Le merdier afghan

mis en ligne le 12 novembre 2009
Ça va faire des années que cela dure et le bonbon commence à coller au papier. Depuis l’invasion par la défunte URSS de l’Afghanistan au début des années 1980, voilà près de trente ans que cet État, sans accès à la mer, regorgeant de gaz et d’opium, infesté de musulmans radicaux et géographiquement, donc militairement, totalement incontrôlable, nous rappelle aux bons souvenirs de la guerre froide. Colonisé par les Anglais, envahi par l’Union Soviétique, envahi de nouveau par une coalition occidentale à la suite des attentats du 11 septembre 2001, et je fais court, on peut rêver mieux comme destin. Dernier rebondissement en date, la récente élection présidentielle et son pitoyable déroulement.
Loin d’accréditer l’idée qu’une élection présidentielle puisse être un quelconque salut, ça peut être néanmoins un moindre mal pour un État aussi tourmenté et aussi déchiré. La dictature des talibans dans les années 1990 n’obéissait qu’à assez peu de principes, comme tous les régimes totalitaires en général, mais il en était au moins un qui faisait particulièrement froid dans le dos : instaurer « le plus pur État islamique du monde », fondé sur une stricte application de la charia, avec tout son hideux cortège d’humiliation pour les femmes, les interdictions diverses et variées jusqu’à la destruction, en direct dans le vingt heures, des statues de Bouddha pré-islamiques de Bâmiyân inscrites au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Quand je disais qu’on pouvait rêver mieux. L’assassinat du commandant Massoud, héros de la résistance contre les Soviétiques, puis la destruction des tours jumelles de New York, vont générer de subtils retournements d’alliances dont seules les diplomaties ont le secret. À noter que le commandant Massoud, très admiré du progressiste Alain Madelin, aura été reçu avec tout le tralala en avril 2001 par la très catholique Nicole Fontaine, alors présidente du Parlement européen de Strasbourg. On peut rêver mieux, je vous dis ! Jusqu’alors soutenus par les Yankees, les talibans au pouvoir vont être chassés. Passons sur les pétarades foireuses du mollah Omar fuyant Kaboul à mobylette, c’est désormais l’ordre mondial occidental qui va s’imposer pour tenter de calmer un peu les esprits de ces étudiants un peu chahuteurs et un peu taquins.
Les démocraties occidentales ne connaissent – ce sont elles qui le disent – qu’un seul système de gouvernement : la démocratie ; quitte à faire entrer cette idée dans les crânes à coups de marteau. Aussitôt dit aussitôt fait. Il suffit de placer une marionnette au pouvoir et de tenir la laisse pas trop longue, ce que se sont empressés de faire les gouvernements. Corruption, trucage d’élections, défection des candidats s’en suivent sous le regard bienveillant d’un prix de Nobel de la paix bien emmerdé avec ses promesses de quitter le pays, et de ses alliés qui vont désormais être obligés de faire avec la créature qu’ils ont eux-mêmes créée et pour laquelle ils ont dépensé des millions de dollars.
Nous ne pleurerons pas les militaires en général ni ceux tués par la guérilla islamiste en particulier. Quand on fait le choix des armes, et que l’on met le monde à feu et à sang, il faut s’attendre aux inconvénients d’accidents du travail un peu sérieux mais il reste que le désengagement tant espéré tarde un peu à venir. Et puis quand bien même : les compagnies pétrolières comme Unocal, Texaco, BP et Total se sont installées à Kaboul en espérant remporter des appels d’offres du gouvernement afghan. Nous y voilà enfin.