Journée mondiale de lutte contre le sida : sport et VIH, un couple parfait ?

mis en ligne le 13 décembre 2012
L’étude « Sport et VIH, un corps sous contrainte médicale », a pour objectif de s’interroger sur les « bienfaits du sport » pour les personnes séropositives. Selon les résultats de l’enquête, si pour les chercheurs c’est une notion très controversée, elle ne fait en revanche aucun doute pour les personnes séropositives. 95 % des 620 interviewées considèrent en effet l’activité physique comme « un facteur de santé et de bien-être », alors que pour seulement 5 % d’entre elles, elle représente « un risque d’inquiétude, d’usure et de mal-être ». Mais, après plusieurs minutes d’interview, les répondants nuancent leurs propos. En effet, les séropositifs doivent composer quotidiennement avec une incertitude de santé inscrite dans le long terme, qui a des conséquences identitaires. Pour leur part, les associations de lutte contre le VIH sont les relais des « indiscutables bienfaits du sport ». Pour elles, l’activité physique devrait idéalement être pratiquée trois fois, de quarante-cinq minutes à une heure, par semaine, « un moyen parmi d’autres de lutter contre le virus et contre les effets secondaires du traitement ».

Différents groupes, différents vécus
Pour relativiser, les auteurs de l’étude expliquent que l’expérience et le vécu du VIH sont loin d’être un terrain de recherche facilement accessible. Ils soulignent la prévalence des différences de « vécus et d’appartenance sociologique ». Si certaines personnes séropositives mènent une existence « quasi et apparemment normale », d’autres sont davantage exposées aux discriminations, voire à l’exclusion. Depuis trois décennies, un certain nombre d’entre elles ne déclarent pas leur statut sérologique, y compris auprès de leurs proches. 21 % des répondants esquivent la question. L’indicibilité du VIH persiste donc et maintient l’invisibilité des personnes porteuses. Trithérapies obligent, moins de 10 % des enquêtés affirment que leur séropositivité est visible ou très visible corporellement.
Mais pour ceux-là, éviter le stigmate associé à l’infection passe par la négation de leur contamination, et ils évitent de pratiquer une activité sportive pour ne pas avoir à « exposer leur corps ». Les liens entre stigmatisation et discrimination sont connus. Ce cercle vicieux n’incite évidemment pas les personnes séropositives à divulguer leur sérologie au tout venant. Seulement un quart des séropositifs interrogés qui pratiquent un sport ont prévenu leurs partenaires sportifs de leur séropositivité, 50 % ne l’ont jamais évoquée et 20 % déclarent l’avoir dissimulée volontairement. Le sport individuel résout en quelque sorte la question par défaut…

Le sport comme automédication
L’impact du VIH sur la vie des malades est complexe. Leurs capacités de résistance et d’adaptation sont fortement mobilisées, que ce soit dans la sphère du travail ou dans des sphères plus intimes. Les personnes actives se démarquent de celles sorties du monde professionnel et bénéficient de statuts aidés (aides sanitaires et sociales). Les séropositifs les plus anciennement contaminés sont souvent passés par une phase de déni, tandis que d’autres, plus récemment touchés, entrent très rapidement dans une logique de prise en charge. Mais, pour la majorité, l’accompagnement médical permet de se maintenir dans la « normalité » et de surveiller son corps. Cette démarche aboutit pour la plupart sur des logiques d’investissement des pratiques sportives, alors vécues comme une forme de « décrassage » qui s’apparente à une automédication.

Les femmes, plus vulnérables
Les femmes sont considérées comme une « population vulnérable » dans les études sur le VIH, principalement parce que leur proportion augmente régulièrement, notamment dans les pays d’Afrique subsaharienne où l’infection est dite endémique. Mais, plus généralement, l’expérience des femmes semble marquée par une plus grande précarité en termes de ressources sociales, culturelles et économiques. Leur rapport au corps est moins sportif (gymnastique douce, marche à pied), à fortiori avec les difficultés générées par le diagnostic du VIH, et ensuite les traitements prescrits. Quant aux gays, leurs activités dépendent à la fois de leur passé sportif et d’une expérience de la vie avec le VIH plus ou moins déchirée entre les injonctions à adhérer au statut de « malade chronique » et la volonté de rester dans ce qu’ils perçoivent comme « la normalité », en se conformant aux expressions subculturelles que cette normalité peut recouvrir.

Une seule solution : l’action collective
L’expérience du VIH est à la fois extrêmement solitaire et pourtant extrêmement partagée. Les mêmes problématiques se retrouvant dans des groupes sociaux aux repères identitaires, aux conditions de vie et aux représentations très différentes. Pour les auteurs, une chose est sûre : « Le processus de “banalisation” et de “normalisation” du VIH ne saurait dépendre d’une découverte biomédicale, ni d’un décret de santé publique. Dans la seconde moitié des années 1990, elles ont au contraire plutôt contribué à l’étouffement progressif d’une forme d’action collective. Ne reste que le vernis des discours prémâchés et des apparences. Dès lors, un constat s’impose : seul le renouveau du mouvement social pourrait faire basculer l’expérience individuelle et collective du VIH hors des tourments et des impasses expérientielles qu’alimente implacablement l’univers aseptisé, ordonné et balisé de la “maladie chronique” et de la pratique physique et sportive qui lui est associée. » Qu’ajouter ?