Continental : Clairoix n’a pas suffi

mis en ligne le 23 septembre 2010
La leçon de Clairoix n’a décidément pas suffi, et la mythique classe ouvrière a encore un peu plus de plomb dans l’aile. Peur du chômage et des lendemains qui chantent faux, la petite majorité des salariés des usines Continental de Toulouse, Foix et Boussens est désormais l’attention de tous ceux et de toutes celles que la chose syndicale intéresse. L’histoire ne se répétant pas, elle se contentera cette fois-ci de bégayer.
L’histoire, donc, commence en septembre 2007 à Clairoix et Sarreguemines. À l’époque, les salariés acceptèrent par référendum des propositions patronales en échange d’un engagement de non-fermeture de l’usine. Il est arrivé ce qui devait arriver et les promesses patronales n’ont bien évidemment pas été tenues. Fureur légitime, bombardement du patron avec des œufs, saccage de la sous-préfecture, occupation d’usine, tout fut bon pour médiatiser cette lutte. Il était parfaitement fondé de penser que de telles pratiques patronales méritaient une sanction exemplaire. Malgré l’intensité de la riposte, l’usine fermera ses portes début 2010 après que la direction eut proposé à certains de ses salariés des postes dans son établissement de Tunisie, pour 137 euros par mois ! Fin du premier acte.
Le second a commencé la semaine dernière. La voyoucratie au pouvoir chez Continental a engrangé plus de 30 millions d’euros de bénéfices en 2009 pour 400 millions de chiffre d’affaires et prévoit d’en dégager tout autant en 2010 et en 2011. Jusqu’ici tout va bien. Mais ils n’en auront jamais assez.
Méprisant la représentativité syndicale, la direction de Continental a proposé, par référendum, un gel des salaires en 2011, une baisse de la prime d’intéressement et un retrait de deux jours de RTT, ce qui équivaut globalement à une économie de 8 % de la masse salariale, en échange de quoi les sites de Toulouse, Foix et Boussens seront maintenus en activité jusqu’en 2015. Voilà, c’est en gros ma démocratie ou ma main dans la gueule.
Que croyez-vous qu’il advint de cet ignoble chantage ? Ben rien ! 85 % des salariés ont voté malgré un appel au boycott de la CGT et de la CFDT, et 52 % ont accepté de se livrer pieds et poings liés. Alors trouille verte du chômage, ne pas faire de vagues, les pressions de l’encadrement, les traites du 4 x 4 ou de la brosse à dents électrique ? Y’a sans doute un peu de tout ça ! Mais est-ce une raison nécessaire et suffisante pour accepter l’inacceptable ?
Le patronat ne s’avance même plus masqué. Il est sans foi ni loi, truand de sac et de corde, ignoble, obscène. On peut parier sans gros risques que ce qui s’est passé en Moselle et dans l’Oise va sans doute se reproduire dans le Sud-Ouest, les mêmes causes reproduisant la plupart du temps les mêmes effets.
Ce qu’ils veulent c’est la peau des 35 heures et du droit du travail. Peu importent les moyens, chantage, menace, tout est bon dans le cochon.
Quoi qu’il en soit ce référendum n’a de toute façon qu’une valeur indicative, voire symbolique. Jusqu’à présent et pour qu’un tel accord s’applique, il faut qu’il soit signé par les syndicats majoritaires, ce qui est loin d’être gagné. Aucune des deux centrales n’est en effet disposée à entériner un tel accord. Mais il n’empêche, et c’est bien un des aspects le plus grave de l’affaire, que le patronat a désormais recours de plus en plus souvent à de telles méthodes. Et si la légalité et le droit s’imposent encore un petit peu jusqu’à présent, l’absence de vigilance risque de devenir un ennemi mortel.
Il reste que les 1 120 licenciements de Clairoix auront assez peu inspiré leurs alter ego du Sud-Ouest, difficile de parler solidarité après ça.
Allez, un dernier mot, celui de Jean-Marc Nozeran, directeur du site toulousain de Continental : « Notre démarche s’oppose au high tech high cost pratiqué en Allemagne par exemple ou du low tech low cost chinois. » Comment on dit salopard en novlangue ?