Nous sommes tous des assassins !

mis en ligne le 1 novembre 1969
En son âme et conscience ! pour protéger les « honnêtes gens », la « justice » accuse et condamne en notre nom à tous.
Chaque jour, nous laissons des portes de prison écraser l’espoir, sectionner le fil d’un rêve, étouffer la soif de vivre.
Nous sommes tous des assassins !
Nous avons assassiné l’Amour. Nous avons regardé mourir Gabrielle Russier sous les coups d’une justice inique. Nous n’avons hurlé, bondi, secoué les juges et les magistrats. Nous avons seulement protesté, avec nos tièdes arguments intellectuels et progressistes. Notre amour de la vie – notre désir d’amour, sans rime ni raison, sans foi ni loi, d’amour fou sans barrière ni horizon, d’amour sauvage, non légalisé, non stérilisé, non identifié, non contrôlé – ne nous a pas dressés le pavé à la main pour briser les vitres d’un « Palais » où règne encore, déguisé en sinistre clown par une tradition poussiéreuse, le juge et sa balance truquée par le conformisme, l’hypocrisie et l’intérêt d’une société pourrissante. Nous n’avons pas su, dans le plateau, mettre le poids de notre colère, de notre volonté !
Nous avons assassiné Gabrielle ! parce que nous tolérons qu’une institution vétuste, complaisante et criminelle porte le nom de « Justice », parce que si nous discutons ses sentences, nous n’avons pas encore refusé son existence même.
Par notre faute, les prisons sont pleines ! Tous les insoumis d’une Société malade d’ennui et de profit y croupissent à l’ombre d’une prétendue justice.
Pour nos compagnons de lutte, enfermés derrière ces murs gris, pour tous les hommes épris de Liberté, qu’ils ont cru trouver, après un hold-up ou un cambriolage, dans la possession d’un magot ;
Pour les meurtriers même dont la place est plus souvent à l’hôpital qu’en prison ;
Pour tous les hommes, estropiés par un monde avide et asphyxiant, accusés, jugés, embastillés ;
Nous nous devons de la reprendre… la Bastille !
La Justice, compagnons ! faisons-la nous-mêmes.