de police délogèrent un groupe de floriculteurs qui manifestaient contre la création d’un supermarché sur un des terrains de Texcoco (État de Mexico).